Dans son malheur, la Belgique peut s’enorgueillir d’avoir parmi ses citoyens un dessinateur et humoriste au ton décapant. Le bien nommé sujet de sa majesté Albert II, Philippe Geluck dont le nom évoque la chance. Tandis que certain honnissent les chats noirs sensés apporter la guigne, son Chat de couleur grise, est un véritable pour bonheur. Le printemps 1983 venait à peine de commencer que le quotidien belge, Le soir, publiait pour la première fois les dessins mettant en scène un chat qui allait par la suite devenir aussi connu que Félix, Tom, Sylvestre et que tous ses congénères médiatiques à quatre pattes et aux oreilles pointues. Très vite, grâce à son dessin sobre mais précis, minimisant le graphisme pour mettre en lumière un humour simple et efficace, le succès est au rendez-vous et le journal l’adopte comme sa mascotte. Deux années plus tard, le Chat franchit un grand pas, ou plutôt une grande patte, sa vie va connaître la couleur quand Philippe Geluck est contacté pour être publié dans le magazine spécialisé du 9ème art, (à suivre), Le Chat va alors côtoyer l’exotisme d’Hugo Prat et l’érotisme de Manara. Il faut attendre l’année suivante pour qu’enfin l’éditeur Casterman se décide à sortir en album relié les meilleures planches du félin belge. Des nuées de fans fondent dans les boutiques pour s’arracher l’album, les stocks s’épuisent rapidement et devront être réapprovisionnés par trois fois. Le gros chat gris aux allures beaucoup plus humaines que l’on peut le penser devient un emblème national au même titre que Tintin. Encore une année et Geluck se met en scène avec sa seconde identité, le Docteur G, un médecin plus habile pour les blagues que pour manier le bistouri. En 1998, sort un album signé à 4 mains, celles du coloriste Serge Dehaes s’associant à celles de Geluck, pour raconter les histoires du fils du Chat. Comme tout le monde, le Chat a une famille, tout en long des différentes BD, le lecteur peut croiser sa femme, ses neveux espiègles, ses enfants aimants, mais également le fameux Roger dont on ne voit jamais le visage ou encore son psy et son créateur. L’aventure soliste du chaton se poursuivra pendant 8 volumes. Après la couleur, c’est le son qui marque une nouvelle évolution pour le Chat. A la fin du mois d’aout 2011, un programme court intitulé « La minute du Chat » est diffusé avant le JT de 19h30 de la RTBF, comme une mise en bouche rigolote avant les drames, les plans de rigueurs, les catastrophes et autres nouvelles déprimantes dont il sera mention dans les prochaines minutes. L’émission franchit la frontière pour s’installer dans la case horaire précédente le journal de France 2. Geluck devient indissociable de son animal et tous deux reçoivent des honneurs, le Chat obtient sa place dans la ville d’Hotton où trône une statue à sa effigie, son dessinateur entre dans la postérité avec une école portant son nom à Herseaux et l’entrée de son patronyme dans le Petit Larousse 2011. Philippe Geluck est plus que le maître du Chat, il est également comédien de formation, homme de radio et de télévision. Depuis quelques années, il se livre pour le plus grand bonheur des lecteurs à la publication de recueils bourrés d’humour noir, d’ironie où le politiquement correct en prend pour son grade. Qui n’a jamais voulu s’attaquer à des choses jugées comme intouchables ? Et bien, Philippe Geluck l’a fait et avec talent, son nouveau livre « Geluck enfonce le clou » est un concentré d’humour vache mais jamais outrancier et savamment dosé.