Ô toi l’immigré, toi l’ami, toi le frère parqué dans de misérables ghettos. Ghettos aux murs gris, au ciel bas, au soleil froid, aux platanes sombres. Elle suinte de partout, de toutes les fissures, t’englue, te colle à la peau : la misère. Misère assourdissante, noire, rampante, aux gigantesques dents qui anéantit jusqu’à l’appel à la vie, des couleurs criardes des étoffes, des vases, des objets fleuris qui ornent les devantures des magasins de tes quartiers. Et, les silhouettes fantômatiques, hors temps, hors monde, toutes de noir vêtues viennent te fendre, misère, d’un pas furtif, puis s’empressent de disparaître pour ne pas se laisser imprégner de ton odeur… Ton odeur nauséabonde.  
 
Ô toi l’arabe, toi le musulman, le non indigène, exclu tel un pestiféré, tu te cramponnes à ta religion, à tes traditions, à tes racines pour ne pas tomber dans l’imitation servile, pour ne pas t’égarer dans l’inauthenticité, pour préserver ta dignité, pour ne pas flêtrir, pour ne pas mourir. Ô toi, l’incompris à la vie précarisée, toi l’aliéné par tant de préjugés : terroriste, obscurantiste, extrémiste, fanatique, sexiste… Suspecté, humilié par toutes les pratiques dicriminatoires, puis souvent réduit à pratiquer ton culte dans les caves ou les bas d’immeubles.
 
Ô toi la musulmane, au voile intégral, présente et absente à la fois parmi nous, ton choix personnel de vouer ainsi ta vie à Dieu, choque la France qui te croit à même de faire vaciller les valeurs fondatrices de la république pour lesquelles elle s’est durement battue. Elle s’offusque de ce qu’elle appelle ta servitude à l’homme en oubliant ta vraie servitude à l’injustice qu’elle exerce sur toi… La voilà, partie en guerre pour te délivrer du mal qui t’aveugle, à ton insu, pour t’extirper de ton aliénation et te mener à l’émancipation. Son émancipation. D’ailleurs, toujours partante pour éradiquer le mal mais jamais là où elle est attendue. Une dichotomie. Et des tonnes de mots, de discours, de colère, de projets de loi. Pour ton visage, l’amie. Ô si tu pouvais, juste le découvrir pour endiguer ladite peur qui sévit et l’anathème qui s’abat sur ta religion. Sans t’offenser… Ô si tu pouvais…
 
Le français de souche n’ose s’aventurer dans tes rues sans baisser les yeux de terreur, dit-on. Sans doute, voudrait-il pour te tolérer, t’amputer de ton histoire te réduire à un petit clone, te déraciner de ton passé.Te réduire à une loque qui prendrait la forme de ce qui n’est pas toi. Tu dois raser les murs, te faire invisible sinon est brandie la menace de la loi. Te brider.
 
Les tergiversations à propos de l’interdiction du port du voile intégral se poursuivent. "L’étude du Conseil d’état ne devrait pas permettre au gouvernement d’interdire totalement la burqa mais de limiter au minimum la circulation des personnes qui choisissent de la revêtir". La notion "trouble à l’ordre public" a été retenU.