Deux petits villages dans le nord-est de la Colombie ont été le théâtre d’incidents pour le moins inquiétants. Ces deux villages étaient unis au Venezuela par deux ponts piétonniers qui enjambaient le fleuve Táchira faisant frontière entre les deux pays. Selon les habitants de cette région particulièrement pauvres qui survivent grâce au commerce avec le pays voisin, des camions sont arrivés chargés d’une quarantaine de militaires vénézuéliens et de charges explosives. En quelques instants, les hommes en uniformes ont placé les explosifs et tandis que les habitants leur jetaient des pierres pour les empêcher de commettre l’irréparable, les soldats faisaient sauter les deux ponts.

Les journalistes qui se sont déplacés sur les lieux ont affirmé qu’ils n’avaient constaté la présence d’aucune force militaire ou de police, ni colombienne, ni vénézuélienne, seuls les restes fumant des deux ponts construits il y à une vingtaine d’années avec – selon les habitants – l’accord des deux nations, témoignaient des faits. À présent, l’unique voie de communication entre les deux pays est coupée et les habitants des deux villages sont désespérés.

Bogotá a immédiatement annoncé qu’il allait dénoncé le Venezuela auprès du Secrétaire général de l’OEA et devant le Conseil de sécurité des Nations Unies car ces faits constituent « une violation du droit international et humanitaire, étant donné que les deux ouvrages avaient été construits par les communautés frontalières et avaient une grande importance dans leur vie quotidienne. »

Caracas a répliqué que ces ponts avaient été construits en toute illégalité, et qu’ils permettaient la contrebande de pétrole du Venezuela vers la Colombie.

Interrogé par les médias de son pays, le commandant Eusebio Agüero Sequera qui a dirigé les opérations militaires vénézuéliennes a confirmé la destruction des deux ponts, mais a insisté sur le fait qu’il s’agissait de ponts piétonniers qui ne relevaient d’aucun accord international. Il a malgré tout reconnu qu’il ignorait combien de Colombiens allaient être affectés par cette mesure pour le moins radicale, mais que cette destruction empêcherait la contrebande entre les deux pays… qui partagent 2000 km de frontières.

Le commandant a conclu son intervention en signalant que les autorités de son pays savaient qu’il existait d’autres ponts, et que ceux-ci seraient également détruits !

Ces nouveaux incidents s’ajoutent à une liste déjà longue, dont le massacre de jeunes colombiens dans la région du Táchira vénézuélien. De plus, ce matin, trois personnes de nationalité colombienne ont été enlevées dans un centre commercial au Venezuela, apparemment par des membres d’un service de sécurité de ce centre. Les trois personnes enlevées ont ensuite été conduites en canot rapide vers la Colombie où elles ont été débarquées avant d’être froidement abattues !

Avec tous ces massacres, avec la frontière entre les deux pays régulièrement fermée et la destruction des deux ponts, il semblerait que Caracas veuille supprimer toute relation entre les communautés frontalières.

Pour ceux qui n’auraient pas suivi cette dégradation des relations entre Caracas et Bogotá, je rappelle qu’Hugo Chavez avait gelé les relations diplomatiques entre les deux pays à la fin du mois de juillet en signe de protestation contre un accord de renforcement de la coopération militaire entre Bogotá et Washington, accord permettant aux forces militaires nord-américaines d’utiliser sept bases en Colombie. Cet accord, conclu dans le cadre de la lutte contre les narcotrafiquants et le grand banditisme, est présenté par Caracas comme le début de l’invasion du Venezuela par les Yankees.

Depuis juillet, les relations commerciales entre la Colombie et le Venezuela se sont fortement détériorées, et les incidents comme ceux dont nous venons de vous parler se sont multipliés. Ces derniers temps, Hugo Chavez a appelé son pays à se préparer à la guerre en même temps qu’il déployait 15000 soldats le long des frontières avec le Brésil et la Colombie et qu’il envoyait une trentaine de chars se positionner à cinquante kilomètres de la Colombie.

L’Union européenne, s’inquiétant de la tournure prise par les événements à envoyer un message appelant les deux parties à respecter le droit international et leurs accords bilatéraux, à s’abstenir de toute action ou déclaration qui pourraient détériorer davantage la situation, et à prendre des mesures pour rechercher des solutions par le dialogue.

Depuis plusieurs jours, les gouverneurs vénézuéliens des provinces voisines de la Colombie accusent leur président de vouloir utiliser la tactique du "rideau de fumée" pour détourner l’attention et masquer les problèmes d’insécurité, de chômage et de coût de la vie que traverse actuellement le pays.

Qu’en est-il exactement, c’est difficile à dire, tout ce que l’on espère, c’est que Hugo Chavez finisse par se calmer. On sait que l’Accord de coopération militaire entre les États-Unis et la Colombie ne sera pas remis en question. Il ne restera de ces nouvelles tensions que quelques citoyens colombiens assassinés, un peu plus de pauvreté au sein des populations les plus faibles, et une contrebande d’essence et d’aliments entre les deux pays qui se poursuivra parce qu’il n’y a pas d’autres ressources, ni d’entreprises dans ces régions infestées par la guérilla et les bandes paramilitaires.

Même si le président vénézuélien a raison, même si l’accord entre Bogotá et Washington est suspect, le jeu en valait-il vraiment la chandelle ?

Vidéo des restes des ponts

Sources:

Noticias 24, Caracas, 19 novembre 2009

RCN, Bogota, 19 novembre 2009

El Tiempo, Bogota, 19 novembre 2009

France 24, Paris, 19 novembre 2009

CMI la noticia, Bogota, 19 novembre 2009

El Observador, Caracas, 19 novembre 2009