Très content pour Pascal Lainé (salut Pascal, Rémy, Maryse…) qui signe dans Le Pays de Franche-Comté un article « Belfort : quand Facebook recommande de lire Mein Kampf ». L’Agence France Presse a repris, inutile de détailler. Mais c’est un scoop : soit une information exclusive (qu’on est le premier à sortir), condition première, et que tout le monde reprend (condition seconde tellement nécessaire qu’elle prime souvent sur la première). Il a marché très fort… Dans la même veine, je vous propose la sélection du Guardian, suggérée aux lectrices ou lecteurs d’Adolf Hitler : Primo Levi, Helga Weiss ou encore Eva Schloss. Apparentements terribles !
C’est vrai que ce dimanche n’était pas folichon pour les rédactions. Bon, certes, la Syrie. Mais cela ne parle pas trop au lectorat. À nous, quoi.
Le Pays de Franche-Comté reste un quotidien régional de proximité, et j’espère que les lectrices et lecteurs franchissent encore la porte de la rédaction où trouvent les journalistes fréquemment accoudés dans les bistrots du coin… Je n’ai pas demandé à Pascal Lainé, mais je subodore que c’est ainsi que cela s’est probablement produit…
Un usager, pardon, un client de Facebook (à l’insu de son plein gré, en fait, il est client et fournisseur), très peu porté sur l’extrême-droite, se voit proposer Mein Kampf parmi les « livres suggérés » : c’est un lecteur des romans de Philippe Keir, et il ne voit pas trop le rapport direct.
Pascal relève aussi que « la page Facebook consacrée à Mein Kampf ne juge pas non plus utile d’émettre des réserves sur la lecture de l’ouvrage du führer » (Pascal, Pascal, proteste à Mulhouse : un titre d’ouvrage s’italise, tout comme un vocable étranger, ce qui n’apparaît dans « ta » version en ligne ; tout fout le camp ! Mein Freund…).
Pratiquement toute la presse reprend déjà, pillant Wikipedia. Je ne vais pas pomper. Pascal suggère que les algorithmes sont en cause. Nan, c’est les « d’jeuns » pour qui Hitler, connais pas, Mein Kampf, ce doit être un récit de summer camp, sans doute quelque part en Europe.
Grosse, kolossal anachronisme. Mais ne voulant pas broder dans la droite ligne des consœurs et confrères tirant à la ligne, vu que l’édition de mardi ne va pas être trop facile à remplir, je te suggère, Pascal, sans doute obligé de revenir sur cette info « meublante » d’une édition dominicale, de t’intéresser un peu davantage à l’ouvrage et son auteur. Il suffit que des villes allemandes ayant décerné à Hitler un titre de citoyen honoraire par le passé annoncent qu’il est question de le révoquer pour que cela fasse des titres (ainsi de Bassum, dans le Spiegel, début août).
Eva Braun nue, bof. Hitler vessait un max : c’est de la balle, coco !
Un fort étrange auteur
Selon des infos récentes parues ailleurs (Daily Mail et alii), et un documentaire du National Geographic, Adolf était un hypocondriaque aux balloches atrophiées qui sniffait de la coke. Si ! Peut-être pas dans sa zonzon vers 1924, mais va savoir… C’est le Dr Theodore Morell qui l’écrivait. Michael Jackson ? Un amateur ! Le mec était vraisemblablement un maniaco-dépressif (c’est ainsi qu’on catalogue à présent, variante : bipolaire). En plus, il se grattait souvent car il souffrait d’eczéma. C’est l’Irish Mirror (entre autres) qui pointe sur les 47 pages d’une sorte de mémoire de l’un des six toubibs d’Adolf. En plus, il pétait à tout instant (la soupe aux pois n’arrangeait rien). Pour cela, on lui faisait ingérer de la strychnine et de la mort-au-rats.
Du coup il souffrait aussi de jaunisse et de crises de foie (un truc très français, pourtant).
De la poudre, il s’en collait même dans les yeux, diluée dans des gouttes de sérum phy. Pour honorer Eva Braun, pas de viagra, mais des extraits de prostates et de gonades de jeunes taureaux (alors que le peuple était réduit aux vaches maigres, comme lors de la Première guerre et l’interdiction de consommation de saucisses, vu que les intestins des bovins entraient dans la fabrication des Zeppelin). Il se faisait même injecter du sperme de taureau.
Ajoutons à cela divers barbituriques, des opiacés, de la morphine, des amphets’.
Cela étant, Mein Kampf sort en juillet 1925. Bien avant que les services du bon docteur Morell en fassent un olibrius. Bon, les 800 pages vont bientôt tomber dans le domaine public. On comprend que Facebook se dépêche un peu. Surtout que la traduction française se vend 34 euros.
