Une parente, un proche récemment décédé, une gerbe ou couronne à offrir ? Déjà, vous « sentez le sapin » et envisagez vos obsèques ? Une solution, élégante, écologique, et même bariolée : le cercueil en carton… Décoré – ou imprimé – à votre gré, selon vos instructions. FalconBoard, une filiale de la société Boise, spécialiste des cartonnages, propose des panneaux imprimables aux services funéraires et ordonnateurs de pompes funèbres.

C’est du dernier chic : se faire enterrer dans un cercueil vraiment très personnalisé. Pas du genre marbre, gigantesque, ou sarcophage de pharaon, destiné à être exposé en mausolée, ou bois rare rutilant serti de poignées en métaux précieux, tel qu’on le voit lors des enterrements de capi mafieux ou de dignitaires nord-coréens. Non, c’est out, obsolète, dépassé, so dated!

Voire, si vous optez pour la simplicité, le dépouillement, le bois, même vernis, limite indigent. Dans la chambre funéraire, qui sortirait son téléphone pour prendre des photos (sauf si vous avez pensé à un poêle un tantinet pétant).

Optez plutôt pour le cercueil en carton…

Chatoyant, rutilant, personnalisé, clinquant, avec par exemple, tout plein de roubles, euros, roupies, dollars, pesos, imprimés dessus et votre meilleur portrait, celui qui vous montre souriant largement pour révéler les émeraudes et rubis sertis dans vos couronnes pré-mortuaires, celles de vos molaires incluses.

À présent, tout s’imprime. Même, bien sûr, le bois, le verre (trop déjà vu, le cercueil en verre), sur de grandes largeurs (laizes), longueurs, et même épaisseurs. Par exemple, les imprimantes Neolt (marque italienne) permettent de réaliser des décors de cinéma résistants. Là où des décorateurs peignaient la façade d’un saloon de western, à présent, on l’imprime, d’après photo, retouchée ou non. 

Mais trouver une Neolt à proximité, soit loin des studios de cinéma ou des grandes villes, ce n’est pas toujours évident. Tandis que de nombreuses machines dites grandes laizes seront parfaitement compatibles avec du carton, pas trop épais, mais assez résistant pour être vraiment raide, durable, &c.

C’est le cas des cartons FalconBoard ou Hexacomb, de Boise Inc. Ils sont fabriqués avec des teneurs de 20 à 100 % de papiers ou cartons recyclés, et sont hautement solides car leur structure en nid d’abeilles assure une rigidité supérieure à celle de certains bois. Des traitements (colle, blanchiment…) assurent imperméabilité, surfaçage idéal pour l’impression, résistance aux salissures. Bien sûr, plus légers, encore mieux façonnables, les cartons FalconBoard ou Hexacomb sont idéaux pour réaliser des présentoirs, des panneaux de toute sorte (signalétique intérieure, d’exposition), et même des stands à étages pour halls d’événements.

Alors, pourquoi pas, aussi, des cercueils ? Pas forcément destinés uniquement à la crémation. Ni à l’inhumation en haute mer. Franchement, on ne sait qui est destiné au Panthéon, mais visiteuses et visiteurs seraient sans doute plus enclins à prendre un cliché d’un cercueil en carton, joliment décoré, non ?
Elvis Presley se retournera sans doute dans sa tombe, d’envie, de dépit, voire d’amertume lorsqu’une star du rock ou des variétés sera portée en terre dans un cercueil FalconBoard. D’ailleurs, rétrospectivement, la famille de Michael Jackson s’en mord les doigts : comment se fit-ce que leur ordonnateur n’a-t-il pas songé à leur proposer cette élégante solution ?

J’avoue que mon premier réflexe fut l’ébahissement, à la limite de l’hilarité. Pour quelqu’un de ma génération, de mes origines (l’ankou, tout cela…), un cercueil en carton, c’est franchement cocasse.
Mais, à bien y réfléchir, pourquoi pas ? Plus sympa pour les porteurs, plus économique que le bois, moins gourmand en équivalents carbone, largement mieux adaptable aux tailles de défunts ou formes insolites, et j’en passe (que je réserve à qui me confie une mission de conseil en communication pour lancer sa production de cercueils en carton).

Boise (qui tire peut-être son nom de la Boise River ou de Fort Boise, Idaho, et de Québécois de la Compagnie de la Baie d’Hudson…) n’est évidemment pas la seule firme à proposer des cartons en structure alvéolée de type cadre de ruche se prêtant à la réalisation de cercueils personnalisables, imprimables. D’autres matériaux (des polymères par ex.) peuvent être adaptés à cet usage.

