Patriar-chat (de Siné) et amour senestre : pour lire le DSK de Iacub

Or donc, le Nouvel Observateur devra se fendre d’une publication judiciaire en couverture, les éditions Stock d’un insert dans les exemplaires de Belle et bête, de Marcela Iacub. Un livre qui fait des vagues, notamment à Libération où la société des rédactrices et rédacteurs se demande en substance si le quotidien n’a pas embrayé sur un coup médiatique. Écume des choses. Tiens, plutôt de se satisfaire d’un encart et et d’une mise en garde, et si Dominique Strauss-Kahn consacrait ses 75 000 euros de dommages et intérêts à la promotion de Dis papa, c’était quoi le patriarcat ?, d’Anne Larue aux éds iXe, et de L’Amour à gauche, d’Anne Alter et Perrine Cherchève (éds de La Martinière) ?     

On n’attire pas les mouches avec du vinaigre mais il paraît que les abeilles sont sensibles à l’électricité qui émane du pollen. Alors, profitons de la parution de Belle et bête (et de DSK) pour attirer l’attention sur deux essais sévèrement burnés en électrons.

Vous trouverez facilement en ligne la botte secrète des avocats de Dominique Strauss-Kahn lors du référé demandant la saisie du livre de Marcela Iacub. Elle a peut-être valu les relativement fortes amendes infligées à Iacub et Stock (50 000 euros chacun) et au Nouvel Obs’ (25 000 euros).
Stock (le Nouvel Obs’ n’était pas déjà dans le coup) se serait servi de Iacub comme appât. D’abord pour l’essai sur le viol, ballon d’essai pour approcher DSK et faire croire que l’auteure raffolait de son sujet et accoucher d’un récit plus intime.
Est-ce possible, sans risque de poursuites, d’estimer que DSK agit tel que Iacub le décrit en violant le secret d’une telle correspondance assortie d’un « je te demande d’effacer ce mail » ?

Mais prolongeons.
Ce courriel est-il la manifestation d’une victime de vieux mâles blancs dont Iacub serait restée dépendante ? La question sera peut-être posée à Anne Larue (le mercredi 27 mars au soir, librairie parisienne Violette & Co, métro Ledru-Rollin).

Dis maman Marcela, c’est quoi ?

Anne Larue, que qui fréquente Come4News connait un peu, publie Dis Papa, c’était quoi le patriarcat ? (éds iXe), titre honnête puisque l’auteure (et d’autres) ont fait évoluer le machisme patriarcal ordinaire. Le patriarcat ne passe plus pour l’ordre du monde tel qu’il fut de tout temps et le demeurerait. Anne Larue, spécialiste des littératures (antiques, classiques, populaires, d’anticipation, &c.) propose son interprétation caustique des grands textes fondateurs de l’imposture, des succès littéraires et populaires patriarcaux des derniers siècles (et des antérieurs). Dont les récents (BD américaine, SF, et littérature « contre-utopique »).
Iacub est-elle de ces auteur·e·s actuel·le·s ? Anne Larue en témoignera-t-elle « sans haine et sans crainte » en connivence ou distanciation intellectuelle avec Iacub ? Son éventuelle note de lecture de Belle et bête (je vais tenter de la lui demander) me serait plus précieuse que les a priori des Clémentine Autain ou Peggy Sastre (salutations amicales au passage : j’espère qu’Autain se livrera à l’exercice, quant à Sastre, je ne vois pas comment elle pourrait s’en dispenser, et je ne préjuge pas qu’elle soit aussi, davantage ou moins féconde que Larue).

En arriver là…

Dans Marianne (.net), Anna Alter et Perrine Cherchève font leur autopromotion. Pourquoi pas ? Avis aux beaux esprits de Libération : confiez donc à un·e pigiste (et d’autres) les chroniques sur les bouquins des collaboratrices ou journalistes de votre titre.

Dans L’Amour à gauche, les auteures se penchent sur les évolutions des mœurs des années 1965-1967 (mai 68 n’a pas surgi de rien) et en fait de celles des années 1970 (il fallut un temps de latence et d’imprégnation). Je me suis posé la question : comment les aspirations à l’amour libre (et en groupe à l’occasion) ont fini par laisser la place à un libertinage libertaire (libertarien ?) confiné à l’entre-soi des pluriamours, des parties fines triolistes élargies, des clubs échangistes ?
Des partouzes, quoi.

Oui, l’institution « rétrograde » du mariage fut mise en question et nous restons un certain nombre à garder le mariage pour tous au travers de la gorge : un contrat civil totalement privé (qui n’exclurait pas une manifestation publique pour qui cela complait, volontaire ou plus ou moins contrainte par la pression sociale) nous agréerait davantage. Que des proches soient contraints de passer par la case mairie pour des questions de pensions de réversion me paraît lamentable, mais je m’y fais.

Il est bon de remémorer que les spontex et autres anarcho-éthyliques dont je fus se fritèrent avec les trotskistes, les maos et les « cocos » dont Jeannette Vermeersch-Thorez restait la maîtresse à penser avec la refutatio de la liberté sexuelle « leurre pour les masses populaires mais arme entre les mains de la bourgeoisie » : les maires communistes, écharpe tricolore en sautoir, unissant les couples issus des cellules, applaudissaient.

Sans se sentir obligées de coucher avec Cohn-Bendit et d’autres, histoire de recueillir des confidences sur l’oreiller, les auteures sont aussi parties à la halle et revisité les auteur·e·s révolutionnaires d’antan (1789). 

