la collaboration d’État, l’entrevue de Montoire, la milice, suite,

 

Le 27 août 1941, alors qu’il passe en revue le premier contingent de la Légion des volontaires Français, LVF, volontaires sous uniforme Allemand sur le point de partir pour participer à l’opération Barbarossa, Laval est victime d’un attentat à Versailles le 27 août 1941, il a reçu deux balles une à l’épaule l’autre au poumon gauche déviée et freinée par ses boutons de manchette.

La cérémonie de la LVF qui est organisée à la caserne Borgnis-Desbordes, avenue de Paris, réunissait Eugène Deloncle, président du Comité central de la Légion des volontaires Français, Marcel Déat, fondateur du Rassemblement national populaire, RNP, Fernand de Brinon, délégué général du gouvernement Français dans les territoires occupés, Marc Chevallier, préfet de Seine-et-Oise et le ministre plénipotentiaire Allemand Schleier. L’auteur des cinq coups de révolver de 6,35 est un jeune résistant ouvrier de 21 ans, Paul Collette, ancien membre des Croix-de-feu qui s’est engagé dans la LVF pour mettre en œuvre un attentat contre les membres de ce gouvernement. Quand Pierre Laval arrive avec ses cinq compagnons Paul Collette tire sur le groupe. La faiblesse du calibre et son inexpérience font qu’aucune des balles ne sera mortelle.

200px-charlemagne_division_soldiers.1296549056.jpgSoldats de la légion des légionnaires Français composant une partie de le Wehrmacht, document Wikipédia .

La Légion des Volontaires Français également connue sous le nom infanterierégiment 638 par les Allemands est créée le 8 juillet 1941, 15 jours après le déclenchement de l’opération Barbarossa, l’invasion de l’URSS par l’Allemagne déclenchée le 22 juin 1941. Cette naissance est portée par une galaxie de partis collaborationnistes, notamment le RNP de Marcel Déat, le PPF de Jacques Doriot, et le MSR d’Eugène Deloncle. Elle est dissoute en 1944 pour être principalement intégrée à la Division SS Charlemagne. La LVF utilisait comme étendard le drapeau tricolore Français.

Affiches de la légion des légionnaires Français.

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Affiches de recrutement et de propagande de la LVF, documents Wikipédia.

La LVF, association loi de 1901, était dirigée dans la zone occupée par un Comité central chargé du recrutement, dont faisaient partie Eugène Deloncle, Jacques Doriot, Marcel Déat, Marcel Bucard, Pierre Costantini, Paul Chack et Pierre Clémenti, tandis que le recrutement dans la zone libre était confié à un Comité d’action, à Marseille, dirigé par Simon Sabiani, et dont faisait partie Louis Lumière. Un Comité d’honneur donnait, une sorte de caution morale, par des personnalités intellectuelles, figures éminentes de la collaboration, qui seront toutes condamnées après-guerre, à l’exception du cardinal Baudrillart qui se battit en uniforme Allemand sur le front de l’Est décédé par maladie, ainsi que, Jean Luchaire, Abel Bonnard, Georges Claude, Alphonse de Châteaubriant, ainsi que des dirigeants du Parti national breton . Son organe de presse était Le Combattant européen, rédigé par Marc Augier.

Le 17 avril 1942 sous la pression de Otto Abetz, Laval qui a recouvré la santé, est nommé à nouveau chef du gouvernement du régime de Vichy par le maréchal Pétain. Dès lors, il renforce la politique de collaboration avec l’occupant. Si Pétain n’a toujours pas d’affection personnelle pour Laval, il partage avec lui les mêmes options de politique extérieure, et approuve ses décisions en conseil des ministres. En juin 1942, le maréchal déclare très clairement en public que les propos et les ordres de Laval sont «comme les siens» et que tous lui doivent obéissance comme à lui-même. Ainsi que l’ont montré Henri Michel, Robert Paxton, Jean-Pierre Azéma et bien d’autres historiens, il n’a jamais existé de différences entre un «régime de Pétain » et un «régime de Laval», que les apologistes de Pétain ont inventées après la guerre afin de rejeter sur le seul Laval la responsabilité des turpitudes du Régime de 1940.

Féru de diplomatie, intimement persuadé d’être le seul Français capable de négocier avec Hitler, Laval mise tout sur une collaboration sans équivoque qui consiste à anticiper sur les désirs Allemands et à multiplier les gages de bonne volonté envers le vainqueur, sans en attendre de contrepartie, dans le but de maintenir la reconnaissance par les occupants de l’autorité du régime de 1940. Il espère ainsi obtenir de Joachim von Ribbentrop ou d’Hitler l’entrevue décisive, pendant laquelle il fait d’avance généreusement confiance aux capacités de charme personnel qu’il se prête pour séduire les chefs nazis, et les convaincre de réserver à la France une place de choix dans l’Europe de Reich.

