Elle porte parfois conseil, ou aux conciliabules, à porter d’autres jarretelles, ou souliers rythmant la milonga du tacon, mais elle a revêtu, la nuit, au Sentier Turc, ses habits neufs. Les trois blocs d’immeubles du quartier de la Porte-Saint-Denis à Paris qui forment le cœur de la Petite Turquie de Paris s’animent au soir tombé dans des lieux rénovés…
Commençons par le haut, soit par la rue des Petites-Écuries. Si Yanès et Ilyès ne sont plus à La Ferme, leurs tentatives d’y donner des concerts ont été transformées par les nouveaux propriétaires. La milonga et le tango, qui avaient déserté le Théâtre de verre, repoussé près de La Chapelle par la rénovation de l’ancien immeuble de la Sernam (rue de l’Échiquier), s’accrochaient au Divan (rue d’Enghien). De nouveaux lieux, comme La Ferme, les accueillent, en mode « tournante », d’un établissement à l’autre. Le Thé Cool, tout proche du New Morning, est un nouveau lieu mixte, rue des Petites-Écuries, qui propose une restauration variée le jour, un bel espace dégagé la nuit. Au sol, des écrans diffusent des images fixes ou des programmes, selon l’heure. Si le patron est d’origine anatolienne, comme celui du Kibélé (rue de l’Échiquier), ce n’est plus la spécificité de la cuisine : la carte et l’ambiance boudoir peuvent rivaliser avec celles des lieux homonymes du Luxembourg ou de Neuilly. Le rideau tombe à 20 heures, sauf pour les soirées dansantes ou d’autres événéments. Salsa et lambazouk sont aussi au programme d’El Papi Chulo, juste en face, bar à tapas qui a succédé à un établissement peut-être un peu trop précurseur du virage « bobo » du quartier.
Juste en face du New Morning, on peut certes encore jouer la tournée au 4-21 au bar des habitués des studios d’enregistrement et de répétitions. Mais le Cham’bar a troqué formica et marbre (hormis quelques vestiges) pour une ambiance beaucoup plus fraîche. La restauration est structurée traditionnelle franchouillarde, avec quelques surprises du jour, plus éclectiques. L’affaire est familiale et en fait fraternelle, comme l’ambiance
Le Sully (bas du faubourg Saint-Denis) a différé à la mi-février sa reprise du Château d’Eau (Chez Saïd, qui a retrouvé une gérance dans le quartier élargi). Fred Guérin devrait migrer et laisser officier Vincent Devos à la maison « mère ». Le changement de décor n’est pas, dans un premier temps, à l’ordre du jour, mais on peut s’attendre à ce que les groupes musicaux, comme Le Gros Tube, y trouvent un peu plus d’espace vital. Les soirées latinas informelles du Sully vont-elles remonter le faubourg ? Le jazz latino mènera-t-il la vie du Château ? Los Guajiros et Los Ultimos Yanomamis remonteront-ils leurs pianos à bretelles jusqu’à la rue du Château-d’Eau ? Le bandonéon passera-t-il au septentrion sur la pointe des pieds ? L’esprit Boby y sera de toute(s) manière(s).
Retour vers le midi et le mitan de la Petite Turquie avec la rue d’Enghien. La Gitane (« Chez Ali ») a repris sa restauration de mi-journée avec des prix très abordables (plat du jour à moins de sept euros) mais le décor reste inchangé. La Gitane est devenue le rendez-vous des joueurs d’échecs serbes le soir, mais on y pratique encore le russe et diverses autres langues (dont, bien sûr, le dialecte algérois ou des variantes kabyles). L’innovation vient de l’implantation des patrons de Gustave & Jules (11e ar.) qui ouvrent une succursale à l’enseigne du Tombé du ciel ! Des assiettes (charcuterie, fromages…) seront au menu dans un premier temps, à accompagner de vins bios ou « naturels » (qui pourraient avoir l’agrément et le label bio mais s’en passent). Le changement d’enseigne sera complet courant février et l’ouverture plus tardive qu’à présent (le rideau baisse tôt en période de transition) devrait ne plus faire trop languir. Tout comme chez Pat et Lulu (Le Golden Pat, rue de Mazagran), ne vous fiez pas à l’enseigne pour interpeller (là patronne ou…) les patrons, qui ont d’autres prénoms…
Le pub The Horseman (The Horsesman, en fait, mais la plupart des anglicistes – et d’autres – rectifient d’eux-mêmes, my good lad) rue de l’Échiquier, a démarré courant décembre 2009, sur des airs afro-cubains, en douceur. Le gérant, d’origine anatolienne lui aussi, a veillé à l’insonorisation. Le soir, c’est Jennifer qui vous accueille. Ambiance familière, petits noirs et noisettes sans façon, les après-midi avec les habitués du quartier, salsa ou zouk le soir, mais aussi une programmation très diversifiée avec des groupes de tous horizons. La restauration devrait s’étoffer mais pour le moment, les dineurs ou les auditeurs des soirées du Kibelé, riverain, y jouent les prolongations de leurs discussions animées. Le Xe (angle de la rue de Mazagran) a conservé ses habituées et ses dîneurs, mais les va-et-vient entre les deux établissements se feront sans doute plus fréquents. Pour déjeuner ou dîner dans l’intimité, Sesto Senso et ses spécialités italiennes garanties d’origine (plus loin, vers le Faubourg Saint-Denis), restera sans doute privilégié. À l’autre coin (près du Faubourg Poissonnière), Un Jour à Paris reste au goût du quotidien de ses fidèles mais à l’angle de la rue d’Enghien et de « Poissonnière », un changement de propriétaire vient d’intervenir à La Chope d’Enghien. Mais, là, on se retrouve aux confins de la Petite Turquie : trop « exotique », au moins pour aujourd’hui…
Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement).
A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie.
Blague favorite :
– et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !