Sans surprise, Paul Biya, dictateur camerounais depuis 1982, s’est accordé vendredi 21 octobre une victoire électorale en trompe-l’œil. « Le scrutin du 9 octobre était truqué dès le départ et son déroulement n’a fait que confirmer les craintes émises de toutes parts », déplore Eva Joly. Même les Etats-Unis sont sortis de leur réserve diplomatique pour estimer que l’élection était entachée « d’irrégularités à tous les niveaux ». Qui peut croire à ce score de 78 % au premier tour, avec une participation des deux tiers, pour ce roi fainéant, ce pilier de la Françafrique, qui ne fait plus illusion qu’à l’Elysée ?

Alain Juppé a osé dire le 11 octobre à l’Assemblée nationale que ces élections s’étaient déroulées « dans des conditions acceptables ». « Acceptables », l’interdiction des manifestations publiques, les votes mutliples, les scrutateurs expulsés de certains bureaux de vote? "Acceptables", la commission électorale soi-disant indépendante mais nommée par le président, les deux tiers des électeurs potentiels non-inscrits sur les registres électoraux, le déséquilibre immense dans les moyens de mener campagne avec un président mobilisant toute son administration ? « Acceptable », la répression féroce de la rue, comme en février 2008, quand Paul Biya a fait tirer sur une foule désarmée, tuant près de 150 personnes, sans déclencher la moindre critique de Paris ? Les réserves exprimées par le quai d’Orsay au sujet des « nombreuses irrégularités » constatées, légères et bien tardives, n’empêchent pas notre gouvernement de reconnaître le régime en place à Yaoundé.

Paul Biya, une fois de plus, a gagné avec la bénédiction de la France, qui le porte à bout de bras depuis 1982. Comment en est-on arrivé là ? D’abord par une guerre coloniale puis néocoloniale, causant sans doute plus de 100 000 morts, menée entre 1955 et 1970 par l’armée française pour venir à bout des indépendantistes camerounais. Ensuite par un soutien constant à Ahmadou Ahidjo puis Paul Biya dès lors qu’ils accordaient leurs faveurs aux grands groupes industriels français, au premier rang desquels Elf, Total et Bolloré. La France doit reconnaître la guerre cachée qu’elle a menée il y a un demi-siècle, avec son cortège de torture, d’action psychologique, de disparitions forcées et de bombardements, en rendant accessibles toutes les archives de cette période. Qualifier cette guerre de « pure invention » comme l’a fait François Fillon à Yaoundé en 2009 est une insulte insupportable à toutes les victimes. Il est urgent d’interpeller l’Union européenne pour que l’argent du contribuable européen ne serve pas à financer des simulacres de démocratie.Le Cameroun est le premier bénéficiaire au monde de la coopération militaire française, comme s’en glorifie le ministère des Affaires étrangères. « Depuis 1960, la répression sanglante au Cameroun est financée par nos impôts, dénonce Eva Joly. Si je suis élue, je mettrai un terme à ce scandale inouï. Dans la Tunisie de Ben Ali, Michèle Alliot-Marie avait proposé de soutenir les forces de l’ordre. Dans le Cameroun de Paul Biya, c’est ce que la France fait depuis cinquante ans. ».