Laval ne semble jamais avoir eu conscience ni de la spécificité radicale de l’idéologie nazie et du régime hitlérien, ni de l’absence complète de volonté du Führer de traiter la France ni aucun autre vassal comme un partenaire. Profondément convaincu d’avoir raison seul contre tous, et persuadé que la postérité seule comprendrait les mérites de sa politique, Laval n’a jamais tenu aucun compte de l’impopularité de sa personne et du sentiment de collaboration auprès de la masse des Français, pas plus que des avertissements qui lui parvenaient de plus en plus de toutes parts. D’où, parmi tant d’autres témoignages, ce dialogue significatif avec le général Weygand, en novembre 1942, au moment où ce dernier doit quitter le gouvernement à Vichy en raison de l’avancée des troupes Allemandes dans la «zone libre,

«Monsieur Laval, vous avez contre vous 95 % des Français.
– Dites plutôt 98 %, mais je ferai leur bonheur malgré eux
».

Comment comprendre l’aveuglement de Laval pour le régime nazi ? On sait que ce régime était au départ porté par les travailleurs, c’était un régime socialiste devenu ensuite national socialiste. Laval a été membre de la SFIO en 1905 donc socialiste. Leur point commun était d’augmenter le niveau de la classe ouvrière et Laval au poste ou il se trouvait inespéré pour lui, étant originaire d’une famille modeste, voulait faire comme il le dit le bonheur des Français sans se rendre compte qu’il courait à sa perte et que les nazis ne cherchaient rien d’autre que la domination de l’Europe pour leur profit. Engagé dans la collaboration il ne pouvait plus reculer il lui fallait jouer le jeu à font avec l’espoir pour lui d’une victoire, d’ou son aveuglement malgré les avertissements qui lui étaient faits.

Pierre Laval s’enferre ainsi sans retour dans une politique de collaboration de plus en plus coûteuse humainement et moralement pour la France, sans contrepartie. Il n’en varie pas, y compris en 1943-1944, alors que la défaite Allemande est pourtant devenue prévisible. N’a-t-il pas écrit dans une lettre à l’Ambassadeur US Wiliam Leahy.

«En cas d’une victoire sur l’Allemagne de la Russie soviétique et de l’Angleterre, le Bolchevisme s’installerait inévitablement en Europe. Dans ces circonstances je préférerais voir l’Allemagne gagner la guerre. J’estime qu’un arrangement pourrait être atteint, avec l’Allemagne, qui aurait comme conséquence une paix durable en Europe. Je crois qu’une victoire Allemande est préférable à une victoire Britannique et Soviétique»

En avril 1942, William Leahy, ambassadeur des États-Unis près le gouvernement de Pétain, a écrit au sujet de Pierre Laval dans ses mémoires, J’étais là, paru en 1950.

«La figure de Laval s’accrocha comme une ombre mauvaise au-dessus de «Vichy» pendant que l’année s’ouvrait. L’ancien premier ministre était un politicien astucieux et rusé qui a bâti son avenir et celui de la France sur une victoire de l’Axe. En avril 1942, une épreuve de force entre l’Allemagne et les États-Unis se déroula à Vichy, (il évoque le limogeage de Laval par Pétain), et se termina au bénéfice de celle-ci, lorsqu’Abetz obligea le maréchal à reprendre Laval au gouvernement, événement qui rendit nécessaire mon rappel à Washington. C’était un petit homme, basané, complexé, négligé dans son aspect personnel, mais avec un discours charmeur. Dans une discussion politique très franche, Laval m’a donné l’impression d’être fanatiquement voué à son pays, avec une conviction que les intérêts de la France étaient liés irrévocablement à ceux de l’Allemagne. Cette idée était nécessairement construite sur des signaux persistants et il avait employé sa carrière politique pour accroître sa fortune personnelle. Il est vrai que, parti de rien, le pauvre garçon de livraison dans une épicerie provinciale de ville était devenu l’un des hommes les plus riches, et puissants de son pays. Il m’avait convaincu que son gouvernement avait été entièrement conçu pour collaborer avec l’Allemagne et aider à la défaite de ce qu’il nommait «le bolchévisme Soviéto-britannique» »

Le 22 juin 1942, Laval prononce à la radio un retentissant discours dont se détachent ces phrases essentielles:
-«J’ai toujours trop aimé mon pays pour me soucier d’être populaire, j’ai à remplir mon rôle de chef».
-«Darlan lisait les communiqués tous les matins afin de savoir quel camp choisir dans la journée, pour ou contre l’Allemagne. Je ne m’occupe pas des communiqués, je mène une politique dont rien ne me fera changer».
-«Agir de telle façon que l’Allemagne ne soit pas trop forte pour nous éteindre, mais de telle façon que le bolchevisme ne puisse pas, lui, nous supprimer».
– «Je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que sans elle le bolchevisme, demain, s’installerait partout».

