Petit billet rédigé à dix doigts véloces sur le clavier, mode « brouillon ». Agoravox, média dit « citoyen » tout comme Come4News, est-il un « club fermé », et s’il en présentait les symptômes, seraient-ils communs aux supports de types voisins ou similaires ? Ce petit billet partisan (pour Agoravox, Come4News… en dépit des apparences) tente de transformer une intuition en réflexion. Le prétexte : un article retoqué non pas par tocade sur-modératrice mais en raison d’un coup de mou de la modération interne d’Agoravox.

L’incident est dérisoire. L’un de mes rares papiers destinés à Agoravox et dont son équipe de modération me remémore qu’il s’intitulait « Presse, justice, et vitesse en besogne… », ne sera jamais mis en ligne, sauf si j’insiste vraiment lourdement. Il se trouve qu’avec le temps, n’ayant pas conservé de double, je ne sais plus trop de quoi il traitait au juste et s’il est ou non « encore d’actualité ou peut être actualisé » (termes du courriel reçu d’Agoravox).
Là, je pousse « un cri ». D’étonnement, pas vraiment de satisfaction. Et je remercie « l’équipe de rédaction » d’Agoravox d’avoir eu l’amabilité de me fournir une explication qui vaut aveu d’impuissance, excuses pas trop contrites, mais expression de regrets nonobstant. C’est dire si je hurle peu à la censure.
Hormis de fastidieuses démarches pour tenter d’obtenir qu’un éditeur s’intéresse aux manuscrits de quelques rares amis, je n’ai jamais eu à subir de multiples refus. Mon principal bouquin publié (Femmes & métiers du Livre…) avait trouvé preneur assez rapidement (il est épuisé tant en France qu’en Belgique), les autres étaient des collectifs, plus ou moins autopubliés. Je ne me souviens plus de mes rarissimes papiers « trappés » en presse nationale ou régionale, la plupart (vu l’étique nombre, c’est peu idoine) en raisons de marbrages (mises sous le boisseau, tiroir des différés) dépendant d’actualités plus chaudes. En revanche, sur Le Post, pour des motifs les plus farfelus, voire franchement hypocrites ou carrément je-m’en-foutistes, je ne compte plus (c’est de l’ordre de la dizaine ou douzaine sur près de 750 publiés). Et bof… Autant dire que le courriel d’Agoravox ne saurait nous fâcher durablement… et que je ne me sens pas victime d’un ostracisme, ni paranoïde.

Or donc, Agoravox me remercie d’avoir soumis l’article en question et regrette que le comité de rédaction n’ait pu valider sa publication. « Nous avons en effet reçu de très nombreuses propositions d’articles ces derniers temps… ». Ces derniers temps, cela me rappelle un gag de Fernand Raynaud : refroidir un canon nécessite « un certain temps… ». Je ne saurais estimer ces temps derniers, mais la soumission à la modération d’Agoravox remonte peut-être à un trimestre. Étant moi-même non point modérateur de fait, mais qualifié en tant que tel, j’ai pu, voici au moins 45 jours (de mémoire), constater à quel point ma contribution était enfouie sous la masse des plus récentes. J’aurais sans doute pu insister, intervenir. Je n’en reste pas moins persuadé que cette contribution conserve un caractère d’actualité : je réserve en général à Agoravox ou Mediapart des trucs à date de péremption fort éloignée en raison de l’angle de leur traitement. Il fallait que trois votes (ou quatre ?) se portent sur elle. Je n’en avais recueilli qu’un (impossible de voir s’il était favorable ou non), environ trois semaines plus tard, personne d’autre n’avait trouvé le temps de consulter, de donner un avis. Sic transit.

