J’écris, j’écris. Je ne fais plus que ça. Autour de moi gisent des cadavres de coca ou de café. Le temps a disparu avec le sommeil. Et la folie qui toujours veille, en a profité pour m’haranguer.
Ai-je rêvé ? L’ai-je fait ? Je ne sais pas. Peut-être oui. Du cruor présent sur mes mains semble indiquer que mon désir s’est réalisé. Les coups sur la porte doivent être une conséquence. C’est étrange je songe en avisant les tessons tout autour. On m’avait toujours dit que le tambour était dans la tête après avoir été saoul. Pas dehors. Comme c’est étrange cette lucidité brumeuse. Ces idées nébuleuses et pourtant si brillantes.
Un kaléidoscope d’idées assaille mon esprit avec une persévérance cruelle. Pareil à du rock effréné, ma tête ressasse et récence les souvenirs des dernières heures. Mon corps réagit comme si les événements se déroulaient encore. Mon estomac se retourne sous la froide morsure de la vodka tandis que mon foie proteste avant de périr, vaincu par la chaleureuse étreinte de l’alcool.
Je jette un regard par la fenêtre en esquivant un geste du pouce vers son nez. Comme pour chasser une gêne invisible. Mon regard ne discerne rien à travers la vitre rendue opaque par l’accumulation de crasse. De toute manière, il ne regarde pas. La complexe alchimie de mon cerveau crée un ersatz d’hallucination suite à la réminiscence violente de la poudre explosant mes sinus. Mon tronc est secoué de soubresauts répétitifs. Mes perceptions sensorielles disparaissent pour renaître. Evoluées. Mon odorat capte les vapeurs âcres de la pièce avec une puissance décuplée. Ma peau se hérisse, surprise pas l’infime brise que la mauvaise isolation des lieux laisse passer. Ma vision est fragmentée selon un schéma complexe de couleurs et de mouvements. Rendant cet endroit, si familier, dangereusement inconnu.
Soudain, un sursaut de douleur me fait porter la main à mon bras gauche. Mon sang se voit repoussé par l’arrivée belliqueuse d’un produit étranger. Durant quelques millièmes de secondes, le bloc résiste avant d’être assimilé au liquide de mes veines. L’effet n’attend pas. L’appartement se voit coloré d’une succession de visions enluminées faisant à la fois appel à mon imagination délurée et à la dépravation de ma virilité. Avisant la réaction masculine de mon organisme, j’éponge mon front trempé en me répétant que tout ceci n’est qu’un souvenir. Un souvenir, rapportent, douteuses, mes lèvres. Un souvenir cogne mon inconscient. Un souvenir, frémit, hésitant, mon corps. Une saloperie de souvenir génocide ma tête. Mes yeux clignent, incrédules, alors qu’esprit et langue claquent, implacables, ces deux mots.
Si mes neurones cessent de me soumettre à mes délires, je n’en continue pas moins de revivre mes frasques de la veille au soir avec une brutalité non contenue. Alors, brusquement happé hors de la réalité. Ma présence physique s’estompe et sombre un rêve éveillé.
La lune brille à nouveau dans le ciel de hier, et je suis dans cette rue aux pavés mouillés. Il est là. Mon esprit rue, feule, crache. Refuse avec toute son amertume sa présence. Mais, les raisons de cette rage m’échappent, comme si elles étaient incarnées par une nappe brumeuse devant mes yeux qui assimileraient s’ils sautaient juste un battement de paupière. Mais je cille toujours avec la même obstination. Mon moi d’hier en profite et avec une hargne que je partage, il se jette sur l’autre, qui éberlué agite les mains dans un signe évident de dénégation et d’appel au calme. Sa tentative n’a pour effet que d’accroître le spectre de ma colère. Avec une violence que je ne me connais pas, mes phalanges rencontrent l’enveloppe de sa mâchoire. Il titube incrédule. Se massant, étonné, son os fracturé. Ses jambes faiblissent, son coccyx heurte lourdement le sol réveillant soudain le côté primitif de l’homme. Peut-être lit-il alors l’étincelle assassine qui habite mon regard. Peut-être avise-t-il dans ma lèvre retroussée et mon nez pincé la certitude de mes intentions. Ou peut-être juste que son instinct de chasseur se réveille et qu’il reconnaît être la proie. D’un geste sûr, il se relève. Son économie de mouvement montre sa détermination nouvelle et sa dangerosité. Un rictus déforme mon visage déjà aiguisé par les stupéfiants. Et avec une rage bestiale, je lui fonce dessus. Mon épaule gauche le soulevant du sol tandis que ma main droite vole à la naissance de mon jean pour y saisir un couteau. Contrairement à ce que j’avais toujours écrit et pensé, la mort n’arrive pas avec un roulement de tambour ou la victime se voit glorifier par la vie. Là, ma main virevolte jusqu’à son plexus et enfonce la lame en direction de sa tête. Ses poumons sont transpercés. Il y a un bruit mat qui m’indique que le corps s’est affaissé. Je n’ai entendu aucun hoquet, n’ai saisi aucune expression de surprise. Alors, presque avec nonchalance, je tourne les talons et retourne jusque chez moi.
Je mets un point final à mon récit, la tête douloureusement claire. J’avise une dernière fois la pièce où vole la poussière éclairée par de timides lueurs qui filtrent à travers les volets. La porte est enfoncée dans un nuage d’échardes. La lumière m’aveugle et mes tympans se percent sous le bruit soudain bien trop présent. Les ténèbres m’emportent alors que des mains me saisissent sans ménagement.
Sa ce n’est pas que de la moquette
Pfff, fais froid dans le dos !
Bienvenue sur C4 😉
Merci.
C’est sensé être sombre à souhait. Mais pur fiction, n’allons pas croire que je parle d’expérience personnel 😉
Riche en vocabulaire et en imagination!
On y croit quand même 🙂