C'est le magazine courrier international qui apporte du nouveau dans l'affaire Milan Kundera, à travers un entretien avec Jiří Reichl porte-parole de l'institut, et Vojtech Ripka (VR), un chercheur au centre d'archives de Prague. Les deux interlocuteurs, répondant pour le magazine Respekt qui avait révélé l'existence d'une fiche de police mettant en cause le romancier dans une délation, affirme que le journal maintiendra son accusation, après que Milan Kundera l'ait sommé de présenter des excuses, menaçant d'intenter un procès.

Le document de police date de 1950 et serait bien authentique selon les deux représentants du magazine. Ainsi que cela a déjà été révélé, s'y trouve une déposition décrite comme celle de Milan Kundera : "aujourd'hui vers 16 heures, un étudiant, Milan Kundera, né le 1er avril 1929 à Brno, résidant à Prague VII, Cité universitaire, rue Roi George VI, s'est présenté dans ce département et a rapporté qu'une étudiante, Iva Militka, (…) avait rencontré (…) un certain Miroslav Dvoracek qu'elle connaissait"

 

C'est cette dénonciation, qui n'est peut-être pas la seule envers le déserteur (on se rappelle qu'un autre étudiant s'était désigné comme le délateur), qui a selon le journal, provoqué l'arrestation et la mise en détention de Miroslav Dvoracek, déserteur passé à l'ouest, dans un camp de travail pour quatorze très longues années.

Milan Kundera s'était déclaré pris au dépourvu, disant la publication de l'article calomnieuse et lui avait aussitôt dénié tout rapport avec la vérité.

Mais le magasine affirme et continue à affirmer que le document est parfaitement authentique, ce qui jouera très certainement un rôle dans le procès qu'intentera Milan Kundera, ainsi qu'il l'a évoqué en cas de maintien de ces accusations.

La quasi totalité des articles défendait Milan Kundera dans la presse française, les gens de lettre également se sont pressés à sa défense. Il n'est cependant pas pris en compte le fait que le magazine affirme avoir d'abord tenté de contacter l'écrivain (ce qui était également souligné dans le document publié) : "Adam Hradilek a fait de bonnes recherches puis a essayé de contacter Milan Kundera, et ce, avec le magazine Respekt. N'ayant obtenu aucune réponse de sa part, ils ont décidé de publier les documents."

Tout cela est naturellement embarrassant pour l'écrivain, qui même s'il est innocent de ce dont on l'accuse, aura sans doute du mal à obtenir gain de cause devant un document émanant directement de la police d'État de l'époque et qui justifie la suspicion de l'auteur du papier dans "Respekt". Il est toutefois établi par certains intervenants que ces documents ne seraient pas toujours fiable.

Mais quoi qu'il arrive, la qualité des romans de Milan Kundera n'en souffrira pas, même si ses lecteurs, nombreux de par le monde, se désolent de cette accusation, infondée selon de nombreux écrits.

Qu'il me soit d'ailleurs permis d'émettre une critique des différentes interventions dans la presse française. Que la presse dans son ensemble défende un grand écrivain de langue française ne pose aucun problème, même s'il est apparent dans certains cas que les auteurs n'avaient pas pris le temps de lire le texte initial… Mais je ne peux m'empêcher de penser que s'il s'agissait de quelqu'un d'autre, les mêmes auraient tiré à boulet rouge sur le vilain dénonciateur, s'étranglant de rage devant une ignominie monstrueuse "qui rappelle les heures les plus sombres de notre Histoire", tout en évoquant la morale et le sens commun.

Je n'aurais personnellement jamais écrit sur ce qu'il faut bien appeler "l'affaire Kundera", si la grande presse n'avait donné le pas. De fait, puisqu'un magazine tchèque avait lancé tout cela, la presse française ne pouvait faire autrement que de reproduire à son tour l'information, même si l'on peut s'offusquer de ce que les protestations de l'écrivain n'aient généralement pas été reprises ensuite.