Trois mois d’interdiction d’exercer : gênant pour un expert psychiatre des tribunaux nationaux – dont la Cour de cassation – qui est supposé ne plus pouvoir figurer sur la liste des experts du fait d’une condamnation ordinale. Ennuyeux, alors qu’en dépit de la très faible médiatisation (fort euphémisme) de cette condamnation, d’autres que les personnes s’estimant calomniées ou choquées par la teneur de son livre, Le Plaisir de tuer, se sentent encouragées à saisir le Conseil national de l’Ordre des médecins. Cela pour de toutes autres affaires se rapportant aux expertises de ce psychiatre et psychanalyste de l’élégant Marais parisien.
Tiens, c’est au docteur Daniel Zagury qu’Élizabeth Fleury, du Parisien, a demandé de « dresser le portrait de Xavier de Ligonnès », le Nantais présumé meurtrier de toute sa famille, à partir de l’une de ses lettres. Dur pour les graphologues : hormis la liste des courses et emplettes, on saisit surtout au clavier à présent. D’où le recours aux experts spécialisés dans l’examen de la correspondance de grands criminels.
Voila trois-quatre-six mois, c’est le confrère et ami du Dr. Zagury que la presse aurait prioritairement sollicité pour un « éclairage autorisé ».
Soit le Dr. Michel Dubec, qu’on vit, lut, entendit fort longtemps un peu partout. Zagury et Dubec, c’était un peu les Laurel et Hardy, voire Dupont et Dupond, ou les Bogdanoff, de l’expertise psychiatrique en criminologie. Les duettistes idéaux.
Diserts sans prompteur.
Oui, mais, voilà, dommage, pas de chance pour les radios-télés, le Dr. Michel Dubec vient d’être frappé « d’une sanction disciplinaire ou administrative faisant obstacle à une (…) réinscription sur une liste d’experts » (art. 40, chap. XI, L. nº 2010-1609). Remarquez que la sanction « d’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois » infligée en appel le 6 mai 2011 par le président de la chambre disciplinaire nationale du Conseil de l’Ordre des médecins ne prend effet qu’au premier octobre 2011. L’Ordre avait pris tout le temps nécessaire pour faire comparaître le Dr. Dubec en première instance, puis quinze mois, du 4 décembre 2009 au 30 mars 2011, pour l’entendre en appel. Donc rien ne pressait. Sauf, peut-être, pour des expertisés. Car le 30 mars dernier, Michel Dubec avait publiquement annoncé décliner depuis « un certain temps » toute expertise en matière pénale, s’en tenant aux affaires civiles (cas de divorces, de gardes d’enfants, par exemple).
Dans l’assistance, nul autre qu’un témoin à décharge du procès de première instance, un chroniqueur judiciaire du Figaro, président de l’Association de la presse judiciaire, Stéphane Durand-Souffland. Peut-être a-t-il discrètement informé ses confrères de la résolution de Michel Dubec, et tant qu’à faire, de cette décision ordinale. D’où les soudainement rarissimes demandes de témoignage de Michel Dubec, puis l’arrêt des sollicitations d’entretiens à publier ou diffuser.
Ce certain temps de renoncement n’avait pas empêché Michel Dubec de recevoir, en mars et avril 2011, les honneurs et compliments de la presse pour ses dépositions lors des procès de Maxime Brunerie (coup de feu contre Jacques Chirac), de Jacques Viguier (le professeur de droit dont Michel Dubec estimait qu’il n’aurait pu « assassiner à froid son épouse »), de Véronique Courjault (trois infanticides et dissimulation de preuves par congélation). Coups partis, affaires antérieures. Comme pour Fourniret (violeur et criminel en série). Mais c’est vous dire, sans remonter aux procès Touvier et Guy Georges, détaillés dans le livre de Michel Dubec Le Plaisir de tuer, que cet expert fut sans doute le plus en vue et le plus médiatisé d’entre ses pairs. L’un des plus sollicités aussi par les tribunaux pour une foultitude d’affaires plus obscures dont des expertises contestées – les siennes – finissent par remonter à la surface.
Lors de cette audience d’appel, Me Isabelle Coutant-Peyre, partie civile pour Illitch Ramirez Sanchez, dit Carlos, dit « le Chacal », mais aussi, selon M. Dubec, « le Dario Moreno du terrorisme », avait posé la question qui fâche. « Êtes-vous encore en état d’effectuer des expertises ? » l’interrogeait-elle. Oui, mais moins dangereusement (pour qui ? pour lui-même ? pour les expertisés ? pour les magistrats ? la réputation de ses confrères ? on ne sait trop…), avait-il répondu en substance.
