Monsieur Sarkozy : 27 Mars 2008, deuxième jour et dernier jour à Londres

Le programme du jour a été très chargé et sans trop observer la chronologie des cérémonies et interventions, je me suis bornée à relever les points les plus significatifs.

Au cours du sommet bilatéral, tenu dans l'enceinte inhabituelle du stade de l'équipe de football d'Arsenal le 27 Juin à Londres entre les chefs d'États et plusieurs ministres français et britanniques, les questions européennes ont été évoquées sans trop insister afin de ne pas raviver en public les difficultés du Premier Ministre Anglais qui se trouve en position difficile à cause de la ratification du traité de Lisbonne. En effet il avait du se battre à la Chambre des communes pour repousser un amendement de l'opposition conservatrice qui demandait un référendum avant de ratifier le « mini traité », pour enterrer le référendum, pourtant promis par Tony Blair en 2005, car il avait peu de chance d'obtenir une réponse positive d’une population anglaise majoritairement eurosceptique.


 

Le président français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique Gordon Brown ont développé les bases de la nouvelle "entente amicale" qu'ils veulent développer entre leur deux pays en citant leurs analyses extrêmement voisines sur la réforme des institutions internationales, la transparence des marchés financiers ou l'immigration.

Hormis une approche différente de la question tibétaine et le refus du boycott des jeux olympiques exprimés par l’Angleterre, question non encore tranchée en France, les intentions de la France et de la Grande-Bretagne convergent sur tous les sujets. "Sur l'Afrique et la paix au Darfour, nos positions sont les mêmes", "sur le climat, notre position est exactement la même", "sur la transparence des marchés financiers, nous sommes sur la même ligne", a résumé par la suite en conférence de presse le président français.

Sauf pour annoncer un programme pour la scolarisation d'ici 2010 de 16 millions d'enfants africains, le sommet bilatéral s'est rarement éloigné de la déclaration d'intentions et les accords évoqués avant le sommet en matière d'armement ou de nucléaire civil, après l'annonce par la Grande-Bretagne de la reprise de son programme de construction de centrales, ne se sont pas concrétisés.

Nicolas Sarkozy a ensuite visité le célèbre Observatoire et remis à la navigatrice britannique Ellen MacArthur l'insigne de chevalier de la Légion d'honneur.

Ensuit, devant la communauté Française de Londres, réunie à la résidence de l'ambassadeur, Monsieur Nicolas Sarkozy a fait part de son "admiration pour la façon dont les Anglais sont passés des années Thatcher aux années Blair sans se perdre dans des querelles entre la droite et la gauche".

Ndlr : sans doute Monsieur Sarkozy en lui-même pensait au climat politique français qui lui est défavorable et souhaiterait-il que l’opposition lui délivre un blanc seing pour opérer en toute tranquillité avec ses ministres les parlementaires UMP sa dictature de « rupture sociale », ce n’est pas le cas puisque à juste l’opposition toutes tendances confondues, réclame un changement de politique et la suppression du paquet fiscal, en dénonçant la baisse des prévisions de croissance, le mécontentement des fonctionnaires et des enseignants, l’insatisfaction des retraités, l’envoi en Afghanistan de 1000 militaires , une amélioration du pouvoir d’achat, pour ne citer que ces quelques questions qui recouvrent des négociations en cours qui s’avèrent difficiles.

D’après certains observateurs, Paris et Londres sont d'accord pour une "plus grande transparence financière" à l'heure des « subprimes » , d’accord aussi pour "établir un système international efficace" dont une réforme du G8, ouvert aux pays émergents, et du conseil de sécurité des Nations unies, en soutenant les candidatures de l'Allemagne, du Brésil, du Japon et de l'Inde.

La Grande Bretagne et La France serait prête à "construire un nouveau partenariat pour scolariser 16 millions d'enfants en Afrique d'ici à 2010 et tous les enfants d'ici à 2015".

