la libération de la France, la bataille de Caen, la bataille des Haies et la percée d’Avranches,
Alors que les Américains allèrent vers Cherbourg, les troupes Britanniques allèrent vers Caen. Caen fut, comme Cherbourg, une position clé de la bataille qui s’engageait. Caen était un nœud de communications, clé des opérations vers la Seine donc vers Paris. Les plaines avoisinantes offraient la constitution d’aérodromes pour l’acheminement de troupes et matériels. Le plan initial prévu fut la prise de Caen le 6 juin, mais il fallu 6 semaines et quatre offensives pour que les Alliés enlevèrent ce qui resta de villes à l’ennemi.
Montgomery en fit la cible d’une série d’attaques d’usure, mais aussi avec de lourdes pertes humaines, défendue par Rommel les Allemands résistèrent jusqu’à la limite de leurs possibilités. Attaqués sur plusieurs fronts simultanément ils ne purent que s’incliner. La première attaque fut l’opération Perch entre le 7 et 14 juin. L’opération fut destinée à encercler Caen par un effet de tenaille objectif majeur dans cette opération Overlord. Or des faits simultanés associant une résistance Allemande acharnée et des défaillances au niveau du commandement Britannique firent déjouer l’opération avant que ses objectifs furent atteints. Le bras Ouest de l’offensive rencontra une forte résistance Allemande à la ville de Tilly-sur-Seulles qui changea plusieurs fois de mains au cours de cette bataille, avant qu’elle fut libérée. La poussée de la branche Est lancée deux jours plus tard de la tête de pont de l’Orme par des forces Britanniques aéroportées fit aussi peu de progrès face à une résistance déterminée sous forme de contre-attaques. Devant le nombre croissant de victimes et sans visibilité d’une défaillance Allemande le 13 juin l’offensive vers l’Est fut abandonnée. A l’Ouest la poussée Américaine ouvrit une brèche dans les lignes Allemandes. La 7ème division blindée fut détournée de la lutte de Tilly-sur-Seulles pour une manœuvre de flan contraignant les Allemands à se replier. Après deux jours de combats intenses qui inclurent la bataille de Villiers-Bocage jugée intenable la 7ème division se replia. L’offensive put reprendre après que la 7ème DB fut renforcée, mais ce plan fut abandonné par suite d’une forte tempête de trois jours le 19 juin qui perturba les opérations des forces Alliées. Il fut reconnu qu’en raison des défaillances du commandement Britannique divisions et corps la première occasion de la prise de Caen avait échouée.
Montgomery lança sa seconde offensive le 25 juin par une attaque de «grand style» en direction de l’Odon, entre Tilly-sur-Seulles et Caen qui mit en jeu 90. 000 hommes. La rivière fut franchie le 27 juin, mais l’avance fut une nouvelle fois stoppée par l’arrivée de deux divisions blindées SS dans le secteur de la cote 112. La cote 112, une modeste colline, fit revivre la guerre de tranchée de la Grande guerre, des soldats enterrés dans des tranchées, attaquèrent et contre-attaquèrent, subissant d’énormes pertes, mais firent perdre la quasi-totalité des chars aux Allemands.
A cause des trois jours de tempête. la 2ème armée lança l’opération Epsom, le 26 Juin avec les unités de la 15th, Scottish Infantry Division progressant derrière un tir de barrage de l’artillerie. Un soutien supplémentaire par des bombardiers fut prévu, mais de mauvaises conditions météorologiques conduisirent à son annulation. De ce fait, la couverture aérienne fut faible pendant une grande partie de l’opération. Soutenu par les chars d’assaut de la 31st Tank Brigade, la division d’infanterie fit des progrès réguliers et, à la fin de la première journée dépassa largement la première ligne Allemande, malgré encore quelques difficultés à vaincre dans les flancs dans la percée. A la suite à de violents combats au cours des deux jours suivants, un point fut sécurisé sur la rivière Odon, et des efforts furent faits pour capturer des points stratégiques aux alentours avec le ralliement de la 43rd, Wessex, Infantry Division. Mais suite à de puissantes contre-attaques Allemandes le 30 juin, certaines des positions Britanniques furent abandonnées, conduisant à l’arrêt de l’opération.
Les pertes furent lourdes des deux côtés, mais contrairement au général Montgomery, le maréchal Erwin Rommel ne fut pas en mesure de retirer ses unités pour les reposer après la bataille, elles lui furent nécessaires pour tenir la pression sur la ligne de front. Les Britanniques conservèrent ainsi l’initiative et furent en mesure de lancer de nouvelles opérations au cours des semaines suivantes, capturant Caen le 20 juillet.