« Pour celles et ceux qui pensent que Belle et bête est toxique, L’Amour à gauche est un antidote (…) complément d’enquête nécessaire ». Sous-titre : Marivaudages, jalousies et désirs d’avenir. Luxe, célébrité, voluptés et débat d’idées eut été mieux venu, enfin, plus accrocheur (La Martinière, faire offre, je suis disponible).

Backlash

J’en viens à me demander (non, je n’irais pas solliciter sexuellement DSK, qu’on se rassure, pour l’en accoucher) si Dominique Strauss-Kahn n’est pas victime du backlash. Soit de ce repli sur des modes de penser et d’agir qui, tel un retour de fouet, font qu’il va devant les tribunaux au lieu de lancer crânement à Iacub : reviens-là que je te casse tes petites pattes de derrière !

Ce qui aurait eu une toute autre tenue, non ? Laquelle aurait répondu : pas avant que je te chevauche toute à mon bon plaisir.

Au lieu de cela, nous nous voyons infliger des prêchi-prêcha moralisants. DSK se dit choqué. Iacub contrite. Comme au tant du patriarcat scruté par Anne Larue, on s’interroge doctement sur les errements de la presse et de l’édition. Avec Flore Galaud, de Metro. DSK a eu le culot d’évoquer ses enfants lors de l’audience. Pôv ch’tites têtes blondes… traumatisées par Iacub, pas trop, que l’on sache, par les antécédents. N’est-ce point tartuffe ?

Tout est-il permis pour gagner de l’argent ? Oui, on peut prendre la direction du FMI. On est prêt à faire n’importe quoi, donnant le la à la presse et à l’édition. Joffrin aurait donc « vendu son âme au diable » ? Incité par qui ? Pour se mettre en avant et s’enfiler des filles (ou des garçons, j’ignore tout de Joffrin) ?

Le plus farce, à l’audience : évoquer Maurice Clavel. Lequel, nom de dieu, avait une autre approche de ces morales à la mord-moi-le-nœud, notamment du temps où il cohabitait professionnellement avec Jean-Louis Bory.
Rabaisser le prosélyte du catholicisme (comme Graham Greene, autant womanizer qu’un DSK, pluriamoureux souvent) à cet effet de manche !

C’est franchement bouffon. Autant Iacub repentante que DSK moraliste.
J’espère que Siné aura la force physique de remettre quelques pendules à l’heure. Lequel s’étonne que « le cheval affiché “bœuf“ les choque plus que le PS  marqué “socialiste“ ».
Et DSK moraliste, alors ?
Dis-nous, « pépé malin » comment tu interprètes la « sainteté » de Iacub (laquelle l’emploie avec distanciation). Pour une fois, Siné Mensuel ne sera pas brûlé par son bouclage trop avancé.

Le retour de bâton, DSK, bien davantage que Iacub, nous le met bien profond. Au moins, avec Hollande (voir ce qu’en dit à présent Edwy Plenel, sur Mediapart ou, à défaut, sur Come4News), nous avons droit au gel.

Je retiens de tout cela qu’au lieu de se mettre des doigts, Iacub et Strauss-Kahn se mettent un bouquin ou un procès.

Pourquoi ? Anne Larue, Anna Alter et Perrine Cherchève tentent de nous expliquer pourquoi. C’est finalement plus intéressant, à mon humble avis. 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

5 réflexions sur « Patriar-chat (de Siné) et amour senestre : pour lire le DSK de Iacub »

  1. Bigot backlash? Siné, tiens bon, parce que la France, elle a besoin de toi (sur l’air de « Reviens, JPP reviens », l’hymne au « Papateur » des [i]Guignols[/i]).

  2. Chère Carmencita,
    Je ne vois pas d’inconvénient majeur à ce que vous indiquiez le lien vers l’un de mes anciens articles du [i]Post[/i] (.fr), mais comme il liait à celui de [i]Come4News[/i], autant faire une recherche ici sur Anne Larue. Vous trouverez d’autres articles, j’imagine.

    Voici donc que Luc Ferry (qu’Anne Larue déconsidère) y va de sa chronique dans [i]Le Figaro [/i]qui dans un premier temps, avait publié l’intégralité du jugement, avant de le retirer (cela reviendra peut-être).
    Sur [i]Le Plus[/i], Bruno Roger-Petit y va aussi de son grain de sel.
    Iacub serait « [i]monstrueuse[/i] ».
    Si jamais elle publie les courriels que lui a envoyé DSK, peut-être.
    Marianne titre « au porc de l’angoisse » et signale :
    « [i]l’enseigne Marcela Iacub, semble bien être une contrefaçon de celle de la Marcelleria Iacomo, petite merveille de nichée dans les monts de Toscane où l’on sait affiner et présenter élégamment le cochon.[/i] ».
    Bref, c’est Iacub tête de truie turque.
    On est est à 33 000 exemplaires (et environ 15 000 encarts).

  3. À part cela, Anne Larue me signale que le bouquin n’est pas encore disponible.
    Mais le texte de la quat’ de couv’ devrait être :
    « [i]Dis, papa, c’était quoi le patriarcat ?[/i] » Telle est l’innocente question que posent les filles et les garçons manquées. Envisageant la civilisation patriarcale comme une espèce en voie de disparition, Anne Larue s’arme de 6000 ans de littérature de propagande – vue en perspective cavalière – et de fiction d’anticipation politique pour décrire avec délices l’agonie d’une civilisation. RIP !

  4. Cher Jef Tombeur,

    Cela fait un mois que je suis sur ces ondes
    et vous quitte tous car je sens pointer l’addiction ;D

    Bonne continuation à tous
    CarmenCHITA

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