l’offensive Allemande en Champagne.

Du 15 au 18 juillet 1918.

 

Lancée le 15 juillet 1918 par les troupes Allemandes en Champagne, cette offensive préliminaire de «diversion» permet de mettre en œuvre pour la première fois, à cette échelle, la tactique de la zone défensive, formalisée par le général Pétain et inaugurée à l’offensive de Compiègne, voir la suite 10. Elle va permettre de faire échec aux visées Allemandes. Quand les troupes Allemandes pénètrent les premières lignes Françaises, dont les forces organisées en profondeur, avec des môles de résistance, opposent un feu meurtrier, la progression des troupes Allemandes est importante, et elles franchissent ainsi la Marne, ce qui conduit à la seconde bataille de la Marne du 15 au 31 juillet 1918. Aventurées très au sud et disposées en pointe sans se prémunir contre des attaques sur ses flancs, les troupes Allemandes sont bousculées par la contre-attaque Française, organisée selon Pétain, dans la région de Villers-Cotterêts, entamée le 18 juillet 1918. Les résultats de cette contre-attaque sont dévastateurs pour ces troupes qui doivent refluer vers le nord en évitant de justesse l’encerclement.

Ludendorff eut le talent de concilier tous les points de vue en annonçant, non pas la paix, mais une offensive pour la paix «Friedensturm». Ce fût là le nom qu’il décida de donner à la bataille qu’il préparait depuis plus d’un mois.

Cette offensive va être un échec d’autant plus retentissant que les moyens engagés ont été grandioses et puissants. Cette attaque va se déclencher le 15 juillet 1918 à 4 h 15 et s’étendra sur un front de 90Km, de Château-Thierry à la Main-de-Massiges. 290 000 hommes vont y être engagés soit trois contre un et le Kaiser lui-même est venu à Sommepy au Blanc-Mont pour assister à la victoire finale.

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Monument Américain au Blanc Mont, référence, «Le Patrimoine»

C’est là que Pétain réussit à convaincre le Général Gouraud commandant la IVème Armée, d’adopter une tactique impensable au début de la guerre, c’est-à-dire abandonner la première ligne quelques heures avant l’attaque supposée de l’ennemi et replacer les troupes 3 Km en arrière pour les soustraire au bombardement, seul seront laissé des groupes de soldats que l’on «sacrifiera» sur des positions aménagées dans des îlots de résistance, sur la première ligne ainsi qu’en profondeur et qui auront la tache de renseigner sur l’avance de l’ennemi et de disloquer les troupes.

Les tranchées de première ligne et les sapes seront gazées pour éviter de servir de refuge, des soldats, volontaires et désignés, accepteront ce sacrifice qui sera pour une grosse partie la mort assuré. A partir du 5 juillet on met en place les centres de résistances, isolés avec l’arrière de manière à éviter les indiscrétions en cas de capture. Tous les indices concordent sur l’imminence de l’attaque, le 14 juillet un coup de main heureux dans la région des Monts de Moronvilliers fait 27 prisonniers qui donnent le jour et l’heure de l’attaque, dès lors les troupes se retirent complètement de la première ligne sans bruit et vont se repositionner 3 Km en arrière. Voir la bataille des Monts de Moronvilliers ici .

L’offensive Allemande.

Le 14 juillet 1918, la machine est au point.

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Suivant les logistiques du 21 mars et du 27 mai qui ont consacré l’excellence, renforts et matériel ont été accumulés à pied d’œuvre, chars d’assauts, pièces de tous calibres, dépôts de munitions jusque dans les tranchées de première ligne, matériaux pour la construction de passerelles sur la Marne abrités dans les bois, au nord de Dormans et de Jaulgonne. Une nouvelle base d’attaque contre Paris sera ainsi créée, loin du massif dangereux de Villers-cotterêts, et peut-être que devant cette formidable menace, le moral des soldats s’écroulera.

Le 15 juillet, à minuit, une préparation d’artillerie, avec obus toxiques et large emploi d’ypérite, ébranle le sol sur plusieurs centaines de kilomètres.

gamma-gerat.1291914028.jpgGrosse Bertha est la traduction Française de Dicke Bertha, surnom d’une très grosse pièce d’artillerie de siège utilisée par l’armée Allemande lors de la Première Guerre mondiale.

Des obus monstrueux s’écrasent en même temps sur Chalons, sur Épernay, sur Dunkerque, sur Paris, où la «Bertha» annonce le commencement de la plus grande bataille de tous les temps. Cette débauche de munitions dure quatre heures. A sa faveur, l’infanterie Allemande s’est portée en avant, prête à bondir, des ponts et des passerelles ont été jetées sur la Marne, depuis Gland jusqu’à Mareuil, sur un front de 20 kilomètres. De Longpont à Bligny, c’est la 7ème armée Allemande du général Von Boëhm, avec 30 divisions Allemandes, dont 16 en première ligne. Devant Reims, de Bligny à Prunay, c’est la 1ère armée, à la tête de laquelle le général Von Mudra vient de remplacer le général Fritz Von Below , avec 15 divisions Allemandes en première ligne et 7 divisions en soutien,

1783362230_small.1291916277.jpgGénéral Von Einem.

