Il était une fois au début du siècle dernier, une petite famille pauvre qui vivait durement avec ses trois enfants dans un petit bourg du delta du Nil. Le père de famille prénommé le cheikh Ibrahim al Sayyid al Beltagui, soucieux d’améliorer le quotidien des siens s’évertuait tant bien que mal à arrondir ses maigres revenus, multipliant ses chants religieux à travers diverses cérémonies. Captivée par les cours de chants que ce dernier prodiguait à son frère aîné, la benjamine, Khadija, future Oum Kallthoum, sans être concernée par cet enseignement s’y impliquait brillamment, ce qui lui valut d’intégrer dès l’âge de dix ans, déguisée en garçon, la troupe de cheikhs que dirigeait son père.
On raconte qu’enfant, personne ne demeurait insensible à sa voix, que ses prières envoûtaient l’ensemble de son auditoire, sans exception. Découverte un peu plus tard par des chanteurs de renommée de l’époque, elle consentira à l’âge de 16 ans de saisir certaines opportunités en se produisant dans de petits théâtres du Caire. Puis de rencontre en rencontre, sa fulgurante ascension lui ouvrit grand les portes du destin. Courtisée par les plus grands, elle eut des rapports amicaux très forts avec Gamal Abdel Nasser après avoir bien longtemps joui de l‘estime que lui portait le monarque Farouk.
Elue du cœur de presque tout le monde arabe, quand résonnait la voix de celle qu‘on avait surnommée Kawkabét al Chark, "l‘Astre de l‘Orient", le silence se faisait religieux à se délecter jusqu‘à la lie, des paroles, de la musique semblables à ces tourbillons embusqués au fond d’un océan sous l’emprise de tempêtes, toujours prêts à vous emporter vers un ailleurs. On raconte qu’à ses débuts, la seule chanteuse de taille à pouvoir rivaliser avec sa suprématie était la somptueuse Asmahan qui avait tout pour elle, même la beauté physique. Cependant elle ne tarda pas à lui laisser le champ libre car elle mourut jeune, à 26 ans, noyée.
Pour la diva en herbe, ce fut une triste aubaine qui donna naissance à des rumeurs scabreuses venant entacher sa réputation à travers des allégations ayant trait à cette disparition prématurée. Munie à chacune de ses apparitions d’un mouchoir qu’il lui arrivait, sans doute par inadvertance de renifler, se faisant taxer par certains de droguée à la cocaïne, Sayyida Oum Kalthoum, comme un ouragan galvanisait son public en exaltation !
Elle a chanté la religion, la nation, l’amour. Elle a chanté la passion, ses turbulences et ses déboires d’une manière absolument vertigineuse toujours sous les signatures des plus grands compositeurs comme Ryad Essoumbatti, Mohammad Abel Wahab, Baligh Hamdi…. Un de ses bijoux, « Al Atlal », les vestiges, griffé Essoumbatti, symbolise cette soif incommensurable de liberté pour laquelle l‘Egypte d‘aujourd‘hui continue de se battre : Ô ne me demande pas où est passé notre amour, dire que je le voyais comme une forteresse et le voilà qui soudain s’effondre. Serre moi et buvons aux ruines de notre amour. Emplis mon palais, étanche ma soif de notre histoire pendant que se vident mes yeux de toutes leurs larmes. Mais comment donc se fait-il que cet amour, cette histoire ne soient plus que rumeurs, qu’une histoire parmi tant d‘autres ? Libère moi de grâce, défais mes liens. On a ensanglanté mes poignets, rends moi ma liberté !
Je t’ai tout donné jusqu’à me dépouiller à jamais. Pourquoi suis-je toujours ton otage ? Dis à combien de lieues suis-je loin de toi désormais, ce lieu d’amour, de beauté qui m’ensorcelle. Je ne suis plus qu’un cœur désorienté, un papillon étourdi qui volette tout autour de de toi. A t-on jamais vu ivresse amoureuse aussi grande que la nôtre ? Nous qui avons marché au clair de lune, qui avons ri du rire des enfants, qui avons couru si vite jusqu’à dépasser notre propre ombre, etc, etc…Et que dire de la merveille des merveilles, « inta 3omri », la plus belle des déclarations d’amour, « Alfi leila wou leila« et tant d‘autres aux refrains fabuleux…
Trente huit ans demain, qu’elle aura quitté ce monde mais elle demeure intacte dans le cœur de ceux qui l’ont vue en chair et en os, et de tous les autres qui lui vouent un amour à la mesure de toutes les émotions qu’elle continue de leur procurer. A écouter de préférence le soir et quand le moral est en berne, à consommer avec modération sinon les effets indésirables liés à la nostalgie que charrie sa voix troublante peuvent nous submerger.
Malgré les appels au dialogue émis par les principaux protagonistes, ni la coalition de l’opposition ni le régime de Mohammad Morsi ne semble véritablement prêt à faire des concessions et les tensions continuent de faire rage en Egypte. Si l’Astre de l’Orient était là, elle qui corps et âme s’était toujours impliquée dans l’Histoire de son pays, particulièrement en 1948, en 1952, elle aurait certainement fait entendre sa voix au nom de cette liberté si chère à son cœur….
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oumkalsoum el Habiba que te Dieu te bénisse et t’accorde sa grâce
Oumkalsoum ton art est l’essence de la poésie, la grâce incarnée, la voluptée dans son expression la plus pure et l’intelligence la plus sobre la plus élevée…Tu es un ange bénie et quand j’écoute tes chants j’ai l’impression de savoir pourquoi j’existe…