Sous le titre « BHL victime d’un auto-entartage », Frédéric Pagès, du Canard enchaîné, revient, et à la une, s’il vous plait et excusez-le du peu, sur la bourde de BHV (Bernard-Henri le derviche en extase de lui-même, dit aussi Bazar de l’Hôtel de Ville, annexe de la place des Vosges). Eh bien, s’attribuer à soi seul Jean-Baptiste Botul, c’est un peu court, jeune homme…


Recenser les méfaits de faiseur de BHV est fastidieux. Je n’en retiens finalement qu’une, qui donne la mesure du personnage : faire traduire un texte anglais et falsifier la version française pour se mettre en valeur (dans Qui a tué Daniel Pearl ?, livre qui vaut à Bernard-Henri ce commentaire finalement assez amène et tout en understatement de Mariane Pearl, veuve du journaliste, pour qui le personnage est doté d’un ego qui « détruit son intelligence »). Bref, BHV tire toute la couverture à lui, l’inventant au besoin pour s’en draper. Et Frédéric Pagès ?

 

On le sait, tel le Linus de Snoopy, BHV s’est pris le pied dans sa doudoune, en citant un proto-kantien supposé (par lui-même), Jean-Baptiste Botul. Pagès relève l’incohérence des fictifs néokantiens d’un désormais mythique congrès paraguayen de 1945 que le fumiste a revisité dans l’un de ses apparentements sauvagement anachroniques. Effectivement, Pagès le relève à juste titre, La Vie sexuelle d’Emmanuel Kant, signé Botul, est paru en 1999. De fait, le mal documenté (quand il ne s’invente pas des documents), n’a rendu hommage qu’au seul  Frédéric Pagès lorsque le backlash de sa bévue stupide (ou sa relecture fantasmée de ses nègre) lui a fait retour de flammes (et flam).

 

Mais Pagès, auquel les lignes sont peu comptées, aurait fort bien pu ne pas se rengorger en solitaire. Président des Amis de Botul, Pagès n’est pas le seul auteur des diverses botuleries et là, il se fait vieux beau regonflé au Botox (qui lui doit, certes, beaucoup). Lui moins qu’un autre ne peut ignorer que Botul est un alias collectif, et s’il signale qu’« en deux clics d’Internet » chacun peut savoir que Botul est un auteur imaginaire, il n’en faut pas trois pour retrouver Jacques Gaillard, Bertrand Rothé et Christophe Clerc, pour ne citer que ceux que deux clics de simple requête font remonter à la surface. Jacques Gaillard, auteur de Trop (autre titre de la maison d’édition Les 1001 Nuits), signale même que La Métaphysique du mou (avec une M cap, que font les relecteurs du Canard  ?) lui doit l’essentiel. « Tout a été écrit en même temps, bien sûr, et par une même main, le texte disposant les “vannes” du commentaire. Il prend la forme d’une “édition commentée” parce que j’ai enseigné le latin en fac de Strasbourg pendant 34 ans, et c’est un pastiche des “éditions critiques”, aux intros débiles et aux notes surréalistes de connerie… (…) Je suis un auteur heureux (…) et un botulien comblé ». C’est en ligne, sur le blogue-notes de Stéphane De Bona depuis… le soir du premier septembre 2007, soit bien avant que Pagès signe de son nom sa référence au seul Pagès. Lequel est bien bon, non seulement avec lui-même, mais contrairement aux apparences, avec BHV. L’imposture du derviche extasié va bien au-delà « du délit de lecture hâtive ou de fiche mal digérée », et Pagès n’en ignore rien non plus.

 

Il se trouve que j’avais mentionné Botul dans ma présentation de la Lettre aux politiciens, aux juges, aux citoyens, de Guy de Quercy, paru ici-même, sur C4N, le premier février 2010, et que je m’abstiens fort bien de lire BHV. La place ne m’est pas comptée, et j’avais omis de mentionner Pagès parce que, dans le contexte, cela m’avait paru inessentiel. BHV étant insignifiant, mais non Frédéric Pagès, il ne me serait pas venu à l’idée d’évoquer son De la guerre en philosophie, fort dispensable. Et j’aurais donc aussi glissé sur son esbroufe. Pagès vaut beaucoup mieux, tout comme Botul (lui-même et d’autres), et je me serais volontiers dispensé de relever qu’au Canard d’antan « on a démissionné pour moins que cela… ». Il serait dommage que le Canard se prive de Pagès et puis, autres temps, autres mœurs. Mais grâce à Pagès, « nombre de confrères peuvent exercer leur droit à la rigolade ». Renvoyer à sa seule personne l’ascenseur, n’est-ce pas aussi faire preuve d’un ego – et c’est une litote – qui amenuise l’intelligence ? Il l’est au moins, en intelligence, avec lui-même. Mais les Roux et Combalusier, les Otis ont leurs ratés. Et si l’on sait bien qu’en tant que philosophe, Bernard-Henri Lévy est inexistant (alors qu’en sa qualité de montreur de marionnettes et ventriloque, j’avais noté, au siècle dernier, « il a de petites mains, et les agite bien »), Pagès, en tant qu’inestimable confrère de la gendelettres, ou Premier Paris balzacien, existe fort bien.
Il vient de le magistralement démontrer. Tiens, pour un peu, on irait bien voir chez Marc-Édouard Nabe s’il n’a pas reçu un « pan sur le bec ». Pour la liste d’Allamand et Schindler (ou de Liftman et Botox), c’est gagné, pour le Jourde & Naulleau, encore un effort ! Il suffit de deux clics pour se rendre compte que Pagès n’a pas tiré la couverture autour de lui seul qu’en une du Canard enchaîné.  Cela ne retire rien à l’agrément de son Idiot de la Sorbonne (éd. Maren Sell) mais il aurait bien mérité une notule dans L’Idiot international
(disparu en 1994). Après Fred Zeller, distingué pour sa fatuité, nous lui décernons bien volontiers la rosette de l’Ordre de la Peau de cervelas. Fallait pas la mériter !
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