l’offensive Française en Champagne Argonne.

fin de septembre à octobre 1918

 

Depuis le 8 septembre, les préparatifs sont poussés avec une fiévreuse activité en Champagne et en Argonne. Le front d’attaque prévu aura un développement de 70 kilomètres. L’Armée Française du général Gouraud aligne sept Corps d’armée en première ligne, soit 15 divisions Françaises, sur les quelque 30 kilomètres qui séparent Prosnes de Vienne-le-Château. Derrière cette première ligne, 12 divisions d’infanterie Française et 3 divisions de cavalerie. La 1ère armée Américaine du général Pershing a en première ligne 3 Corps d’armée, soit 7 divisions, et en réserve 8 divisions dont les effectifs sont sensiblement doubles de ceux des nôtres, sur les 40 kilomètres qui séparent Vienne-la-Ville de la Meuse.

image034.1292173429.jpgGénéral Américain John Joseph Pershing 1860-1948

La gauche de Pershing, tenue par le 1er Corps, est dans le secteur mort de l’Argonne où toute opération est impossible, et dont l’évacuation doit être obtenue par les succès remportés dans les secteurs voisins. Devant ce front sont établies, derrière des fortifications formidables, une partie de la 1ère armée Allemande de Von Mudra , la 3ème armée Allemande de von Einem, appartenant au groupe d’Armées du Kronprinz, et la Vème armée Allemande, appartenant au groupe d’Armées de von Gallwitz. Il y a là en première ligne 16 divisions Allemandes, et en deuxième ligne 4 divisions.

Dans le courant de l’action, 4 nouvelles divisions Allemandes y seront transportées de Laon, d’Alsace et du Nord. Les effectifs des deux adversaires sont donc à peu près équivalents, mais les Allemands, qui ont perdu l’initiative des opérations, ont perdu avec elle toute leur confiance dans le succès. Ils sont inquiets et nerveux. Ils connaissent vaguement les résultats des offensives de Mangin, de Degoutte et de Debeney à l’ouest, à l’est, ceux de l’offensive Franco-américaine de Saint Mihiel de la 1ère armée qui, du 12 au 14 septembre, réduit le saillant de Saint-Mihiel, dans la Meuse, 15 000 ennemis sont faits prisonniers.

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Les Américains dans le saillant de Saint-Mihiel, à l’horizon, la hauteur fortifiée de Montsec, enlevée le 12 septembre, premier jour de l’offensive Américaine. Source : l’album de la guerre 1914-1919. © L’illustration. Les chemins de la mémoire

La victoire est rapidement acquise grâce notamment aux chars, aux canons et aux avions affrétés par le commandant en chef des armées Françaises. Elle est également facilitée par l’épuisement d’un adversaire qui a raccourci son front par une retraite vers sa ligne Hindenburg, entre Etain et la Moselle. Lors de l’attaque, les chars sont commandés par un officier dont la renommée allait éclater en 1944, Patton, alors colonel.

Ils multiplient les reconnaissances d’aviation, les coups de sonde, les tirailleries de nuit sans motif. Ils calquent le dispositif adopté par la 4ème armée Française à la dernière bataille de Champagne, évacuant leurs premières lignes et adoptant un dispositif en profondeur. Nous sommes avertis de ces dispositions par des déserteurs et on en tiendra compte. Or, dans l’autre camp, on s’inspire des excellentes méthodes de préparation en usage dans l’armée Allemande au temps de son apogée. Avec son admirable esprit de méthode, le général Pétain a réglé tous les détails de l’opération, qui ont été arrêtés du 8 au 15 septembre. Le transport des unités de renfort venues de très loin, même des Vosges, est effectué la nuit, avec d’infinies précautions, du 16 au 25 septembre.

img064.1292176114.jpgL’attaque était fixée au 26 septembre, et encore dans la nuit du 25 au 26 on exécutait la relève de toutes les unités Françaises qui se trouvaient dans le secteur Américain, afin que Pershing les eût toutes bien groupées dans sa main, entre l’Argonne et la Meuse. Le Maréchal Foch est là, lui aussi. Il vient d’établir un poste de commandement aux Trois-Fontaines, près de Saint-Dizier, et Pétain en a établi un à Nettancourt, près de Revigny. Ainsi les deux grands chefs sont au centre de leurs opérations, en mesure de tout surveiller et de tout diriger. Le 25 septembre, à 11 heures du soir, la préparation d’artillerie se déclenche. Elle s’adresse au delà des lignes d’avant-postes évacués, aux positions de défense réellement occupées par l’ennemi et dont le plan nous est parfaitement connu.

Le 26 septembre, à 5 h25, les infanteries Française et Américaine se lancent à l’assaut. Seuls, les obstacles accumulés ralentissent l’élan des assaillants, car les Allemands sont prostrés dans leurs abris et leur artillerie ne réagit que mollement. Devant Gouraud, tous les objectifs sont enlevés de haute lutte par les Français. La 22ème division Française, celle du Chemin-des-Dames dont le général Spears a pris le commandement, s’empare du tas de gravats qui fut la Ferme Navarin.

Le champ de bataille de 1914 à 1918

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Le Monument-Ossuaire de «La Ferme de Navarin» est situé à 45 kilomètres à l’est de Reims, à une trentaine de kilomètres au nord de Chalons-en-Champagne, sur le bord de la RD 77, entre les villages de Souain-Perthes-les-Hurlus et Sommepy-Tahure.