De Prunay à l’Argonne, c’est la 3ème armée Allemande du général Von Einem, avec 20 divisions Allemandes dont 12 en première ligne.

A 4h45, les troupes Allemandes se lancent à l’assaut, à travers les tranchées bouleversées, les divisions Allemandes ayant, sur un front de 2 km 500, deux régiments en première ligne et un régiment en soutien. Presque toujours deux et souvent trois divisions sont disposées les unes derrière les autres. L’ordre est d’avancer, coûte que coûte, à raison de 1 kilomètre à l’heure. Or, la manœuvre se déroule exactement comme elle avait été prévue par le Haut-Commandement Français.

image031.1291914387.jpgGénéral Gouraud 1847-1946, commandant la 4ème Armée lors de la seconde bataille de la Marne.

En Champagne, Gouraud avait demandé à ses soldats de faire preuve d’héroïsme, «le bombardement sera terrible, leur avait-il dit le 7 juillet, vous le supporterez sans faiblir. L’assaut sera rude, mais votre position et votre armement sont formidables, cet assaut, vous le briserez, et ce sera un beau jour». La tactique employée fut celle que Pétain avait préconisé. Les soldats Français contre attaqueront et reprendront leur première ligne de défense.

L’attaque des Allemands sur le front de Champagne était depuis longtemps prévue. Nos observatoires et nos avions avaient signalé devant nos lignes de formidables approvisionnements d’obus. Des minenwerfer nouveaux se découvraient chaque jour. Enorgueillis de leurs succès vers Amiens et au Chemin des Dames, les Allemands ne doutaient pas de la victoire. Leurs aviateurs avaient plusieurs fois survolé Châlons et clamer d’insolents défis «Mesdames les Châlonnaises, préparez nos chambres !» On savait, par l’expérience des années précédentes, qu’une attaque, menée avec des forces suffisantes et un matériel approprié, était assurée du succès, à ses débuts du moins.

Afin de réduire nos pertes au minimum, le Commandement avait, dès les premiers jours de juillet, réglé dans ses plus petits détails l’évacuation de notre première position. Les troupes de première ligne devaient, au signal donné, se replier sur la position intermédiaire devenue position principale de résistance, et permettre l’arrivée de réserves sur la deuxième position. Seuls, des petits postes d’observation demeureraient sur les parallèles principales et les réduits de la première position, avec mission de lancer des fusées lorsque l’ennemi arriverait devant eux.

L’artillerie Française aura pour rôle de contre battre l’artillerie Allemande, puis d’empêcher les deuxième et troisième vagues d’assauts Allemandes de venir épauler la première vague. L’artillerie aura aussi pour second rôle d’infliger des pertes les plus lourdes aux différentes vagues Allemandes. C’est la défense en profondeur, appelé aussi défense en élastique. Le bombardement fut terrible, en effet. Les îlots de résistances, composés de soldats Français qui s’étaient portés volontaires, on ne peut que se prosterner devant une telle bravoure, restés en avant des positions pour disloquer l’attaque Allemande, la supporteront stoïquement jusqu’au bout. Quand les colonnes d’assaut Allemandes se présentèrent, les soldats Français survivants des îlots, poussant l’héroïsme jusqu’aux limites extrêmes du sublime, attendirent la mort d’un cœur ferme, et se laissèrent submerger. Cependant ces soldats, sauteront sur leurs mitrailleuses, leurs fusils, leurs revolvers, leurs grenades et abattront tout ce qui se présentait devant eux, certains qui ne trouveront pas d’armes fonceront et embrocheront des Allemands au couteau.

Les Français passeront ensuite à la contre attaque et au cours d’actions superbes, reprendront la première ligne qu’ils avaient volontairement abandonné au début de l’assaut. Les Allemands sont repoussés, ils sont de plus décimés par nos canons qui en font une véritable boucherie, ils se briseront sur tous les points défensifs Français. Dès midi, les trois divisions de la Garde Prussienne, la division de Chasseurs Prussiens, les trois divisions Bavaroises avaient perdu plus de la moitié de leurs effectifs et étaient clouées au sol. «Coup dur pour l’ennemi, s’écriait le général Gouraud, en remerciant ses héroïques soldats Français, une belle journée pour la France ! … »

Sur la Marne, de Château-Thierry à Reuil.

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Le 15 juillet.