L’effet sur l’opinion publique est désastreux, les propres conseillers et ministres de Laval sont effondrés. Préparant ce discours, Laval avait annoncé à ses conseillers qu’il mettrait aux Français «de l’acide sulfurique sur leurs plaies». Alors que tous lui demandent de ne pas insérer cette phrase, il tient absolument à la garder, estimant qu’il doit dissiper toute équivoque envers les Allemands et ancrer résolument la France dans le camp de l’Axe.

Il consent toutefois à montrer son texte au maréchal Pétain. Ce dernier se contente de lui faire modifier la version initiale – «Je crois à la victoire de l’Allemagne» – du moment qu’un civil n’a pas selon lui à faire de pronostic militaire. D’avoir émis le souhait de la victoire Allemande discrédite définitivement Laval dans l’esprit de la masse des Français occupés. Laval est revenu plusieurs fois en public sur cette phrase, toujours pour refuser de la désavouer. Il déclara au moment de son procès que cette phrase lui valut la confiance du Führer et que de l’avoir prononcée lui sauva la vie quand il dut se rendre précipitamment à Munich en novembre 1942 pour voir Adolf Hitler qui s’inquiétait d’un revirement possible du gouvernement de 1940 à la suite du débarquement allié en Afrique du Nord.

Hitler était persuadé que la présence de Darlan à Alger n’était pas fortuite et craignait que son ralliement aux forces Américaines ait reçu l’aval de Pétain. En septembre 1942, il autorise la Gestapo à pourchasser les résistants Français en Zone libre, «mission Desloges». Lors de l’invasion de la zone sud le 11 novembre, il ne démissionne pas et reste au pouvoir, comme Pétain. Le matin du 27 novembre, il tente in extrémis d’empêcher par téléphone le sabordage de la Flotte française à Toulon, au risque que ses nombreux navires de guerre tombent tous aux mains d’Hitler. En public comme en privé, Laval réaffirme jusqu’à la fin son refus viscéral de toute idée de double-jeu. De fait, cet homme si souvent stigmatisé par ses contemporains comme un «maquignon» et un «opportuniste» jouant jusqu’au bout un seul jeu, celui de l’entente avec l’Allemagne.

L’Affaire Desloges, peu connue, illustre bien l’engrenage irréversible dans lequel s’étaient introduits Laval, Bousquet et les autres responsables du régime de 1940 en ce qui concerne la répression, Le Bureau des Menées Antinationales, B.M.A. où s’est camouflé l’ancien 2ème Bureau français, sous la direction du colonel Rivet, lutte dans l’ombre en zone sud contre les agissements de l’Abwehr et totalement clandestinement en zone nord. Darlan s’oppose à l’action anti-allemande des officiers qui y travaillent. Laval, dès son retour au pouvoir fait tout pour dissoudre le B.M.A., il y parvient en août 42. Le Commandant Paillole continue son travail de contre-espionnage, sous l’appellation dissimulée du «Service de Sécurité Militaire» SSM en conservant ses informateurs clandestins. Début Septembre, Paillole apprend par certains d’entre eux que, par un ordre de mission du ministre de la Guerre, un officier Français, le capitaine Desloges, avait réquisitionné le château de Charbonnières, près de Lyon, au profit des Allemands, deux jours plus tard, le château de Bionne, près de Montpellier subit le même sort, puis à Limoges, Pau, Marseille d’autres réquisitions sont pratiquées au profit des Allemands.

De plus, 200 cartes d’identité en blanc sont remises par Bousquet au représentant du Sipo-S.D. police de sureté de Pétain, Geissler, ainsi que sont réservés des numéros d’immatriculation pour banaliser des voitures Allemandes. En fait cette mise en place est l’œuvre du général Delmotte, Chef de cabinet du ministre de la Guerre, le général Bridoux , avec l’accord de Laval. Il s’agit de lancer des voitures Allemandes de goniométrie en zone sud, pour détecter les postes émetteurs «qui travaillent pour les Anglais» dit Delmotte, et cela avec le concours de la police et de certains officiers Français.

Tout commence lorsque Laval, à la demande d’Achenbach, a accepté le principe d’une coopération entre policiers Allemands et Français en zone non occupée pour lutter contre les parachutistes Britanniques, Bousquet, toujours en rapport avec Oberg, et Delmotte ont fait diligence pour satisfaire le Sipo-S.D. et l’Abwehr, en créant les «missions Desloges» composées de membres de la Gestapo et de policiers Français, dans une lutte commune contre l’action Britannique. L’engrenage est désormais irréversible, et la coopération Franco-allemande ne fera que s’aggraver, ainsi le second accord Oberg-Bousquet du 16 Avril 1943 , compromet davantage les administrations du régime de 1940 en permettant aux Allemands de profiter de l’action de la police Française. Au même titre que la délation de certains Français, cette collaboration apporte à l’Abwehr et à la Gestapo une aide inégalable dans leur lutte contre la Résistance, tiré de la référence l’outil de la répression du régime.

La suite 51 sera la suite de celle-ci.

J’ai supprimé les références afin de ne pas qu’elles perturbent l’encadrement du texte. Il est possible de le consulter sur mon blog au Monde.fr.