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Les divisions Françaises des généraux Michel et Schmidt enlèvent brillamment la Butte de Souain et le mont Muret au cours de combats acharnés où les 149ème, 158ème, 170ème et 174ème, 409ème régiments d’infanterie et les 1er et 31ème bataillons de Chasseurs se couvrent de gloire, les tirailleurs de la 2ème division Française chassent l’ennemi de la Butte du Mesnil, et les trois régiments d’infanterie de la division Française du général Leboucq conquièrent les hauteurs de la rive nord de la Dormoise. Les 272ème, 51ème et 87ème régiments d’infanterie Française de la division Nayral de Bourgon, (voir le document pdf Historique du 165ème régiment d’infanterie ) enlevaient aussi la Galoche, les Mamelles et le Fourmilier, au-delà de la Dormoise, tandis que les 44ème, 60ème et 35ème régiments d’infanterie de la division Baston s’emparaient de Tahure et de la Butte de Tahure.

A la même heure, les 230ème et 299ème régiments d’infanterie, avec les trois bataillons de Chasseurs de la division du Général Lardemelle, et les cuirassiers et dragons de la 1ère division de cavalerie à pied avançaient vers Cernay-en-Dormois. Ce jour-là, l’Armée Française du général Gouraud avait capturé 13 000 prisonniers Allemands et 300 canons, et porté son front à 5 ou 6 kilomètres plus au nord. Les Chars d’assaut Français, les FT17 de Renault, avaient fait merveille. Les Américains ont magnifiquement progressé, eux aussi, et ont pénétré profondément dans les organisations ennemies bouleversées. En Argonne, le 1er Corps d’armée, se glissant dans les fourrés, a dépassé le Four-de-Paris, le 5ème Corps a enlevé Vauquois et Varennes, le 3ème Corps a refoulé l’ennemi depuis Malancourt jusqu’aux abords de Montfaucon. De ce côté, l’avance dépasse 7 kilomètres et on dénombre 7,000 prisonniers.

La journée du 27 Septembre est une rude journée de combat. Sentant tout le danger pour ses communications d’une progression sensible des Alliés vers Mézières, Le général Allemand von Einem, après avoir mis en ligne ses dernières disponibilités, appelle à grands cris des renforts, que Ludendorff se hâte de lui envoyer. Malheureusement pour les Allemands, leur artillerie, par trop prudente, s’est portée tellement en arrière que son intervention dans la bataille est peu efficace. Tout le danger, pour les assaillants, vient d’innombrables mitrailleuses Allemandes savamment dissimulées, qui se dévoilent au dernier moment et causent des pertes sérieuses à nos tirailleurs trop ardents, on commence à se heurter maintenant à des contre-attaques vigoureuses prononcées par des troupes nouvelles.

Le 21ème Corps d’armée Française gagne cependant encore 2 kilomètres et parvient jusqu’au bois de la Pince, le 2ème Corps, en dépit des difficultés du terrain, avance de 3 kilomètres, le 9ème Corps s’empare de Grateuil et de Fontaine-en-Dormois, le 11ème Corps subit de puissantes contre-attaques qui retardent ses progrès, mais sans réussir à les enrayer. Les Américains progressent aussi de 2 ou 3 kilomètres, en dépit des vigoureuses contre-attaques que l’ennemi déclenche vers Montfaucon.

Le 28 septembre, Gouraud est renforcé à sa gauche par des éléments du 4ème Corps d’armée Française qui, malgré une résistance opiniâtre, s’emparent d’Auberive… Auberive où le 103ème régiment d’infanterie de ce même Corps d’armée avait laissé tant de morts en 1915 !… D’une manière générale, l’ennemi résiste mieux, et les effets de son artillerie deviennent plus dangereux. Le 11ème Corps d’armée Française s’empare cependant de Somme-Py, et le 9ème Corps de Maure, tandis que les Américains parviennent à Brieulles, au bois des Oignons, à Binarville et à la ferme d’Ivoy. Le temps devient mauvais, et la pluie, qui tombe en abondance, change le terrain crayeux de la Champagne en un bourbier profond, à travers lequel les assaillants éprouvent les plus grandes difficultés pour avancer et pour traîner leurs canons.

Le 29 septembre, le 9ème Corps d’armée Française progresse de 4 kilomètres, enlevant de haute lutte le mont Cuvelet, Séchault et Ardeuil. En revanche, les Américains se heurtent à une résistance énergique qui les arrête, tandis qu’une puissante contre attaque leur reprend Apremont. Le 30 septembre, les Allemands résistent opiniâtrement devant le 14ème Corps Français, qui ne peut progresser, mais le 11ème Corps, maître de Somme-Py pénètre profondément dans les organisations ennemies, et le 21ème Corps dépasse brillamment le ravin d’Aure. Le 2ème Corps gagne du terrain, lui aussi, et le 9ème occupe Marvaux, poussant ses tirailleurs jusqu’aux abords de Monthois. Le 38ème Corps Français, de son côté, prend pied dans le bois de La Malmaison, et la 1ère division de cavalerie à pied s’empare vaillamment de Condé-les-Autry.

La suite 17 sera la dernière bataille avant l’armistice