Réalisateur : Tim Burton
Date de sortie : 5 octobre 2016
Pays : USA, UK, Belgique
Genre : Fantastique
Durée : 127 minutes
Budget : 110 millions de dollars
Casting : Eva Green (Miss Pérégrine), Asa Butterfield (Jake Portman), Alle Purnell (Emma Bloom), Samuel L.Jackson (M.Barron)
Autant le dire tout de suite, l’histoire est assez foutraque, il y est question de boucles temporelles se répétant inlassablement depuis des décennies, bloquant, bon gré mal gré, ceux qui y sont enfermés. Elles œuvrent plutôt comme un refuge construite par des femmes nommées Ombrunes, pour des enfants aux dons particuliers qui n’auraient pas leur place dans notre monde. Cet équilibre est menacé par M.Baron et ses sbires dont le but est d’utiliser le pouvoir de maîtrise temporelle de ces Ombrunes afin de s’octroyer la vie éternelle. Jake, un adolescent ordinaire, se retrouve plongé dans cette histoire où il aura une place particulière voire essentielle.
Inutile d’entrer plus en détail concernant le scénario car il est assez complexe a expliqué fait de voyages temporels et de modifications du continuum. Le plus simple est d’aller voir le film, ce ne sera pas une perte de temps. Quel plaisir de retrouver le réalisateur à un si bon niveau. On n’a pas vu aussi abouti depuis Big Fish en 2003. Soit une décennie de films moyens faisant plus office d’auto caricature que de réelles prises de risque. On est captivé du début à la fin par cet univers enchanteur, la magie reprend et Tim Burton est à l’aise dans l’adaptation du roman de Ransom Riggs, cela s’en ressent pour notre plus grand plaisir. Un film sans fausse note, juste des petites dissonances dans ce concerto. En parlant de Big Fish, la première partie est en fortement influencée. Un parent vieillissant, des histoires folles faites de monstres, de pouvoirs et de rencontres extraordinaires difficiles à avaler et une quête pour démêler le vrai du faux. Si l’illustre aîné mettant en scène Ewan Mac Gregor se terminait en nuançant les propos fabuleux, ici on saute à pieds joints dans le fantastique. Dans cette première partie, il y a de l’autobiographique avec ce jeune homme timide, différent des autres de son âge, mal à l’aise avec la société, la scène d’anniversaire au début illustrant ce propos, préférant les contes étranges et la solitude au conformisme et vivant dans une suburb floridien bercée par le soleil.
D’un point de vue esthétique c’est un fin et soigné, Tim Burton renoue avec son décorum gothique bien à lui. Que ce soit en Floride, pleine de couleurs mais terriblement angoissante, l’épave au fond de la mer, l’île galloise grise et brumeuse ou le manoir en ruine qui garde un charme fou, vestige d’un passé révolu stoppé net par la folie de la guerre, nous sommes séduit Un contraste se dénote entre l’île de 2016, triste, grise, habitée de péquenauds rustres et de pseudo rappeurs aux noms débiles, et celle du 3 septembre 1943, ensoleillée, un ciel bleu, le manoir apparaît comme un havre de paix, un jardin d’Eden préservé par une boucle. Les effets spéciaux sont remarquables, jamais grossiers et crédibles. On apprécie surtout les séquences en stop motion, notamment cette scène de baston avec les squelettes sur la jetée, véritable hommage au maître des illusions faites avec des bouts de ficelles Ray Harryhausen, ou l’animation des monstrueuses créations à base de poupées faites par Enoch.
L’enfance a un rôle essentiel dans la filmographie de Burton, ce film ne saurait contredire cette vérité. Ces enfants bien que « particuliers' » sont attachants, même les plus ronchons en deviennent sympathiques, sans oublier Jake qui pourrait être usant en se lamentant sur son sort de rejeté mal dans sa peau, il n’en est rien et il est plaisant de suivre les aventures de cette joyeuse bande. Ce sont de véritables freaks à la Burton, la petite fille mignonne en apparence mais qui cache un monstre dans sa tête, celle qui maîtrise le feu, celle possédant une force incroyable, celle qui maîtrise la croissance des végétaux, celle du vent pouvant voler, si légère qu’elle doit porter des souliers en plomb, les jumeaux masqués tout de blanc vêtu, le petit garçon capable de projeter ses rêves grâce à son monocle et l’enfant invisible, des petits monstres effrayants mais gentils. Pour les vilains, Burton s’est inspiré des slendermen, ces étranges géants longilignes en costume apparus sur internet à l’aube des années 2010, appelés ici : Sépulcreux. Ils sont dirigés par le démoniaque M.Baron, incarné par un Samuel L.Jackson aux cheveux et yeux blanchis, toujours aussi loquace et convaincant.
Miss Pérégrine … malgré un scénario intéressant, reste un film classique ayant pour thème le passage de la jeunesse à l’âge adulte. On y traite de l’affirmation de soi transformant l’adolescent seul et maladroit en un jeune homme entouré et doté d’un leadership. On peut voir cette histoire comme un voyage initiatique, une émancipation vis à vis d’une autorité parentale et une quête amoureuse. Parmi les bémols, certaines facilités scénaristiques et une fin un peu bâclée. La façon dont le méchant est vaincu, les différents voyages de Jake semblent ne durer que quelques minutes or ils ont du prendre des mois voire des années et certains personnages sont abandonnés en cours de récit. Hormis ces faiblesses, Miss Pérégrine est un très bon Burton, une adaptation qui sied à merveille à son univers, un monde vaste qui serait plaisant de développer à travers d’autres films, ou pourquoi pas une série, après tout c’est une mode ces derniers temps.