Charly, c’est Charles Duchêne, l’auteur et éditeur de BTF Concept, Pas vu, pas pris, est le titre de son dernier ouvrage, et le sarkö bashing consiste à être le Gnafron opiniâtre qui assène des volées de bois vert au guignol de l’Élysée.


Charles Duchêne s’arrange toujours pour que ses dernières chroniques sarköziennes soient disponibles à temps pour le salon du Livre de Paris où il tient son stand des éditions BTF Concept. C’est donc en général du tout frais qu’il déverse sur le ludion malfaisant censé nous régir, répercutant, comme l’a souligné sa ministre, Chantal Jouanno, les desiderata de ses mandants (soit ceux qui comptent réellement au Medef, ex-Cnpf). Mais les délais d’impression l’ont empêché de faire état des derniers états d’âme de Carlita dans Le Figaro Madame (dont les duettistes se sont bien gardé d’évoquer, de confirmer ou réfuter que Madame la Première était bien revenue de Thaïlande en jet affrété à temps pour la faire figurer dans un bureau de vote pour les dernières régionales, et de chiffrer, le cas échéant, le coût de ce rapatriement, brusqué ou non). Idem du résultat des dernières élections. Pour le reste, au feuilletage, il me semble que rien ne manque depuis Chacun pour soi, la suite d’Après moi le déluge, ses deux premières compilations de la geste sarközyenne.

 

Le temps d’évacuer les vapeurs champenoises et bourguignonnes accumulées sur le stand commun à ces deux régions, qui ont suivi la découverte, sur celui des éditions DEFG, d’un champagne boisé (car, fait rarissime, élevé aussi en fûts de chêne avant manipulation), le Bonnaire Variance, un blanc de blanc de Cramant, et précédé quelques rencontres post-salon, je me mis à la lecture attentive de ce Pas vu, pas pris. Au passage, pour ne pas faillir à ma disgressomanie, relevons que j’ai, comme tant d’autres, déploré de ne pas retrouver Sandra Rota et Éric Poindron, et leurs éditions rémoises du Coq à l’âne, chez les Champardennobourgignons : des ennuis de santé (financière et autres) ont eu raison de cette aventure éditoriale de près de cinq lustres et bien davantage d’illuminations de la gastronomie et des traditions de cette attachante région. Charly passe aussi du coq qui se partage entre La Lanterne, le Palais de l’Élysée, quelques autres lieux plus discrets, aux ânes que restent les électrices et électeurs auxquels un hémiquinquennat n’a pas suffi à rendre un peu de discernement. Passe encore que les beaux quartiers de Neuilly-Auteuil-Passy, ceux de la « rive gôche » parisienne, ou les vignerons alsaciens, voire certains prébendés guyannais, aient plébiscité ou secouru leur pourvoyeur d’exonérations fiscales : charité bien ordonnée commence par la préservation de ses intérêts, des ses placements, et de son immunité « paradisiaque ». Pour tous les autres,  je ne sais si la savante recette du cuisinier Charles Duchêne, serait bien la condition d’opter pour le moindre mal. Elle consiste à faire passer ses convictions au second plan, pour panner un Dominique de Villepin de suffrages afin de mieux faire sauter un Sarközy en 2012 et le faire revenir à la sauce présidentielle Jospin. « Dans le pire des cas, si le deuxième tour était celui d’un Sarko-de Villepin, nous n’aurions aucun mal à échapper aux cinq années de Sarko en rab, » considère-t-il. Ce n’est guère enthousiasmant, c’est peut-être, hélas, réaliste. Le four démocrate présidentiel n’a que deux températures de cuisson, et même pour les préparations des terroirs régionaux, cantonaux ou municipaux, les cuistots de dextre veulent que le dindon farci électoral tiédisse à l’unilatérale et non plus à la triangulaire.