En matière d’arts funéraires, les Étasuniens ont souvent été précurseurs. Certes, Asnières revendique la « maternité » du premier cimetière pour animaux, sur l’île des Ravageurs, en mai 1899. Mais celui de Harstdale, près de New York, qui abrite le War Dog Memorial de la Grande Guerre, revendique une antériorité de trois ans. 

Les cercueils en carton commencent à faire « un tabac » outre-Atlantique et même outre-Manche. Les Britanniques en proposent déjà en algues, peaux de bananes, osier (ceux de The Somerset Willow Company Ltd sont très appréciés). Ecoffins (jeu de mot facile pour écologie et cercueil) propose des gammes en osier, tissu, carton…

On se fait enterrer dans un cercueil évoquant une bouteille de vin, une boîte de chocolats, une cabine téléphonique (rouge, évidemment), mais tout est possible. Des décors drapeaux (ou nationaux, tel un chardon, écossais, forcément, ou un poireau, gallois) ont été créés pour diverses nationalités dont la Finnoise (avec inscription Finish du meilleur goût). Mais de multiples thèmes sont aussi prévus. Perso, je pense à un billard électrique avec un pétant Tilt en relief.
Parmi les productions Ecoffins, j’ai beaucoup apprécié le cornet de popcorns, aussi la petite cabane au fond du jardin (avec inscription gone to seed, ou retour aux origines), ou le Spitfire au décollage. Pas mal non plus, les petits pois (et l’évidente épitaphe Rest in peas ; repose serein).

Tu voudrais cependant que sur un cénotaphe
La gloire t’inscrivît ta ligne d’épitaphe,
Et promît à ton nom de temps en temps cité
Ses heures de mémoire et d’immortalité

Lamartine n’aurait pas songé à de telles harmonies, de couleurs notamment.

Évidemment, on peut faire plus sobre, se contenter de faire imprimer gerbes et couronnes. Pousser l’originalité jusqu’à faire imprimer une matière comestible avec une encre comestible (pour amis des rats, musaraignes, insectes et vers gourmets).

N’empêche, commander son cercueil chez l’imprimeur-façonnier n’est pas une mauvaise idée. En carton, on pourrait d’ailleurs envisager de faire réaliser, à peu de frais, diverses maquettes (à soumettre aux votes de proches).

Ne pas s’adresser aux fournisseurs de cercueils en carton, mais directement à l’imprimerie représente un avantage financier : très souvent, les entreprises de pompes funèbres gonflent les prix des cercueils pour faire passer le prix de leurs autres prestations.
Saviez-vous aussi que les cercueils sont proposés sur eBay dans la section «  Home and Garden ».

Pourquoi ne pas le confectionner soi-même ? Au Royaume-Uni, la seule prescription incontournable est d’utiliser du Cremfilm pour le suaire. On peut aussi s’adresser à un fournisseur chinois (il en est de multiples), mais évidemment pas quand le médecin vous annonce que vous n’avez plus que quelques jours à vivre (comptez deux semaines au moins pour la livraison, sauf si, bien sûr, vous payez le prix d’une expédition express).

Vous pouvez bien sûr poser en vue de décorer votre cercueil. Dans ce cas, ne ratez votre PDF, et pensez à une résolution de 600 ppp pour une impression de qualité. Si vous ne vous êtes pas fait·e retoucher de votre vivant (Botox, liposuccion, &c.), ce sera toujours possible post-mortem. Pensez à la photo en compagnie de vos animaux domestiques, ce sera du meilleur effet.

Mais si vous préférez le bois, pourquoi ne pas réaliser dès à présent une étagère-cercueil ? L’excellent William Waren a conçu une telle étagère pour lui-même, laquelle avait été exposée à la British Library à l’occasion du London Design Festival de 2005.
Logiquement, une telle étagère s’assemblant ultérieurement en cercueil devrait pouvoir aussi être réalisée en carton alvéolé. William Waren vous ajustera son plan en fonction de votre stature et corpulence (à lui communiquer par courriel, en mesures duodécimales anglaises, ce sera plus courtois). William est un styliste de renom qui crée du mobilier classique, public, urbain (dont les bancs de la ville de Fife). Pour le moment, il vous communique gracieusement ses plans. À vous de choisir le bois ou le carton idoine ensuite…
Comme William l’indique, si vous avez vécu avec votre cercueil, vous emporterez avec vous le vécu de votre étagère (taches, traces de Post-It, odeur de tabac ou autre, rayures…).