Rappelons trop brièvement les faits incriminés avant d’aborder les autres, restés sous le boisseau.
Michel Dubec n’était poursuivi que par Maurice Joffo, frère de Joseph (auteur d’Un sac de billes), auteur lui, du livre Pour quelques billes de plus. Par Illitch Ramirez Sanchez (voir supra), qui avait refusé que M. Dubec l’examine mais découvert par la suite le portrait grotesque brossé par ce médecin. Aussi par Jean-Pierre Escarfail, père d’une des victimes de Guy Georges, en sa qualité de président de l’Association pour la protection contre les agressions et crimes sexuels. Ce en raison de passages du Plaisir de tuer qui avaient, pour certains, valu à M. Dubec d’être antérieurement condamné – pénalement cette fois – au bénéfice de Maurice Joffo.
Oui, mais tant sa condamnation pénale que l’indulgente sanction de ses pairs en première instance (trois mois aussi, mais assortis de sursis), ne tenaient, selon lui, qu’à la campagne sur Internet qu’avait menée un certaine Brigitte Brami. Celle-ci, devenue ultérieurement l’auteure de La Prison ruinée, ancienne patiente de M. Dubec, lequel l’avait traînée deux fois devant les tribunaux pour harcèlement et expédiée en détention, aurait bénéficié, selon lui et ce qu’en a retenu de ses dires la chambre disciplinaire ordinale, de la « complicité » de « Carlos ».
Excusez-la du peu ! Brami, 47 ans désormais, petite femme qui maintient que – du haut de stature et avec la force de son entraînement de boxeur amateur –, Dubec l’aurait rossé, associée avec un terroriste de stature internationale ! C’est le genre de rêverie éveillée qui caractérise les écrits de Michel Dubec, en tout cas dans son livre. Un ouvrage fort lisible dans lequel il pleure de compassion sur lui-même autant qu’il étouffe des sanglots ou se noue la gorge quand il dépose devant des tribunaux qui le poursuivent. Il se déclare bouc émissaire alors que d’autres psychiatres ont publié avant lui des livres évoquant leurs expertises, considère que les instances ordinales devraient plutôt, lui, le conforter, regrette ses ennuis, tourments, et seulement ses erreurs ou approximations en cela qu’elles lui compliquent l’existence. Dommage pour les éditeurs, pour les nègres qu’ils emploient, ce genre d’ouvrage, du fait de cette jurisprudence, représente désormais des risques financiers.
C’est donc à ce petit garçon attardé, complexé autant que complexe, pour lequel ce qu’on lui reproche est le fait d’une cabale, ou d’une mésinterprétation de ses propos, d’une bonne foi trahie par de vénielles maladresses d’expression, que tant et tant d’expertises magistrales ont été confiées. Les plus spectaculaires étaient ciselées, distrayant peut-être des magistrats assoupis, régalant des chroniqueurs judiciaires en mal de phrases bien senties. Pour les autres, les sans renom attendu, auraient-elles été bâclées, faites à la chaîne et dictées à une secrétaire « par-dessus la jambe » (voire en tapant sous la ceinture) ?
Ce qui n’est pas encore remonté à la surface, ce sont les 25 plaintes le visant que le conseil départemental d’Île-de-France des médecins a écartées, et qui risquent, sans préjuger du sort de nouvelles, d’atterrir au Conseil national. Ou au pénal. En cumulatives accumulations, voire entassements successifs.
Michel Dubec a beaucoup, beaucoup expertisé. À tours de bras. Cela lui valut des plaintes dont il a été estimé qu’elles pourraient être éventuellement fondées par ailleurs mais « ne sont pas susceptibles de constituer un manquement à la déontologie médicale. ». Et puis, il y a les reproches qui ne sont pas remontés jusqu’au conseil départemental ou national, mais ont atterri devant d’autres instances, ou ont fait l’objet de recours à d’autres associations que celle de J.-P. Escarfail.
Ce sont d’une part des histoires plutôt banales du genre différend sur des gardes d’enfants, des allégations de propos sexistes qu’il aurait tenus à une certaine G. D. dans un cas de divorce (propos à connotation sexiste sous-jacente que je n’ai pu vérifier, dans le cadre d’une plainte pour violences conjugales). Macho en privé avec des femmes de peu, déférent devant les magistrates, Dubec ? C’est d’autre part aussi une sombre histoire survenue à une ingénieure en environnement, S. R., qui m’a expliqué que, victime d’une maladie parasitaire, elle avait été mal diagnostiquée. Mais qu’une expertise de M. Dubec concluait que les médecins s’étaient peut-être trompés mais de bonne foi : « la patiente pouvait passer pour une hypocondriaque », indiquait-il à peu près, « et abuser les médecins ». Cette affaire est remontée en appel devant un tribunal administratif et même jusqu’au Conseil d’État. Il se trouve effectivement que la maladie en question, fortement invalidante, induit des comportements – mieux connus antérieurement à l’expertise de M. Dubec – ayant pu être pris pour des maux imaginaires. Mais bon, comment reprocher à un expert de n’avoir pas su se documenter ? L’Ordre des médecins gagnerait à en connaître, non pas pour incriminer forcément une nouvelle fois M. Dubec, mais pour sa gouverne.