 

Que des gens qu’une Sarah Palin ou une Liz Cheney (la fille de Dick Cheney, le mentor et éminence grise de G. W. Bush) qualifierait sans hésiter de « cryptocommunistes » en arrivent là, c’est assez symptomatique de l’exaspération que provoque un Nicolas Sarközy. Le tréma sur le o du patronyme, qui est celui de l’état-civil de l’instigateur du fumet d’une identité nationale aussi frileuse qu’intentionnée pour gratter des voix ingrates n’est pas d’origine chez Charles Duchêne.  Je ne vois pas trop l’intérêt de s’exonérer des contraintes de l’état-civil (sauf tracasseries évidentes), mais après tout, si N. S. avait voulu se surnommer « Sharko », ce qui lui conviendrait fort bien, je n’y trouverai pas grand’ chose à redire. Que des sites de nationalistes pur crin, voire de nazillons, affectionnent cette forme qui n’a rien de particulièrement exogène m’indiffère. Duchêne ne s’attache pas à ce type de connotation peu signifiante, mais en matière d’imposture, une Rama Yada se déclarant issue d’une « banlieue difficile » le fait bondir. Qu’une femme issue de la haute-bourgeoisie intellectuelle sénégalaise éprouve le besoin de se la jouer petite-fille d’immigrés moyens alors qu’elle a assez de qualités pour s’imposer d’elle-même sur l’échiquier politique français qui s’honore d’avoir compté un Kofi Yamgnage, député-maire breton respecté, dans ses rangs ministériels, c’est aussi choquant que stupide. Signe des temps ? Signe de l’influence des méthodes d’un chef de clan ?

Un mot sur le titre. Une répartie de Carlita qui, commentant pour Canal+ la main d’un footballeur d’une finale France-Irlande, l’a fourni à Charly. On ne verra pas la fin de la retraite à 60 ans puisque les futurs retraités auront majoritairement le choix d’opter pour des minimas sociaux ou un départ « volontairement » différé à des échéances plus lointaines. Pour les plus chanceux, ce sera autant de pris par les assurances privées qui promettront au pire un capital préservé (et donc amputé de l’inflation), au mieux une « valorisation » des cours de bourse qu’ils font ou défont selon les vœux de leurs actuaires. Eh, comme le relève Charly, les gouvernements successifs ont fait des choix courageux : 90 milliards d’euros pour soutenir le Rafale (ou plutôt Dassault), quatre milliards de déficit des caisses de retraite en 2009 à faire supporter par les mêmes sans trop toucher aux avantages des administrateurs de ces multiples caisses dotées parfois d’autres, de fonction, comme leurs appartements. Argument populiste, certes, et Charly ne rechigne pas à en aligner d’autres. C’est parfois vu par son petit bout de la lorgnette, celui de la réalité de ses factures de gaz ou de fuel : l’auteur s’offre une douche une fois tous les deux jours, se débarbouillant à l’eau froide alternativement, autant par conviction écologique que par stricte nécessité. Bref, il considère la saga sarközyste au ras de son vécu, qui n’est guère loin de celui d’une moitié de la population ou du sort de son bientôt tiers vivant au-dessous du seuil de pauvreté.
 

Charly avait, dans ses précédents ouvrages, la verve plus goguenarde et moins désabusée. Il est vrai que son principal protagoniste a perdu beaucoup de sa superbe, et use de moins d’allant dans ses forfanteries de bonimenteur. Il lui était plus aisé d’être au pied du mur de Berlin qu’à celui du sien, et bientôt du nôtre. Peut-être mise-t-il encore sur sa capacité de le faire s’écrouler du côté qui l’épargne et de ne souffrir que d’avoir à s’épousseter de la nuée des décombres d’une société qu’il aura tant contribué à réduire en gravats. Le France fut cédé en l’état à un armateur norvégien et Charly envisage que le futur Airbus « Mini Force One » présidentiel finira bradé à un Khadafi ou à un quelconque magnat amateur de vieux zincs luxueux. On se départira plus vite du personnage qu’il sera possible d’éponger l’ardoise qu’il laissera. Sur la sienne, Charly continuera-t-il d’inscrire les méfaits de son personnage ? On verra… Selon qu’il s’accroche à se faire réélire, Charly l’épinglera encore ou non, mais de toute façon, lui, rebondira.