Qui suis-je pour m’en plaindre, moi qui préfère écrire ici que de me livrer sur Agoravox à la lecture des contributions des autres ?  J’imagine qu’en faisant montre de plus d’assiduité, j’aurais peut-être intégré la « bande » (non péjoratif ici) des validatrices et valideurs attitrés du site, celles et ceux qu’on peut sans doute contacter pour signaler la mise en ligne (dans la file de la validation) d’une nouvelle contribution. J’exagère sans doute en supputant que certain ou d’aucune aurait voté pour la publication sans même lire ce que je soumettais à leur auguste appréciation…

Mais, finalement, s’il n’en est pas de même ici, puisque sur déjà plus de 500 contributions de mon cru, aucune n’a été trappée, et sur d’autres sites d’information citoyenne, ou dite participative, un phénomène similaire ne se constate-t-il pas ? Beaucoup de contributions sont publiées, seules pratiquement celles des copains, copines (ou adversaires présumés déclarés) sont vraiment abondamment consultées. Je ne m’en plains pas : je ne lis pratiquement jamais les rubriques sportives dans la presse nationale ou régionale, ce n’est pas sur Come4News que je vais m’y mettre. De plus, consultant abondamment la presse en ligne (et achetant encore des quotidiens, hebdomadaires, voire mensuels), j’ai tendance à présumer bêtement que je peux parfois me dispenser de lire ce qui s’écrit ici sur les mêmes sujets.
Or, pourtant, justement, Come4News, Agoravox, ou Rue89 et d’autres apportent souvent un véritable « plus », d’autres angles, d’autres éléments de réflexion. Mais on ne peut être partout, tout lire. Trop d’info tue l’info, y compris dans l’œuf. C’est sans doute pourquoi aussi des informations assez lourdes de conséquences puissent être négligées par les rédactions traditionnelles. Un exemple ? Tenez, le docteur Michel Dubec vient de se voir infliger trois mois d’interdiction d’exercer son activité de psychiatre, partant d’être rayé (si je m’en tiens aux textes) de la liste des experts des tribunaux. C’était pourtant pratiquement le plus en vue (avec le Dr. Zagury) des experts médiatiques, fortement médiatisés. J’y reviendrai… ultérieurement (ce jour ou demain ou… bientôt : faut-il traiter tous les sujets, même ceux non dénués d’intérêt mais qui semblent éclairer plus le passé que l’avenir ?). Et pourtant, lors du procès en appel, un éminent confrère était dans la salle, nul autre qu’un président d’association de chroniqueurs judiciaires. Il a dû avoir d’autres chats à fouetter…

Court extrait du livre d’Étienne Liebig, Les Nouveaux Cons, que son éditeur, Michalon, vient de remettre sous presse (premier tirage épuisé) :  « les seuls blogs qui ont la moindre audience sont ceux des professionnels de la communication, de l’information ou de la politique qui, de toute façon, sont déjà écoutés par ailleurs… ». Il en était déjà de même de la presse dite alternative, d’expression régionale. Font majoritairement exception à présent des sites régionaux (DijonScope en est un excellent exemple), souvent faits par des professionnels, plus ou moins en rupture de la presse traditionnelle, soutenus ou non par des capitaux, et médiatisés par des relais (Mediapart pour DijonScope). Liebig consacre trois chapitres à la presse, je m’étais promis d’en faire état sur Mediapart (en sus de ma chronique sur Come4News, trouvez-la…). On ne peut être partout. Je m’étais aussi promis de relayer ici une info de DijonScope : « Cambriolage chez dijOnscOpe : À qui profite le crime ? ». Un courriel m’en avait informé dès le 26 avril. Voyez comme, à l’instar de ce qui se produit sur Agoravox, le temps passe, s’écoule, enfouit. Comprenez qu’avant de vilipender Agoravox et sa « censure », je m’en prenne d’abord à moi-même.