Le but de cette nouvelle opération ne fut plus de contourner Caen mais d’y pénétrer. N’ayant pas rassemblé assez d’artillerie lourde, les Alliés choisirent d’employer l’aviation afin de préparer les opérations au sol. Les bombardiers lourds saturèrent de bombes les faubourgs nord de la ville afin de détruire l’infanterie, les positions d’artillerie et couper les Allemands de leurs arrières. Le 7 juillet, de 21 h 50 à 22 h 30, 460 bombardiers de la Royal Air Force larguent plus de 2.500 tonnes de bombes, suivit d’un pilonnage intensif des positions Allemandes, entre 300 et 400 civils Français y trouvèrent la mort. Vue aérienne des bombardements sur Caen le 6 juin 1944.
document Wikipédia.
De ce chaos, de nombreux soldats Allemands furent hébétés. Certains régiments furent anéantis, d’autres unités isolées. La 16ème division de campagne de la Luftwaffe, frappée de plein fouet par le bombardement aérien, perdit 75 % de son effectif. La 12ème division Panzer SS ne compta plus qu’un seul bataillon. Malgré ces pertes, les Allemands ne se découragèrent pas et les combats furent toujours aussi acharnés. La masse des décombres qui s’ajoutèrent aux énormes cratères empêcha une progression rapide sur le terrain des blindés Britanniques. Le 8 juillet, à 4 h 20, trois divisions Britanniques et Canadiennes attaquèrent la ville, soutenues par trois brigades blindées, Rommel donna l’ordre de déplacer toutes les armes lourdes sur la rive sud de l’Orne. Les Canadiens délogèrent les SS de Buron et d’Authie, tandis que les Britanniques brisèrent les dernières résistances devant Lébisey. Au soir, les Allemands commencèrent à décrocher. Le 9 juillet au matin, les Canadiens enlevèrent Carpiquet, Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, Venoix, la Maladrerie et pénétrèrent enfin dans Caen mais la destruction des ponts sur l’Orne les obligea à stopper leur progression. Plus à l’est, les Britanniques avancèrent lentement dans les rues rendues méconnaissables par les ruines causés par les bombardements à répétition. Le 9 juillet, la rive gauche de Caen fut libérée.
Le 19 juillet les Anglais et les Canadiens, guidés par les FFI, investirent les quartiers de la rive droite. Caen fut entièrement libérée le 20, mais l’ennemi fut encore à ses portes, par une puissante attaque blindée à l’est, Montgomery lança l’opération Goodwood qui se solda par un échec.
La ville de Caen ne fut pas prise dans sa totalité, malgré un mois d’intenses combats. Le bocage normand offrit de nombreux obstacles aux opérations d’attaque mais le terrain plus dégagé vers l’est, entre Caen et Vimont, parut plus favorable. Une grande opération blindés fut menée par les corps blindés de la 2ème Armée choisis pour cette attaque, et bien que devant être coûteuse, certains commandants Alliés eurent de grands espoirs de percer. Le 8ème Corps, constitué des 11ème et 7ème divisions blindées et celle des Gardes, formèrent la force principale. Les objectifs de la 11ème division blindée furent Bras, Hubert-Folie, Verrières, et Fontenay, Garcelles-Secqueville pour la 7ème division blindée, et les Gardes durent attaquer entre Cagny et Vimont. Le but fut de repousser les Allemands des hauteurs du pont de Bourguebus. Une force Canadienne couvrit le flanc Est et l’infanterie Britannique celui de l’Ouest. Le plan fut développé par le général Britannique Miles Dempsey et fut approuvé par le commandant en chef, le général Montgomery le 10 juillet.
L’attaque.
Les blindés durent traverser l’Orne et le canal de Caen pour atteindre le champ de bataille, mais faire mouvement trop tôt aurait alerté les Allemands. Rétrospectivement on put se rendre compte que les blindés passèrent trop tard à l’attaque, les chars d’assaut furent fortement ralentis par le goulot d’étranglement des trois ponts sur l’Orne et quand ils atteignirent la zone assignée ils eurent à affronter un autre problème, l’endroit fut miné abondamment non seulement par les Allemands mais aussi par les Alliés dans les semaines après le débarquement de juin. De grandes surfaces minées sans en garder le relevé bloquèrent la 11ème division. Un autre problème sous-estimé fut les nombreux petits villages, défendus chacun par une petite garnison bien équipée, protégée par un réseau de tunnels. Par le bombardement préalable effectué par 2.077 bombardiers lourds et moyens lâchant plus de 7.800 tonnes de bombes, (Erinnerungen an die Tiger-Abteilung 503, page 394), les positions Allemandes à l’Est de Caen furent ainsi soumises à un tapis de bombes et beaucoup de villages furent transformés en amas de ruines, ce qui réduisit les défenses en les désorganisant. Pendant une courte période les Allemands furent transformés en des groupes épars, aux effectifs durement touchés avec des hommes assommés et peu résistants.