Ndlr : Les pays africains sont-ils d’accord et parties prenantes, sous quelles conditions ? Nouvelle donne triangulaire France-Angleterre-Afrique ? …. Il faudrait que l’on nous explique ce projet dans toutes ses implications politiques et culturelles et l’engagement financier respectif de l’Angleterre, de la France et de chacun des pays africains concernés.

Dans la soirée lors d'un discours prononcé lors d'un dîner rassemblant des représentants du monde économique, Nicolas Sarkozy a expliqué que « la France » entendait "poursuivre le changement". Selon son interprétation, le président affirme "En m'élisant, la France a demandé le changement. Il est en marche, il est possible. Il se fait sans drame et il continuera".

Ndlr : Pour le moment « La France » comme sœur Anne à son balcon scrute l’horizon et ne voit rien venir, à part les nuages noirs de la casse sociale , et elle devra attendre quatre ans encore avant d’apercevoir à l’horizon la chevalière ou le chevalier qui se présentera pour la délivrer du marasme économique, social et culturel dans laquelle elle aura marinée pendant cinq ans au profit des tenants du libéralisme sauvage.

Une fois de plus, le chef de l'Etat a cité le modèle anglais en exemple : "La France regarde ce que vous avez été capable de faire. La France est lucide. Il n'y a pas eu de miracle britannique mais une erreur de notre côté de vouloir dévaloriser le travail. Si les Anglais ont progressé, nous pouvons progresser aussi en prenant les mêmes valeurs : la liberté, la flexibilité, le travail, le mérite. La France a beaucoup à apprendre des autres."

Pour se donner bonne conscience, Monsieur Sarkozy s’est plut à dénoncer (comme il l’avait fait en Amérique sous d’autres termes) les désordres financiers et "la frivolité du capitalisme".

Son discours, très peu applaudi par les financiers de la City, a mis le point final à une visite dont le bilan au fil des jours, quand s’estomperont les vapeurs des fastes de la réception, apparaîtra comme un rapprochement de Nicolas Sarkozy et Gordon Brown , et surtout comme un coup de communication orchestrée au profit de l’un et de l’autre, destiné à redorer leur image dans leur propre pays et à se rapprocher pour « amadouer l’Europe » à leur vue, ce qui n’est pas gagné pour autant :

Les vingt sept pays de l’Union Européenne ont des sensibilités économiques, sociales, et culturelles différentes et les attendent de pieds fermes, d’autant que la déclaration commune publiée à l'issue du sommet franco-britannique qui s'est déroulé dans l'enceinte du club de football d'Arsenal en reste au stade des intentions.

Ainsi, lors du dîner offert par Davis Lewis, le Lord-maire de Londres à ne pas confondre avec le maire de Londres, Ken Livingstone Nicolas Sarkozy a fustigé l’euro fort et encore une fois dénoncé « le capitalisme de la frivolité » "Est-ce que c'est nos valeurs, est-ce que c'est nos idées ? Non, c'est la perversion de nos valeurs et de nos idées", a conclu Nicolas Sarkozy devant l’assemblée composée de financiers et d'entrepreneurs.

Nicolas Sarkozy qui a de la suite dans les idées en matière monétaire, a repris en l’améliorant l'une de ses convictions favorites en la matière , à savoir le trop haut niveau de l'euro par rapport à la faible croissance économique des pays de la zone euro, révisée à la baisse par la commission européenne à 1,8 % pour 2008, voici son morceau de bravoure sur ce thème monétaire qui divise l’Europe :

"Lorsque j'étais étudiant, on m'expliquait doctement qu'une économie forte a une monnaie forte. Et aujourd'hui, qu'est-ce que je vois ? …… Le contraire. Le dollar n'a jamais été aussi faible, le yuan l'est toujours autant, le yen également et l'euro, … une croissance trop faible [dans la zone euro], a un niveau trop élevé".

