Septembre 1939, l’invasion de la Pologne par l’Allemagne déclanche la seconde guerre mondiale. Dans son désir de conquérir le monde, qui n’a d’égal que sa soif d’extermination des "races inférieures", Adolf Hitler fait appel aux plus grands scientifiques de l’Allemagne nazie, certains étant d’illustres prix Nobel, pour l’aider à réaliser son funeste projet. Rassemblés au centre Kummersdorf-West, au Kaiser Wilhelm Institut et dans les laboratoires de la Wehrmacht, une extraordinaire équipe de chercheurs travaille depuis plusieurs années à mettre au point la technologie qui doit assurer au Reich sa victoire.

 

Six ans plus tard, au lendemain de la défaite des nazis, le Procès de Nuremberg sera intenté contre les "principaux responsables". En même temps, le Département de la Défense des États-unis, à l’insu du Président Roosevelt et du peuple américain, s’affaire à recruter près de 1500 scientifiques allemands. Effaçant leurs dossiers criminels; leur évitant ainsi d’avoir à répondre de leurs crimes devant la justice. Ils seront clandestinement intégrés à des postes de recherche pour le compte des USA. L’opération visant à exfiltrer ces scientifiques portait le nom d’Opération Paperclip…

 


Après une série d’interrogatoires menés sur des détenus de Fort Hunt, en Virginie, l’État-major américain en vient à la conclusion, en 1946, que le savoir nazi ne doit en aucun cas tomber entre les mains des Soviétiques. En septembre de la même année, le président Truman accepte que la JIOA (une filière du département de la guerre) ne recrute pas plus qu’un participant nominal des activités du Parti nazi (NSDAP), ou qu’un supporter actif du nazisme ou du militarisme. En dépit des rapports accablants révélés par Samuel Klaus, du comité d’étude des dossiers, arguant que tous les scientifiques du «premier lot de dossiers sont de fervents nazis », Bosquet Wev, le directeur de la JIOA insiste. Il ira jusqu’à défendre la nécessité de protéger ces criminels, de crainte qu’ils ne soient enrôlés par le bloc de l’Est. Jugeant qu’il s’agirait alors d’une « menace à la sécurité nationale», plus dangereuse que n’importe quelle sympathie que l’Amérique pourrait entretenir avec les anciens nazis. Avec l’aide de Allen Dulles, directeur de la CIA, Wev falsifie les dossiers de 760 scientifiques ayant été membre du parti NSDAP ou de la Gestapo. Toute mention ou allusion nazie est supprimée des documents, permettant ainsi aux candidats d’obtenir la citoyenneté américaine, de même que d’importants postes au sein de la communauté scientifique. Les bases de White Sands, dans le Nouveau-Mexique, et de Fort Bliss, au Texas, accueillirent les nouveaux venus.

 

 

Le cas Wernher von Braun

vonbraun_allemagne.jpgConsidéré comme le père de l’astronautique, Wernher von Braun est indiscutablement l’un des cerveaux du génie allemand durant les années 30. D’abord responsable du centre de Kummersdorf-West, en 1932, il intègre le parti nazi en 1937, avant d’être promu au rang de SS. Ses travaux se concentrent sur la fabrication de moteurs-fusées, dont le modèle V2 sera utilisé pour bombarder l’Angleterre et les Pays-Bas, entre 1944 et 1945. C’est au camp de concentration de Dora-Mittelbau que se trouve les fameuses usines où sont construites les V2. Parmi les 60 000 prisonniers y séjournant, 10 000 y perdront la vie, dans des conditions de travailvonbraun_kennedy.jpg inhumaines. Bien que  von Braun n’eu jamais admis sa connaissance des crimes perpétrés à Dora, Albert van Dijk, survivant du camp, qualifia d’invraisemblable cette soi-disante "ignorance". Quoiqu’il en soit, l’Opération Paperclip permet à von Braun et à sa famille de passer à l’Ouest, en 1945. Ses connaissances en balistique le hissent au poste de directeur technique du Redstone Arsenal, en Alabama, après un séjour au Texas. Là, il mettra au point le premier missile guidé de l’armée américaine : le Redstone, en 1950. Huit ans plus tard, lorsque la National Advisory Committee for Aeronautics devient la NASA, Wernher von Braun est nommé directeur du Centre de vol spatial Marshall. Son missile Redstone sera alors converti en une fusée géante; la Saturn V, ouvrant ainsi la porte à la conquête spatiale américaine. Le succès de la mission Apollo 11, envoyant un homme sur la lune le 21 juillet 1969, est en grande partie attribué aux innovations apportées par von Braun. Ce qui lui vaudra d’être promu au titre d’administrateur adjoint de la NASA, l’année suivante… 

 