Donc, outre des récriminations ignorées par l’Ordre, qui n’en fut pas saisi, d’autres, écartées. Confraternellement ? Dont celle de Stéphan Pascau, qu’il va représenter, cette fois devant le Conseil national. L’inconvénient, pour M. Dubec, qui s’en souvient fort bien, c’est que Stéphan Pascau est un universitaire, pas vraiment un anonyme. Et surtout, une victime. D’un beau-père… « médecin » (en fait sous-directeur d’un établissement… psychiatrique, donc cadre administratif).
Cette fois, en appel, M. Dubec a été condamné pour avoir contrevenu à deux articles du Code déontologique, visant la violation du secret professionnel et les manquements au respect de la personne humaine. La motivation de la décision couvre huit pages, évoque « les fantasmes » de M. Dubec, ses « propos injurieux et méprisants (…) indignes d’un médecin », et il est considéré qu’il aurait pu légitimer « des actes de viol ». Sur ce dernier point, admettons bien volontiers que la décision relève seulement qu’il a manqué d’« un minimum de prudence et de circonspection » dans sa présentation des actes reprochés à Guy Georges et l’empathie qu’il a pu éprouver. Ce serait donc du fait d’une sorte de désinvolture et d’emportement impulsif, si ce n’est compulsif, que M. Dubec se serait retrouvé désigné par des associations et une pétition en tant que « psychiatre qui justifie le viol ». On peut fort bien le voir ainsi : des expressions maladroites, un fort manque de recul, et une relecture trop hâtive de la part de l’éditeur.
Ce que Stéphane Pascau reproche à M. Dubec, ce n’est pas cela. C’est nullement une affaire du microcosme de l’édition, mais plutôt, sinon de justifier un meurtre commis de sang froid, du moins d’en faire, au gré des circonstances, ce qui lui chante, selon l’inspiration du moment. Voire la personnalité médicale de l’assassin. Supputations ? C’est ce qu’il faudrait éclaircir et que, dans un écourté premier temps, l’Ordre départemental n’a pas jugé digne d’intérêt.
Deux articles du Code de la Santé publique invoqués cette fois… Pour Stéphan Pascau, dans son affaire, ce n’est pas moins de dix violations qu’il soulève. Il envisage aussi une action pénale. Car il indique attaquer « Dubec et deux autres psychiatres pour faux en écriture, entrave à la manifestation de la vérité ». Entre autres… Il produit, dit-il, « des attestations de bien-fondé de la part de cinq médecins et professeurs, dont un spécialiste en psychiatrie légale de la faculté de Paris. ». Il estime que les rapports des trois experts visés sont implicitement désavoués par la Cour d’assises des Hautes-Pyrénées. Des délits qui, pour lui, « venant d’experts assermentés » seraient susceptibles d’être passibles de sept années d’emprisonnement.
Il ajoute : « Je ne suis pas le seul à tenter de poursuivre Dubec. Il y a maintes plaintes contre lui mais trop souvent pour des affaires mineures qui ne justifient pas les frais, investissements et risques encourus par les plaignants. ». Les risques sont peut-être exagérés, mais se retrouver une nouvelle fois devant M. Dubec serait pour d’aucunes et certains, à tort ou à raison, fortement dissuasif. N’allons pas évoquer le trouble d’une victime d’un viol devant confronter son violeur, ce qui serait une trop forte exagération. Mais au moins une expertisée (pour une affaire banale) m’a confié qu’elle avait éprouvé par la suite un traumatisme durable. Je ne suis pas expert ; je n’en pense rien de fondé. Il serait sans doute impossible à d’autres experts de dire si le trouble invoqué était préalablement latent ou non.
Or donc, Stéphan Pascau et l’assassinat de sa mère, Éliane Ricaud. Le beau-père de Stéphan Pascau a 78 ans au moment des faits. Il abat sa compagne d’un unique coup de fusil dans la nuque. Et le voilà, selon son gendre, et la lecture de rapports de certains experts, « irresponsable au seul moment des faits, mais ni avant, ni après ». Il va par la suite être relâché, et bénéficier de divers avantages financiers découlant de son crime.