Agoravox, contrairement à Rue89, qui emploie des pros et privilégie un nouveau-nouveau journalisme (heureusement pas celui que Liebig dénonce pour l’imposture qu’il est), tend récemment à coller un peu trop à l’actualité qu’on retrouve partout ces derniers temps. Mais subsistent, même en page d’accueil, des sujets largement mis sous le boisseau ailleurs. Là, il s’agit de la « réforme de Thomas Piketty » (sujet de fiscalité, pour résumer). Ou un sujet santé sur le lycopène.
Mais il ne s’agit pas des articles les plus lus, lesquels tentent à conforter souvent (pas toujours) le lectorat d’Agoravox dans ses principales certitudes ou ses points de vue dominants. De même, les marronniers font toujours recette (on pourrait classer le sujet sur l’inceste et l’orientation sexuelle et leurs pénalisations dans cette catégorie), tout comme les sujets qui, naturellement, les études de marché semblent le confirmer, seront de toute façon lus par le plus grand nombre. Il faut donc faire le tri. Ce que la presse traditionnelle a d’abord tenté de faire, avant de s’en lasser ou de mettre Twitter en avant (en sus, ce n’est pas un support vraiment concurrent).

On en arrive à ce que, de la presse citoyenne, la traditionnelle ne relaye que « ses » blogue-noteurs, « ses » bonnes chroniqueuses. Un peu comme on ne sollicite plus des entretiens qu’aux mêmes (ce fut le cas du Dr. Dubec), les conformes, ceux qui ont compris le système, lâchent au bon moment la bonne petite phrase, ont compris les contraintes du studio (et finissent par passer parfois, comme Liebig, nouveau con lui-même avoué, de l’autre côté du micro). C’est ce qui se produit avec Marianne2. Cela répond à une logique d’efficacité qui n’est souvent autre que celle imposée aussi par la facilité. Banalités certes, mais nécessaires rappels. Car le risque est d’en arriver insidieusement, comme paraît le démontrer au fil du temps le collectif de Wikipedia, à préférer se tromper avec tout le monde ou les référents obligés plutôt que d’avoir raison seul : grégarisme et facilité passent bientôt pour fatalité.

À 60 mots de moyenne dactylographique, dans le genre « mon for intérieur se couche plus vite sur le papier que mon ombre me reflète », je n’évite pas les redites, ni bien sûr les approximations hâtives, abusives (sans évoquer les coquilles). Brouillons et manuscrits raturés valent parfois mieux que textes bien léchés, il y a des universitaires pour en faire la démonstration. Je n’ai pas cette prétention. Mais mon petit doigt me dit aussi que les textes restés bruts, mal ficelés, qui caractérisent parfois la presse citoyenne ou alternative, fort éloignés de l’antijournalisme per se (sorte d’artisanat pour l’artisanat), sont précieux. Bien davantage que spécieux, ce pour quoi ils passent parfois.
Le mode de fonctionnement d’Agoravox (et de Come4News, donc… et même donc !) est perfectible. Celui du Post.fr, souhaité tout autant perfectible par ses financiers, mais à l’inverse (soit selon une formule pré-établie, un moule correspondant à ce que dicté rentable), n’est pas forcément à rejeter techniquement. Y compris en se résignant à certains de ses effets pervers, les mineurs, les moins nuisibles. En revanche, ne nous entretenons-pas dans l’illusion que se rapprocher au plus près du goût, de l’odeur, du Canada Dry de la presse (même différente) va changer en mieux la donne.

Cela ne suppose pas qu’un modèle idéal s’imposerait et soit servilement repris. Plusieurs, contrastés, peuvent s’épanouir. Sans doute moins de mille (fleurs maoïstes, pour qui se souvient du slogan rabâché un temps). Il reste des soldats Manning à sauver (voir sur Come4News et Google). C’est long, la pente est rude comme disait Raffarin, le changement ne se décrète pas comme l’estiment, après tant d’autres (Bensaïd, Besancenot… voire Darwin), nombre d’entre les plus lucides quant à l’avenir de la presse citoyenne. C’est pourquoi je vais poubelliser le courriel d’Agoravox sans réserver le même sort au site, qui ne sera pas exclu de ma liste de liens. Que toutes celles et ceux dont le bébé semble noyé dans les eaux de Come4News ne prennent pas ce site et d’autres pour l’eau du bain. Encore un effort pour un développement durable.