Dans la soirée du 14 juillet la préparation d’artillerie commence vers minuit et l’attaque, dont l’heure est décalée, semble-t-il, de l’ouest à l’est, se déclenche à 1h20 au sud de la Marne, à 1h40 à Chaunuzy. Pendant la nuit, l’ennemi jette des ponts et des passerelles, sur la Marne, deux entre Tréloup et Dormans, les plus importants, de 5 à 10 mètres de large, d’autres en face de Soilly, Courthiézv, Leuilly, Jaulgonne, Mézy et Chartèves. Avant le lever du jour, l’ennemi franchit la Marne, et attaque à Mareuil le Port, les divisions de première ligne établies sur la rive sud. Les positions de Courthiézy, Soilly, Chavenay, Troissy, Nesle-le-liepons sont âprement défendues. Le terrain qui n’est cédé que pied à pied, et toute cette région est le théâtre de combats héroïques. Les 33ème, 52ème, 53ème coloniaux entre autre unités, se couvrent de gloire par leur défense de Mareuil-le-Port et par leur résistance dans les bois de Nesle-le-Repons.

Les Allemands sont arrêtés sur la ligne Celles-lès-Condé, la Chapelle-Monthodon, Comblizy, où déjà les réserves Françaises passent à la contre-attaque, Oeuilly, Reuil. Au nord de la Marne l’attaque, contenue toute la matinée sur la première position par 2 divisions Françaises et le 2ème corps Italien, progresse dans la soirée jusqu’à la seconde position où elle est arrêtée. Pendant toute la journée, malgré les épais rideaux de fumée qui les dissimulent, les avions alliés repèrent les ponts jetés sur la Marne et les bombardent à faible hauteur, ils en détruisent plusieurs, précipitant les troupes et les convois dans la rivière, ensuite, ils attaquent à la mitrailleuse les troupes qui ont débouché sur la rive sud. Dans la seule journée du 15, les bombardiers Français, aidés par leurs camarades Américains et Britanniques, jettent 44 tonnes de projectiles sur les passages de la Marne et infligent à l’ennemi des pertes considérables. «Il n’y a guère de rivière qui ait été aussi bien défendue», dira le journal de Berlin les 16 et 17 juillet. Grâce à une formidable débauche d’obus toxiques qui a permis aux pontonniers Allemands d’établir de nombreuses passerelles au moyen de câbles d’acier, six divisions Allemandes ont réussi à franchir la rivière avant l’aube.

Mais ce succès est vite enrayé. A gauche, une division Américaine se précipite à la contre attaque dans une fougue magnifique, et rejette l’ennemi dans la Marne, empêchant de ce côté tout élargissement de la tête de pont. Vers Celtes-les-Condé, c’est à la fois le 502ème régiment de chars d’assauts qui brise l’élan de l’ennemi. Au centre, Saint-Aignan et la Chapelle-Monthodon seront conservées, grâce à l’héroïsme des 125ème et 51ème divisions et de 6 régiments d’infanterie. En particulier la division du général Boulangé, la 51ème, a perdu 77 officiers et 3300 soldats, les héroïques 33ème et 73ème régiments d’infanterie sont décimés. A droite, Oeuilly et le bois de Châtaigniers sont conservés et une vigoureuse contre-attaque de l’infanterie de la 73ème division et de trois régiments d’infanterie, ainsi que l’existence de tranchées de deuxième ligne protégées par des réseaux de fils de fer, limitent la poche dans cette région. Vers Épernay, le chemin est barré aussi. Accroché aux pentes de Damery et de Venteuil, devant Epernay, le 103ème régiment d’infanterie, appuyé par un groupe du 26ème d’artillerie, oppose à tous les efforts de l’ennemi une résistance victorieuse. Le soir, la tête de pont des Allemands au sud de la Marne, large d’une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau, ne dépasse pas 5 kilomètres en profondeur.

Son maintien parait des plus précaires, car les renforts ennemis ne peuvent arriver que lentement, puisque Reims nous reste, Reims étant le seul passage adapté. Le général Pétain n’en est pas moins inquiet. La présence des Allemands au sud de la Marne menace la ligne Sézanne Vitry Bar-le-Duc, la seule rocade qui lui reste. Il inclinerait donc à rejeter les Allemands dans la Marne, avant de déclencher l’offensive Mangin, prévue et toujours maintenue pour le 18 juillet, mais il voudrait la compléter par une contre-offensive de Gouraud en Champagne. Foch, entêté, ne veut rien entendre. Ludendorff veut s’engager au sud de la Marne ? Qu’il y aille ! Qu’il y enfourne surtout le plus de divisions Allemandes possibles ! Ce sera autant de moins à combattre pour Mangin, et autant de plus à ramener vers le nord dans des conditions difficiles.

L’offensive Française de Mangin se déclenchera le 18 juillet, «victoire égale volonté», a écrit Foch dans ses cours de l’école supérieure de guerre. Ce ne sont pas là des mots creux. C’est une vérité gravée en lettres de feu dans le cœur du généralissime. La 4ème armée Française du général Gouraud venait de remporter un succès défensif indiscutable, les Allemands n’avaient rien gagné,

et avaient perdu 40 000 soldats contre 5000 Français.

La suite 12 sera À la Main-de-Massige.