Cette nouvelle est la suite de celle-ci mais peut être lue indépendamment.

 

Le gris m’entoure. Tangible et sinistre. Omniprésent. Ancrage effrayant à mon esprit vaporeux.

 Ma respiration est haletante depuis que les spectres m’ont conduit ici. Danse, danse ma vision étourdie. Onirique fugue à l’orée de ma compréhension annihilée. Sempiternelle répétition de notes courroucées. Je pleure ma sombre damnation.

 Le gris m’entoure et m’étouffe. Assourdi par le silence. Vaincu par mes chimères. Je me sens observé dans l’antichambre de la mort.
Le gris, toujours le gris. Mon univers défile, circulaire, autour de mes yeux fatigués. Les aspérités du lieu m’agressent. Les nuances s’imposent, impérieuses. L’uniformité m’assaille, m’angoisse. Les spectres doivent être présents, sinon, comment expliquer cette pression oppressante sur mon thorax. Je ne distingue plus ni forme ni distance. Il n’y a qu’un gris concret et dur au milieu de mes sens altérés.

Je regrette, m’excuse et implore la clémence de mes démoniaques geôliers. Libérez-moi ! D’une manière ou d’une autre. Mais… rendez-moi mes couleurs.
Un rythme naît au cœur de mon audition dénaturée. Insidieux. Douceâtre. Laxiste. Il pénètre mon être par sa fréquence binaire. Il m’enivre et me cajole. Délivrant avec lui la suave fragrance de la peur et de la perfidie. Acculé dans mes retranchements psychiques, mes défenses cèdent face aux déferlantes âcres de mes faiblesses. Je recouvre l’usage de ma langue jusqu’alors immobile, l’air expire enfin de mes poumons dans un borborygme violent. 
Recroquevillé sur le sol froid, j’érige une défense de fortune à mes sens harcelés. J’invoque, révoque, jure, relapse mes idéaux et mes principes. Ma vie et mes souvenirs.

Rien n’est réel hurle la dernière partie de moi qui résiste un tant soit peu. Qu’importe. Je m’abandonne à la terreur, trouvant en son sein tourmenté le calme qui me résout à accepter d’être désarticulé sur les brisants de sa puissance. L’univers se délite alors que je risque un œil au delà de mon bastion de chair. Le gris s’évapore dans un nuage ectoplasmique. Les ombres suggèrent ce que la lumière ne pourra jamais comprendre. Je parjure ma nature humaine et déclame mon servage dans l’espoir misérable de sauver mon futur.
Dansent, dansent les servants du malin devant mes yeux implorants. Ils m’encerclent, dédaigneux, et me tourmentent dans un rire indicible. Je hurle encore, offrant à ces monstre l’ultime défaite assurant leur victoire.
Un bruit nouveau parasite mes visions hallucinées. Métallique et rassurant. Il détonne avec l’inconnu de mon enfer. La porte s’ouvre avec un fracas qui me fait tressaillir au plus profond de mon âme. Des sons indistincts me parviennent alors que je rampe me terrer hors de portée des couleurs infatuées. 
Bien trop réel, un crissement envahit mon monde apocalyptique et tourmenté. Au désespoir, je rive ma tête vers l’origine désincarnée de ce son difforme. Persuadé de surprendre le héraut des quatre sur sa monture aliénée, je garde tout de même le vain espoir d’accueillir l’ange salvateur, qui dans l’ablution divine, me laissera apercevoir Canaan. 
Bercé par cette idée, mes yeux se ferment et je laisse mon organisme stopper sa marche.