Le cas Reinhard Gehlen

gehlen.jpg

Officier du IIIe Reich, le général Reinhard Gehlen assuma le rôle de chef des armées étrangères de l’Est de 1943 à 1945. Certaines sources laissent entendre que Gehlen aurait participé à la tentative d’assassinat d’Adolf Hitler, par des conspirateurs nazis, durant l’hiver 1942. Toutefois dans ses mémoires, bien que ne niant pas avoir été approché par le colonel Tresckow et ses complices, Gehlen affirme avoir joué un rôle négligeable dans les plans fomentés par les comploteurs. Ce qui lui permis d’ailleurs d’être gracié par le Führer, contrairement au général Hellmuth Stieff, qui paya de sa vie son implication dans l’attentat. En mai 1945, après leur reddition aux forces américaines, Gehlen et ses officiers transmettent un rapport à l’OSS, faisant état des informations qu’ils détiennent sur l’Union Soviétique. Cette aide apportée aux Américains contre les Soviétiques, en pleine guerre froide,  leur vaudra une libération en tant que prisonniers de guerre, en juillet 1946. Le rôle de Gehlen et de ses agents secrets prend alors une tout autre tournure, tandis que l’organisation Gehlen, dont ils sont instigateurs, vise à espionner les activités des communistes en Europe de l’Est. Leur étroite collaboration avec la CIA se poursuivra jusque dans les années 50. Puis en 1956, l’Allemagne de l’ouest s’étant dotée d’un Service fédéral de renseignement (BND); Reinhard Gehlen en devient le premier directeur.

   

Le cas Kurt Blome  

 

kurtblome.jpgDirecteur de l’école de médecine d'Alt-Rehse et nazi haut gradé; Blome entre au conseil de recherche en oncologie du Reich en 1941, où il travailla jusqu’en mai 1945, lors de son arrestation par les Alliés. Dans les faits, Blome n’aurait jamais été affecté à l’étude sur le cancer, mais plutôt à des recherches beaucoup plus macabres. Comme le laisse entendre, du moins, une lettre envoyée par des experts anglo-américains à l’équipe de l’Opération Alsos. Dans le document, on peut lire : «En 1943, les recherches de Bloom se concentraient sur la guerre bactériologique, bien qu’officiellement il fut affecté aux recherches sur le cancer, ce qui n’était en fait qu’un camouflage. D’autre part, Blome a servi le Reich à titre de sous-ministre de la Santé». Tout au long de la guerre, les médecins nazis procédèrent à diverses expériences, notamment menées  dans le camp de concentration de Dachau. Celles-ci, visant à tester la résistance du corps humain aux situations extrêmes, consistaient entre autre à plonger un prisonnier dans un bassin d’eau glacée, le forcer à boire un maximum d’eau de mer ou l’emprisonner dans une chambre à basse pression (comme on retrouve en haute atmosphère).

Les résultats de ces tests permettaient ensuite à l’armée nazieau_blome.jpgallemande de mettre au point des équipementsplus performants pour les soldats sur terre, dans la mer ou dans les airs. L’intérêt des USA pour Kurt Blome naquît du fait que ce dernier admis, lors d’un interrogatoire, avoir testé des vaccins contre la peste sur des prisonniers de camps de concentration. Acquitté en 1947, lors du procès de Nuremberg pour «extermination et expériences conduites sur des êtres humains»; il rejoint à peine deux mois plus tard, dans le cadre de l’Opération Paperclip, la US Army Chemical Corps. Il y sera mandaté d’élaborer des armes chimiques et biologiques de destruction massive.

  

 

nazivaccin_blome.jpg

Le procès de Nuremberg, probablement la première démonstration d’un reality show, a beaucoup fait jaser et couler d’encre, mais n’a pas réglé grand-chose. Car en coulisses, Américains, Soviétiques, Britanniques, etc se partageaient comme des charognards sur une carcasse, les restes du pire cauchemar du vingtième siècle. Un Reich, dont plusieurs jalousaient la superbe, à présent en décrépitude. Il fallait pourtant trouver des responsables… Les exécutants ont donc été punis, pour nous donner bonne conscience. Pendant que l’intelligentsia cachée au fond du désert, poursuivait son œuvre, d’abord entreprise pour le Führer et qui se parachevait, outre-Atlantique, au profit de nouveaux tristes sires.

 

En 1998, 53 ans après la guerre, le Congrès américain vote le Nazi War Disclosure Act, dans l’intention d’interdire dorénavant la protection des dossiers de criminels nazis, par le gouvernement. Toutefois, la plupart des articles de cette loi, sont en fait des dérogations à cette dernière. En outre, le NWDA soulève nombre de questions. Pourquoi avoir fait une loi seulement sur les nazis et pas concernant tous les criminels de guerres, potentiellement exfiltrables en raison de leurs connaissances ou de leur savoir faire ? Et bien entendu, l’incontournable question : Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Peut-être afin de laisser le temps emporter avec lui les secrets du passé et son cortège de criminels…