Les obirinxá (orixá féminines) ou yabas, déesses de la religion candomblé pratiquée au Brésil et dans d’autres pays d’Amérique latine, comme Iansã (divinité des vents), Oxum (des eaux douces),  Iemanjá (de l’eau de mer), Nanã (des marais), ouvrent une série d’expositions consacrées au Brésil par la galerie parisienne Marassa Trois. Ce cycle de trois expositions thématiques, collectives ou individuelles, s’achèvera en novembre 2010.

 


Nabuccodonosor, dit « Nabu », sculpteur brésilien, a ouvert le cycle des expositions brésiliennes de la galerie Marassa Trois en compagnie de la peintre Lu Nabuco (jusqu’au 27 mai). On le retrouvera avec d’autres créations en compagnie des peintres Edouardo Lopez et Shimon Palombo qui confrontent leurs visions des favelas de Rio (Lopez) et des ruelles subsistantes du quartier Wadi-Salib d’Haïfa (Palombo), jusqu’au 30 juin. En novembre, reprise de la thématique brésilienne avec les peintures et sculptures des frères José Barbosa.   La galerie Marassa Trois ne s’est pas « convertie » à l’espace brésilien mais du fait des filiations entre Haïti et ses expressions artistiques – dont elle est l’ambassadrice à Paris – et celles des expressions populaires brésiliennes, ce cycle s’inscrit dans une démarche cohérente. Elle a été insufflée par Bénédicte Auvard, commissaire de ces trois expositions, qui s’est intéressée de longue date aux travaux ethno-anthropologiques de Natacha Giaffari-Dombre, la galeriste, chercheuse universitaire spécialiste d’Haïti et des « Amériques noires ».

L’opportunité pertinente de ce voisinage  ou « cousinage caraïbe », bien davantage que le hasard d’une rencontre,  explique cette incursion dans l’univers symbolique brésilien. Bénédicte Auvard, qui réside fréquemment au Brésil, a été initiée au candomblé à la Casa Branca de Rio. Elle a conçu ce cycle comme une invitation « à se soustraire à l’hégémonie de la pensée européo-centrée, à voir l’art brésilien non plus comme l’écrin réducteur d’exotismes sucrés, » mais en tant que processus « propre à nourrir (…) les disciplines sœurs que sont l’anthropologie, la sociologie et la psychanalyse. ».   marassa_bresil_3.pngJusqu’à fin mai, Lu Nabuco, qui peint dans son terreiro de candomblé (temple), souvent dans un état médiumnique, donne à voir ses visions des principales yabas. Ses créations manifestent la continuité de l’esprit de la Semana de 22 (Semaine d’art moderne de février 1922, et mouvement à la fois littéraire, pictural, stylistique, architectural) qui a fait évoluer plastiquement le « nativisme », ou retour aux racines de la culture populaire plurielle, sans dénaturer ses fondamentaux. Bénédicte Auvard (ici en photo entre deux créations de Lu Nabuco), indique que l’artiste « reçoit la divinité qui lui intime le moment opportun » pour préparer sa « sortie ».  
 
Nabu (Nabuccodonosor) Dos Santos, dont les sculptures figuratives arborent les colliers du candomblé de manière exubérante et prolifique, travaille des matériaux sobres, carton, papier, résine. En transes, ses femmes s’enracinent au sol par de grands pieds qui marquent aussi « un hommage au peintre brésilien Candido Portinari qui magnifie aussi les pieds des personnages de ses fresques. ». Le courant « anthropophagiste » qui marque l’identité brésilienne trouve ici un prolongement plus universel. L’artiste et critique Grégoire H. Lyon en dit qu’il « évite la fixation dans un folklore édulcoré, et s’inscrit de plein pied dans l’art contemporain tout en défrichant un art populaire original, toujours mouvant. ».marassa_bresil_4.png

 

Exposition « Brasilhaïti ou la pangée prométhéenne », de la discordance à l’afrobrasilianité, galerie Marassara Trois, premier volet jusqu’au 27 mai 2010, 89 bis, rue de Charenton, Paris (métros Gare de Lyon ou Ledru-Rollin).