Les premières avancées par les blindés Alliés, entreprises sous le barrage d’artillerie furent lentes, bien que ne rencontrant que peu d’opposition. Lorsque la voie de chemin de fer Caen-Vimont fut atteinte, les Allemands se regroupèrent. Le Fife et Forfar Yeomanry perdit douze chars à Cagny quand les canons antiaériens de 88 mm furent tournés sur eux, un seul tir au but sur un Sherman fut le plus souvent suffisant pour le réduire à une épave en flammes. Les Alliés poussèrent lentement et traversèrent la ligne pour approcher la côte de Bourguebus, où ils furent en contact avec la 21ème division Panzer et la 1ère division Panzer SS. Plus de soixante-dix chars Sherman furent détruits avant que les Alliés ne reculèrent. Les blindés Allemands contre-attaquèrent et les combats continuèrent sur le plateau et autour de Hubert-Folie jusqu’au 19 juillet, à ce moment où la moindre chance de percée fut perdue.
Les pertes.
En tout les Alliés étendirent leur contrôle sur une dizaine de kilomètres à l’Est de Caen et détruisirent plus de 100 Panzers dont de nombreux Tiger, mais perdirent 437 blindés (Erinnerungen an die Tiger-Abteilung 503, p.400) et plus de 6.000 hommes. Les entrepôts des têtes de pont purent compenser les chars perdus, mais la perte en homme fut catastrophique. Montgomery dit lui-même qu’il fut trop optimiste lors d’une conférence de presse, le 18 juillet. Leur action donna cependant à l’opération Cobra par l’armée Américaine une meilleure chance de succès.
La bataille des haies.
Près d’un mois et demi après le débarquement, les Américains eurent des difficultés pour à avancer dans le bocage normand avec des pertes importantes pour un minimum de gains. Des centaines de milliers d’hommes commencèrent à saturer l’espace de la tête de pont. Il leur fut impossible de lancer leurs chars à travers des champs barrés par de hautes haies et les chemins creux masquèrent les canons antichars Allemands. Le terrain fut favorable aux actions défensives basées sur l’embuscade et le coup de main, dont les Allemands surent habilement tirer parti. Ils utilisèrent de façon judicieuse les haies, les chemins creux, les zones marécageuses. Ils disposèrent d’un armement adapté au combat rapproché, plusieurs lignes de défense prirent appui sur les épaisses haies et brisèrent invariablement les attaques successives des forces Américaines. Quelques haies prises à l’ennemi constituèrent une progression spectaculaire pour une journée de combat. Les pertes du côté des Américains furent très lourdes.
L’état-major Américain ne prévit de disputer des combats intenses dans cette zone et sous-estima les difficultés de la configuration du terrain, rendant difficile tout mouvement de chars, les hommes disposèrent de peu de visibilité. Les troupes de la Wehrmacht furent plus expérimentées que les troupes qui stationnèrent sur les côtes du débarquement. Notamment les Fallschirmjäger, parachutistes surent tirer profit de ces petits prés clôturés par des talus et des hautes haies. Elles s’y camouflèrent aisément, rendant la suprématie aérienne Alliée moins déterminante et l’artillerie Américaine peu efficace. Les Allemands pratiquèrent une tactique où chaque point défensif d’un pré put soutenir celui du pré d’à côté. Les blindés Alliés ne purent progresser sur ce terrain, les routes étaient étroites et bordées de hautes haies et les chars furent exposés aux tirs de l’artillerie Allemande.
Panzerschreck avec bouclier de souffle, document Wikipdia .
Et quand ils arrivèrent à franchir les haies, le dessous du char non blindé se découvrait offrant fut une proie pour les tirs de panzerschrecks, l’équivalent des bazookas Américains, par des soldats Allemands embusqués. La bataille des haies fut une guerre d’infanterie qui put être comparée par certains de ses aspects à une guerre de jungle.