Cela étant, on trouve en ligne diverses traductions vers l’anglais, en accès libre.
Parce que ce lundi qui vient (en fait est entamé : je suis aux petites heures) ne me semble guère tarazimboumant, je vais risquer une hypothèse aussi aventureuse que fumeuse. Le jeune Hitler vit une période difficile, mais, au front, avec la trouille, il pète, certes, mais beaucoup moins. Ses problèmes de santé lui semblent secondaires, sa rate qui se dilate lui importe moins que ses montées d’adrénaline. Il avait été réformé de la conscription autrichienne (peut-être a-t-on estimé qu’il empesterait sa chambrée). Dès qu’il se trouve face à Ypres, puis dans l’Artois, dans la Somme, il se sent mieux (ses camarades de casernement ou cantonnement aussi). Puis les roses blanches de Picardie couvrent ses flatulences.
De retour à la vie civile, le foie n’est pas droit, le pylore se colore, l’épigastre s’encastre, &c. Il s’ennuie et se dit que la guerre lui convenait beaucoup mieux. Ce qu’il lui faut, c’est une bonne guerre. Ce qu’il traduit par « ce qu’il nous faut, c’est une bonne guerre ». Et voilà toute l’histoire d’un demi-siècle résumée (ce que la postérité confirmera peut-être, mais sans m’en attribuer le scoop).
Plus vendeur qu’Obama…
Hitler, c’est vendeur. Andrea Lumbardelli a créé des bouteilles de vin (italien, suppose-t-on) avec des étiquettes montrant Hitler ou Mussolini. Vendues cet été sur le pourtour du lac de Garde. En Indonésie, un café décoré selon des thèmes nazis a aussi défrayé la chronique estivale. Idem avec un KFC détourné (avec Hitler remplaçant le colonel Sanders) en Thaïlande. Une maison d’édition tchèque (Guidemedia) a publié 650 pages de discours d’Hitler. En juin dernier, Kim Jong-Un offrait des exemplaires de Mein Kampf a des dignitaires nord-coréens (information démentie par Pyongyang par la suite). Bientôt, en septembre, Harvard University Press sortira un Hollywood’s Pact with Hitler, de Ben Urwand (il s’agissait de diffuser les films sur le marché allemand et d’éviter la censure). Je vous épargne l’histoire douteuse des théières de JC Penney (l’anse, le bouton et le bec évoqueraient vaguement Hitler, on en fit tout un foin et même des « mugs », encore vendues en ligne, cherchez « Mein Kettle »). À part cela, Obama grimé en Hitler, cela trouve son public, mais petitement.
La toute dernière ? Le Daily Mirror rapporte qu’un marin, Hermann Gerdau (cent ans à présent), et tout l’équipage d’un navire de guerre du nom de la province du Schleswig-Holstein, avait reçu l’ordre de tirer sur une base navale polonaise une heure avant la déclaration officielle de l’entrée en guerre (1er sept. 1939). Hitler aurait donc menti.
N’importe quoi avec Hitler est répercuté et l’histoire Belfortaine vient (ce lundi) de franchir l’Atlantique : un site canadien francophone l’a reprise (sympatico.ca).
Hitler 2 – FC Sochaux 1
Il s’en est d’ailleurs fallu de peu que le Financial Times (qui publiait dimanche soir une critique d’un bouquin sur la propagation virale de la haine, Viral Hate: Containing Its Spread On the Internet, et signalait la diffusion de Mein Kampf sous la plume d’April Dembosky) ait repris l’info de Pascal Lainé. Il se peut que le desk du fil anglais de l’AFP attende d’avoir réaction de Facebook pour que ce soit encore plus largement répercuté. Un non-événement, vraiment ? Wait and see…
Le Pays de Franche-Comté a certes accroché un titre succinct à la une, mais donné beaucoup plus d’importance à un entretien exclusif avec Vincent Peillon. Et si le FC Sochaux l’avait emporté face à Montpellier, il n’est pas sûr que l’article de Pascal Lainé ait été mis en valeur. Ainsi va la presse.
Une autre presse que la régionale a sans doute lu Mein Kampf. Notamment cette phrase : « la grande masse (…) ne réagit d’ailleurs bien qu’en faveur d’une manifestation de force orientée nettement dans une direction ou la direction opposée, mais jamais au profit d’une demi-mesure hésitante ». Plus tard, vers 2018, on comparera peut-être à cette aune le traitement médiatique des quinquennats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande… « L’objectivité est de faiblesse, la volonté est de la force », écrivait l’autre, l’Adolf.
Mais c’est une autre histoire… Le débat actuel sur Mein Kampf est à peu près clos, le Land de Bavière ne détiendra plus les droits fin 2015, et comme Pierre-André Taguieff, diverses personnalités (dont Stefan Kramer ou Richard Prasquier, Martine Brunschwig Graf…) se sont prononcées pour une réédition critique, universitaire, commentée par des chercheurs, des spécialistes. Cependant, Burkhard Lischka, du Parti social-démocrate allemand, s’oppose au projet.
