Défenseur des droits de l’homme et farouche opposant à Ben Ali, Moncef Marzouki a été élu, hier, par l’Assemblée nationale constituante, président de la République tunisienne.

 

Moncef Marzouki, 66 ans, dirigeant du Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste), a été élu par 153 voix pour, 3 contre, 2 abstentions et 44 votes blancs sur un total de 202 votants sur les 217 membres de l’Assemblée. L’hymne national a retenti dans l’hémicycle, alors que ses partisans criaient «Fidélité aux martyrs de la révolution !»

Costume gris, chemise blanche mais sans cravate comme toujours, M. Marzouki, médecin de formation, a remercié tous les députés : «Votre présence est primordiale. Le message par lequel vous me dites «nous t’aurons à l’œil» est bien reçu», a-t-il lancé en direction de l’opposition, qui a voté blanc. «Ce jour est mémorable, vive la Tunisie du plus profond de mon cœur», a-t-il ajouté, se disant «fier de porter la plus précieuse des responsabilités, celle d’être le garant du peuple, de l’Etat et de la révolution».

M. Marzouki sera investi aujourd’hui, après une prestation de serment au Palais présidentiel de Carthage. Il est réputé pour son intransigeance et ses talents de tribun, mais reste critiqué pour son alliance avec les islamistes d’Ennahda qui formeront le gouvernement.

Au fil des ans, il s’est peu à peu écarté de ses compagnons de route, défenseurs des droits de l’homme et autres opposants de gauche, qui lui reprochent de ne pas s’opposer frontalement aux islamistes.

Si son positionnement à gauche n’a jamais varié, il s’est en revanche rapproché d’Ennahda, notamment sur la question de l’identité arabo-musulmane, qu’il a brandie haut et fort pendant la campagne pour les élections.

Quelques mois avant le scrutin, il fustigeait «la vieille gauche laïcarde et francophone, totalement déconnectée des vrais problèmes de la société tunisienne»,lors d’un entretien avec l’AFP.

Et au lendemain des élections, il réfutait les critique sde ceux qui l’accusaient d’avoir «pactisé avec le diable» pour obtenir un fauteuil présidentiel :«Non non non, Ennahda n’est pas le diable (…). Il ne faut pas les prendre pour les talibans de la Tunisie , c’est quand même une fraction modérée de l’islamisme»,tout en soulignant qu’il y avait «des lignes rouges» sur lesquelles il ne transigerait pas :«Les libertés publiques, les droits de l’homme, les droits de la femme, de l’enfant.» Divorcé de sa femme française, M. Marzouki est père de deux enfants. Il a publié une quinzaine de livres, certains en français. Parmi eux figure Dictateurs en sursis. Une voie démocratique pour le Monde arabe, écrit avec le sociologue français Vincent Geisser et publié en 2009.