Ce n’est pas le fait de magistrats gauchistes fustigés par Nicolas Sarkozy pour prendre le parti des criminels, c’est comme cela, et comme ce n’est pas porteur, peu susceptible de faire des discours tonitruants, la loi s’en accommodera. Le coupable a donc été condamné, mais il ne sera jamais incarcéré, ni l’objet d’une prise en charge psychiatrique (ce qui se conçoit à présent qu’il peut être estimé inaccessible à ce type de soins, ce qui se concevait moins à l’époque de l’assassinat). Il convient de préciser qu’un délinquant ou criminel condamné à moins de dix ans d’emprisonnement – comme c’est le cas – bénéficie de tous ses droits successoraux et civils. Il hérite de sa victime faute de procédure complémentaire engagée aux frais et risques des parties civiles, bénéficie de l’éventuelle pension de réversion, de diverses primes d’assurances si les compagnies ne se sont pas portées parties civiles. L’opinion publique, en écoute de politique sécuritaire, pourrait sans doute s’en émouvoir, mais il ne s’agit pas de faits divers répercutés, amplifiés, suscitant des discours et déclarations enflammées.
En assises, Ricaud parut un peu comme Pinochet envisagé par la juge Éva Joly : plus de « rapsus mélancolique » décelé par les experts, une sorte d’hébétude. Il se trouve qu’Éliane Ricaud était infirmière psychiatrique à la retraite, elle était « pleine de vie » à 66 ans, a indiqué sa petite-fille aux jurés. Et cette professionnelle n’aurait rien vu venir ? Hormis, peut-être, des prémisses d’Alzheimer ? Ce fait a peut-être ébranlé les deux autres experts psychiatres, dont le professeur Pierre-André Delpa, qui, eux, n’avaient pas trouvé Eugène Ricaud si déprimé ni vraiment mélancolique. Mais Eugène Ricaud, c’était aussi l’ex-directeur de l’hôpital de Lannemezan, il participait à des associations, portait beau, fréquentait des notables du cru. Les gendarmes voyaient en lui un homme « arrogant, coléreux, autoritaire, irascible, coureur de jupons… ». Limite harceleur avec le personnel de l’hôpital et appliquant « le droit de cuissage ». Certes moins dangereux que Guy Georges, lequel avait d’autres facilités avec les femmes, qu’il ne violait pas toutes.
Michel Dubec a estimé s’être un temps trouvé en empathie avec Guy Georges. Et avec Eugène Ricaud ? Selon M. Dubec, « si un homme est trop respectueux d’une femme, il ne bande pas ! ». Une certitude consignée dans son livre, réitérée en première instance et en appel avec une totale et fort mâle assurance. Cela tombait bien, Eugène Ricaud n’était pas si respectueux de sa femme, ni des autres.
Ce serait employer les procédés de Michel Dubec que de lui imputer gratuitement une particulière sympathie pour ce notable arrogant, présomptueux, ancien confrère retraité familier des notables… Jusqu’à ce qu’Eugène Ricaud se retrouve devant un tribunal. Où il avait perdu sa superbe. Comme Michel Dubec, simulant ou non l’humilité. Des coïncidences ne font pas une vérité. Ni dans un article de journal ou en ligne, ni, surtout, dans une sorte de roman, Le Plaisir de tuer, présenté comme la somme des doctes réflexions d’un expert, fût-il fortement médiatisé, courtisé, encensé avant de se retrouver tout penaud. Ignoré de qui l’encensait voici peu, snobé, voué à l’oubli… ou de nouveau consigné à la chronique des faits divers, mais cette fois encore du mauvais côté de la barrière.
Cet homme est encore plus désaxé que les criminels qu’il expertise. On devrait le virer à vie des tribunaux, il n’est pas digne de servir la justice.
Brigitte Brami me tanne un peu pour que je vous signale qu’on pourra écornifler taboulé et cocktails à l’Espace Scribe-L’Harmattan mardi soir (17 mai, 19:30, place Maubert, proche de la Mutualité). Il y aura du piano (Ghaïs Jasser) et du ciné (Brigitte Sy).
Détails en ligne sur [url]http://www.20six.fr/scribeharmattan[/url].
Ou alors passer sur
[url]http://www.lepost.fr/article/2011/05/14/2494556_brigitte-brami-elle-ecrivait-et-maintenant-elle-cause.html[/url]
Pour le reste, cherchez Brigitte Brami sur Come4News (mot-clef à placer dans le champ en haut à droite) ou via Google.
Merci Michel Dubec, je ne comprenais pas bien des décisions de justices complaisantes avec les violeurs, meurtriers de femmes, aujourd’hui, grâce à vous, je vomis cette chariah déguisée en justice.