Le hic, avec ce que propose Facebook, c’est qu’il semble bien que la couverture papier reproduite soit celle d’un livre relié, frappé sur tranche et face de la swastika. Un memorabilia plus qu’autre chose. Il s’agit d’un portrait réalisé par Heinrich Hoffman en 1936. Par recoupement, il me semble que ce serait la traduction de James Murphy publiée par Hurst and Blackett Ltd., en mars 1939.
Google Shopping propose un lien (vers PriceMinister et une édition traduite brochée assortie de l’arrêt du 11 juillet 1979 de la Cour d’appel de Paris). On trouve évidemment des éditions en PDF, sans trop à devoir les chercher longuement (en français itou). Voire même, en anglais, des sites comme christogenea.org présentant Hitler tel « a good Christian [who] followed the examples of Christ ».
WHSmith propose une traduction préfacée par Donald Cameron Watt. Apple le met en avant sur iTunes, en téléchargement, mais assorti d’une « note préliminaire » depuis le 3 janvier dernier (édition de Liber Electronicus), mais une autre édition était proposée fin novembre 2011 (éds Montecristo Publishing) : la dernière en date sur iTunes ne remonte qu’au 11 avril dernier (éds Zhingoora Books). Barnes & Noble avait un temps retiré l’ouvrage de la vente, il était encore accessible ce jour, en divers formats (dont l’édition Houghton Mifflin Harcourt).
Hitler dans le texte sur le Guardian Bookshop
Même le Guardian Bookshop diffuse une traduction du plus célèbre livre d’Hitler (et consorts réviseurs). Le Guardian, encore vaguement marqué à gauche, diffuse l’édition de Motilal Books UK (au prix de £8.99, expédition sous une semaine, site accédé ce jour). Et que sont censés apprécier les futurs lecteurs d’Hitler ? Deux livres de Primo Levi, un d’Helga Weiss, et le After Auschwitz d’Eva Schloss. Pour qui connaît Levi ou Helga Weiss, c’est… insolite !
Le saviez-vous ? L’éditeur Hutchison & Co avait aussi diffusé Mein Kampf dans les kiosques britanniques, canadiens et australiens, en 18 parutions hebdomadaires (à six pence chaque). Tous les bénéfices étaient annoncés aller à la British Red Cross Society. Peut-être pas ceux retirés de la vente des reliures proposées sous diverses formes (toilées, en Rexine, ou en trois finitions en cuir). Le prétexte était de dénoncer l’impérialisme allemand. Depuis, les droits de Mein Kampf vont parfois, selon les pays, à des œuvres caritatives (enfin, ce qui reste, frais déduits).
Saviez-vous aussi que l’ouvrage a été manié et remanié : il existe diverses versions originales.
Pour les traductions, les néo-nazis anglophones soutiennent que le traducteur James Murphy avait sous-traité la tâche à une espionne communiste pour salir Hitler et le parti Nazi. En fait, il semble que Hitler, qui avait dicté son texte, se soit fait relire par ses amis qui, au gré de l’évolution de la situation internationale, remodelaient (sans doute avec son accord) les éditions successives.
Une chose est sûre : Hitler fait vendre, et Facebook et d’autres intermédiaires en profitent.
Sait-on jamais, un amateur de la comtesse de Ségur se verra peut-être recommander Mein Kampf ?
Et si, tout simplement, Facebook touchait davantage sur un Hitler que sur un livre d’un autre auteur et le plaçait un peu partout ? On doute que ce soit l’explication officielle qui sera (ou non) fournie… Mais si, comme les sites de recherches d’hôtels en ligne (qui exigent davantage des hôteliers pour mettre mieux en valeur leurs offres), les éditeurs d’Hitler consentaient un petit pourcentage supplémentaire ?
On sait en tout cas désormais pourquoi Hitler criait, hurlait, vociférait tant et tant : c’était pour couvrir la tonitruance de ses flatulences aussi fréquentes qu’intempestives…
Si cela puait trop, je me demande qui, parmi son proche entourage, sa garde du corps rapprochée, devait faire semblant de s’excuser. Et Hitler, badin, qui disait « Ach! Zela arriv’ à tout le monde, pardonnez-le… ».
Hitler fait vendre ?
Bah, pas avec moi : il y a longtemps que j’ai une version « ebook » gratuite de son bouquin !
;D
Blague à part, faut vraiment avoir envie de le lire, son combat, là…
J’ai essayé, suis jamais arrivé plus loin que la vingtième ou vingt-cinquième page ! Indigeste ! je préfère les albums de Philippe Geluck !