Franchir une haie couta quelques fois une dizaine de morts Alliés pour prendre seulement une haie. 7.000 GI furent tués ou blessés pour libérer le simple bourg de Sainteny, entre Carentan et Périers. 10.000 autres subiront le même sort pour prendre la Haye-du-Puits le 8 juillet puis Lessay une semaine plus tard alors que cette ville ne fut distante que de 8 km. Le moral des troupes Américaines fut atteint dans cette guerre d’usure où une haie prise avec difficulté ressembla terriblement à la haie précédente. Début juillet, les Américains perdirent un homme par mètre de progression de la ligne de front. Les pertes furent encore plus terribles pour prendre la ville de Saint-Lô, âprement défendue par un régiment parachutiste Allemand depuis les collines au nord de la ville. Le mois de juillet fut sans doute le mois le plus difficile pour les Alliés sur le front de l’Ouest. Selon leurs plans, à D+60, 60 jours après le débarquement, ils auraient déjà dû libérer la Bretagne et avoir atteint la Loire alors qu’ils furent bloqués au nord d’une ligne Caen-Saint-Lô, n’ayant progressé que de quelques kilomètres en plus de trois semaines. L’état-major Américain fut inquiet, à ce rythme, ils craignirent de devoir livrer un mois de combat supplémentaire pour atteindre Coutances.
Les techniques d’essais pour franchir les haies.
L’US Army chercha des solutions pour que les chars franchissent facilement les haies. Des bulldozers furent utilisés mais ceux-ci ne furent présents qu’en petit nombre. Des canons de gros calibre pour pulvériser les haies furent testés. Des unités de blindés ou de génie développèrent leur propre technique par explosifs mais les résultats restèrent mitigés, temps de mise en œuvre, perte de l’effet de surprise, difficulté à placer l’explosif, etc…. Lors d’un test de pose d’explosifs par tube, les hommes du 747ème bataillon blindé découvrirent qu’un tank équipé de tuyaux pouvait parfois traverser par lui-même certaines petites haies. Mais la manœuvre pliait fréquemment les tuyaux. Après réflexion le premier lieutenant Charles B. Green du 747ème équipa un tank Sherman d’un gros butoir fait à partir de rails de voie ferrée. Ainsi équipé, le tank se révéla assez puissant pour déchirer et traverser presque toutes les haies. Les équipes de maintenance équipèrent ainsi plusieurs Sherman du 747ème. Un sergent tankiste, Curtis G. Culin, mit ensuite au point un dispositif simple mais ingénieux. Il fixa à l’avant de son char des lames d’acier permettant de franchir les haies en les tranchant à leur base. Ces lames furent fabriquées à partir des hérissons Tchèques, sorte de chevaux de frise en poutrelles d’acier, que les Allemands disposèrent sur les plages normandes pour éviter le débarquement des chalands et péniches Alliés.
Le général Omar Bradley fut invité le 15 juillet pour voir une démonstration du dispositif et convaincu ordonna immédiatement que le plus de tanks possibles en furent équipés, d’autant que le lancement d’une grande opération, l’opération Cobra s’annonçait. Ainsi lors de la percée sur Saint-Lô, environ 3 tanks sur cinq possédèrent un hedge-cutter. L’aspect du dispositif valut aux tanks équipés le surnom de «rhino» pour sa ressemblance avec la corne de l’animal.
Hedge-cutter
Référence blog Evry-Day
Les Alliés ne furent libérés de ce piège du bocage qu’avec le lancement de l’opération Cobra et le percement des lignes Allemandes avec une nouvelle tactique définie par le général Omar Bradley dite du «tapis de bombes». Le 25 juillet, 1.500 bombardiers saturèrent un corridor étroit de quelques kilomètres seulement entre les villages de La Chapelle-en-Juger et Hébécrevon, au nord de la grande route joignant Saint-Lô à Coutances, afin d’annihiler toute défense Allemande et de créer la brèche dans laquelle s’engouffrèrent les armées Américaines, marquant la fin de la guerre des haies. Les troupes Allemandes, usées elles aussi par 2 mois de combats et manquant d’effectifs ne purent reconstituer rapidement une ligne de défense, permettant la percée d’Avranches et une guerre de mouvement plus favorable aux Alliés.
La percée d’Avranches.
Le 25 juillet 1944, les Alliés lancèrent alors deux opérations conjointes, l’opération Spring consistant à bloquer les forces blindées Allemandes à l’Est du front au Sud de Caen, et l’opération Cobra. Il s’agissait, par un bombardement massif et très concentré «tapis de bombes», d’ouvrir une brèche dans les défenses Allemandes dans le Sud du Cotentin. L’opération réussit, et le 30 juillet, les divisions Américaines s’engouffrèrent dans la brèche ouverte. Patton, avec les divisions blindées, et la 2e DB Française de Leclerc, purent alors lancer sa grande percée vers le sud, libérer la Bretagne, à l’exception des principaux ports fortifiés où les Allemands se retranchèrent, avancer jusqu’à la Loire, puis revenir vers le nord en prenant à revers le front Allemand.
La suite 69 sera celle de la suite de la percée d’Avranches.
Les Références peuvent être consultées sur mon blog au Monde.fr.