Le chef de l'Etat en veine de critiques financières a aussi dénoncé les dérives du capitalisme financier. "Qui peut penser …… qu'il est normal que des agences de notation internationales aient pu noter certains produits financiers AAA un vendredi et que les mêmes produits financiers, notés par les mêmes agences, deviennent BBB un lundi ?" s’est étonné le président français "Ce capitalisme-là, je n'en veux pas, parce que c'est le capitalisme de la frivolité, du mensonge et de l'absence de transparence", a-t-il affirmé.

Les « subprimes » et leurs néfastes conséquences financières n’ont pas non plus été épargnées dans l’analyse du Président Français «Qui peut penser qu'on puisse durablement gagner de l'argent sur des dettes et pousser une montagne de dettes devant soi sans se demander jamais qui, un jour, devra la rembourser, même lorsque l'on est la première économie du monde ?"….. "Qui peut penser que les déséquilibres monétaires qui conduisent à la situation d'aujourd'hui pourront durablement persister ?" s'est « indigné » Nicolas Sarkozy en faisant allusion à la crise des subprimes aux Etats-Unis.

Paris et Londres ont plaidé jeudi, dans le communiqué publié à l'issue d'un sommet bilatéral qui s'est déroulé dans le stade de l'équipe de football d'Arsenal, pour une plus grande transparence des marchés financiers, appelant les banques à révéler "rapidement et totalement l'ampleur de leurs pertes".

 

ooOoo

Ma conclusion

Pendant deux jours, Monsieur Sarkozy et Monsieur Gordon Brown se sont mutuellement plébiscités, gargarisés, congratulés, la Reine d’Angleterre lors du diner de Windsor a prononcé une allocution assez neutre, bien plus de politesse que d’encouragement et les retentissement en Europe des flons flons du show bise Gordon-Sarkozy n’a pas eu le mérite d’enflammer les foules, sauf à contrarier la Chancelière Allemande qui s’est offensée de la déclaration de Monsieur Sarkozy qui rappelons-le, la veille, devant le Parlement Anglais » avait estimé que l’axe Paris Berlin n’était pas suffisant au sein de l’Union Européenne. Encore une maladresse qui aura la valeur d’un vase de Soissons.

Pour premier bilan de cette visite d’Etat, et en négligeant les vapeurs « sentimentales et artistiques » des protestations de fraternité et des envolées lyriques des médias sur les toilettes et la beauté de Madame Bruni Sarkozy et les fastes de réception, il est à retenir :

<!–[if !supportLists]–> <!–[endif]–>que la déclaration commune franco-britannique en reste au stade des intentions,

<!–[if !supportLists]–> <!–[endif]–>qu’il n’y a pas eu de signature de contrat sur le nucléaire, comme l'Elysée l'avait laissé espérer, ni de progrès sur l'Europe de la défense

<!–[if !supportLists]–> que Paris et Londres à propos des Jeux olympiques de Pékin et de la situation au Tibetont des positions divergentes :

Monsieur Gordon Brown, à la tête du pays qui organisera les JO de Londres en 2012, a répété qu'il écartait totalement cette possibilité. "Nous ne boycotterons pas les Jeux olympiques. La Grande-Bretagne participera à la cérémonie d'ouverture", mais Monsieur Sarkozy, même s'il a défendu l’avis des deux pays sur la nécessité de discussions entre la Chine et le dalaï lama, a déclaré : « En fonction de la situation au Tibet, Je me réserverai le droit de dire si je vais ou non à la cérémonie d'ouverture et s'il y a lieu de prendre d'autres initiatives" …….. "Il faut que je consulte les autres sur leurs positions pour savoir si j'irai à la cérémonie d'ouverture ou pas" a précisé Monsieur Nicolas Sarkozy, qui présidera l'Union européenne (UE) à partir de juillet.

Pour juger de l’impact réel de cette visite d’état, et de ses suites positives ou négatives, il faut attendre la ratification du traité européen par le parlement britannique, et ensuite il conviendra d’apprécier quand la France présidera l’Union Européenne si les deux pays soutiendront « fraternellement » une politique Européenne commune ou si au contraire ils deviendront des frères ennemis.