Cela étant, le plus simple et économique consiste toujours à « mourir de son vivant » dans un endroit où l’on ne vous retrouvera pas avant très, très, très longtemps (ou choisir un coin fréquenté par des vautours, des hyènes, &c.). Le problème, c’est le bilan carbone de l’opération, l’aspect écologique, voire sanitaire.

Budget Funerals (for the impoverished or tight fisted, soit les gueux ou les rats) propose un modèle de base en carton, à décorer soi-même, pour moins de 250 euros (poignées en cordage ou plastique incluses). Ce site totalement hilarant, à vocation humoristique, s’est quand même documenté sur les prix généralement pratiqués. Sauf, bien sûr, ceux de diverses prestations (par exemple, la CoffinCam, pour que vos proches visualisent en ligne comment votre dépouille se décompose). Le site est maintenu en odeur de profit par les révérends de la Tenpasenta Church de Southampton (established 1884). Visitez sa boutique en ligne (salière et poivrière type urnes funéraires ; tasses ; porte-clef « volé à l’église de Tempasenta », cartes de Noël d’occasion ; lingettes à cendres).
En fait, hors livraison, un cercueil en carton brut revient, poignées incluses, à moins de 200 euros.

Les cercueils en carton chinois ultra-réalistes imitant les plus luxueux équivalents en bois (diverses teintes proposées) ne peuvent être commandés qu’en demi-gros : trouvez trois vingtaines d’ami·e·s au moins pour bénéficier des meilleurs prix. Le meilleur prix trouvé en ligne, pour un modèle brut cylindrique australien (hors livraison) était d’environ 30 USD.

Cela étant, outre les modèles en bois, marbre, bronze, carton, osier et autres matières, il y a les textiles et la pulpe de papier (employée pour l’emballage des œufs). Sur un blogue-notes, j’ai retrouvé une photo de cercueil réalisé en fausses cigarettes à bout filtre (des petits rouleaux cousus). En argot, enfin, slang, les coffins nails (clous de croque-mort) désignent les cigarettes.

Pour un cercueil vraiment insolite, représentant tout objet, animal, véhicule, accessoire, n’importe quoi, allez visiter les artisans aux Ghana qui fabriquent les « boîtes à proverbes » funéraires. Ce sera moins cher qu’un modèle commandé chez Crazy Coffins (de Vic Fearn & Co, Bullwell, Nottingham). Sauf que le créateur ghanéen Paa Joe connaît désormais les prix de Crazy Coffins.  Pour rester droit dans ses bottes, on peut s’adresser à Donald Scruggs, qui a réalisé un prototype de cercueil à visser verticalement.

En Suisse, le cercueil en cellulose a une déjà longue histoire. Créé par le père de Georges Braissant, il a été homologué en France dès 1998. La société le commercialisant en France, EcoCerc, pour lever les réticences, le vend en proposant aussi la location d’un « cocon », soit une enveloppe massive, en bois, présumée plus décorative. 

Pour votre gouverne, sachez qu’un cercueil en pin provenant par exemple d’Ukraine (des environs de Tchernobyl, mais non de proximité immédiate) peut revenir, à pris de semi-gros, à 45 euros. Il est généralement revendu largement plus de dix fois plus par les pompes funèbres.

Ah oui, au fait, le changement, c’est maintenant… Or, en France, depuis 1998, on n’autorise que les cercueils en cellulose (prix : 300 €) et en bois (plus chers). On peut crier Europe, Europe, Europe en sautant (dans la fosse) tels des cabris, mais pas question de libéraliser : il faut que les obsèques restent chères en France, pour récolter la TVA, encourager les assurances obsèques (qui rapportent très, très fort aux assureurs), il faut faire casquer un max les moins riches, car ils sont les plus nombreux.
N’espérez pas aller vous faire enterrer ou partir en fumée dans un pays européen où les tarifs des pompes funèbres sont moins chères : formalités et coûts deviennent exorbitants, car vraiment « étudiés pour ».
Pour protester, une seule adresse : celui de la ministre des Affaires sociales et de la Santé. Bloquez son numéro de tél. en Indre-et-Loire (elle est conseillère générale). Pétitionnez, interpellez Marisol Touraine, elle est parfaitement au courant du dossier alourdi chaque année par les associations de consommateurs. Les moindres coûts en France pour des obsèques dépassent 1 300 euros. Le coût moyen dépasse les 3 000. Les prix augmentent deux fois plus vite que l’inflation, mais, c’est politique : la TVA rentre (alors qu’elle ne s’applique pas dans d’autres pays européens).
On s’est arrangé aussi pour ne pas se mettre les syndicats d’officiers de police et de commissaires à cran : dans les grandes villes, ils touchent des vacations.

Sans cercueils en carton, les noces de l’électorat avec le Parti socialiste et ses alliés écologistes ne dépassera sans doute pas celles de bois (cinq ans). Mais ne croyez pas que voter pour une autre formation servira à grand’ chose : vous pouvez d’ores et déjà vérifier en tenant de saisir les députés d’opposition (UMP, FN et autres UDI…) de la question.
Jean Grellier (gauche, Deux-Sèvres) avait tenté, en 2008, de faire sauter la TVA. Réponse du ministre UMP d’alors : si on appliquait un taux réduit, le manque à gagner budgétaire serait de 180 millions d’euros. Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret, avait obtenu de Cahuzac que le sujet soit débattu. L’affaire avait été soulevée par Michel Leclerc lors des dernières présidentielles.
On espère que la Cour de justice européenne finira par condamner la France.

Mais les assureurs pourraient aussi – et on a vu les bonnes dispositions de l’actuel gouvernement à l’égard de la finance – s’arranger avec les ordonnateurs de services funèbres. Il ne faut pas que la concurrence (Eco Plus Funéraire du Choix funéraire, avec une offre à légèrement moins de 1 300 euros) bouscule trop la donne. Mais les assureurs préfèrent placer des assurances moins chères (le prix mensuel dissuade tout sexagénaire qui sait parfaitement qu’il engraisse l’assureur et qu’il vaut mieux placer le montant des primes, même sur livret B) et aimeraient peser sur le coût des funérailles. 

En janvier dernier, Arlyne Jeannot et l’association Asmup (Soins médicaux usagers de la pointe 08) avaient étudié les frais d’obsèques de part et d’autre de la frontière franco-belge au nord de Givet (Ardennes). L’Union relevait que « la seule famille de notre échantillon qui a payé moins cher pour une incinération (…) n’a fait appel qu’aux seules pompes funèbres belges » (de Charleroi). Mais Le Soir avait calculé le coût des obsèques en Belgique (3 700 euros en moyenne pour une crémation, 6 000 pour une inhumation, courant 2011).

Obtenir l’enterrement dans une propriété privée n’est accessible pratiquement qu’aux châtelaines et aux gros viticulteurs : les préfets refusent pratiquement tout autre demande.

En matière d’obsèques, les gouvernements français mériteront sans doute encore longtemps leur carton rouge. Le précédent a gavé les restaurateurs qui n’ont guère embauché ni baissé leurs tarifs. Quant aux communes, certaines perçoivent une taxe de convoi (33 €) sur Paris.

Mais reconnaissons-le, le carton, par rapport au bois, apporte des solutions, mais aussi des problèmes, notamment s’il est opté pour la crémation. Le bois apporte davantage de carburant, pour ainsi dire, que le carton. Le carton se consume beaucoup plus vite, et produit davantage de particules pouvant encrasser les conduits.

Bon, si le carton n’est pas autorisé, on peut faire acte d’incivisme en donnant son corps à une science qui, en période de crise, ne sait trop qu’en faire. En Espagne, les demandes de don ont doublé d’une année sur l’autre depuis 2009 en Catalogne, grimpé de 40 % à Madrid. 
En France, il faut s’adresser aux facultés de médecine, qui peuvent exiger des frais de prise en charge. Cela peut varier selon que la famille prend ou non à sa charge le prix du transport, qu’il est ou non important, et cela peut aller jusqu’à 800 euros environ, selon les laboratoires d’anatomie (celui de Nantes appliquait ce tarif en oct. 2008 ; celui de Montpellier demande moins de 410 euros). Des laboratoires font payer l’incinération, d’autres non.

Le gouvernement proclame aussi vouloir simplifier les démarches administratives. Eh bien, en cas de décès, il y a vraiment fort à faire.  On ne voit pas pourquoi les mairies ou tribunaux d’instance ne pourraient pas prévenir, par courriels, CPAM, Pôle Emploi, caisses de retraite, fisc.