Tiens, Le Monde a « brûlé » Mediapart sur l’affaire Tapie, et ce dernier revient longuement, et sous la plume d’Edwy Plenel, sur le gouvernemental de l’affaire Cahuzac. Il y a quand même une légère différence : si « le pouvoir a quelque chose à cacher sous les incohérences de sa gestion de l’affaire Cahuzac » (c’est assorti d’un point d’interrogation purement formel), l’ancien pouvoir est désormais tout nu dans l’affaire Tapie. On ne voit plus du tout comment éviter d’écrire que Nicolas Sarkozy pilotait les manœuvriers du fameux arbitrage.
Alors que Mediapart, avec son insistance coutumière, était en pointe sur l’affaire Tapie, c’est Le Monde qui a bénéficié de la communication d’éléments de l’enquête et porte l’estoc fatal à la crédibilité de tous les protagonistes. Dont un ancien ministre des Finances, Nicolas Sarkozy.
Techniquement, il devient très clair que l’ancien magistrat Pierre Estoup était de mèche avec Bernard Tapie, et ce par l’intermédiaire de l’avocat de ce dernier, Me Maurice Lantourne. Inutile de s’attarder sur les détails… mais il semble bien aussi que Jean-Denis Bredin et Pierre Mazeaud aient pu toucher de copieux honoraires en sachant très bien qu’ils devraient cosigner la décision de Pierre Estoup, à l’issue d’une partie jouée d’avance.
De ce point de vue, Le Monde ne fait que confirmer, en approfondissant à peine, ce qu’avait établi Mediapart. Là où le quotidien « du soir » marque des points, c’est en révélant les prouesses épistolaires de Bernard Tapie. Avec son aplomb habituel, ce dernier avait déclaré n’avoir aucun contact ou interlocuteur parmi des ministres, directeurs de cabinets, présidents de la République.
Dès septembre 2004, il écrit à Guéant, alors directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy aux Finances, qu’il espérait « aboutir au résultat escompté par le ministre et vous-même. ». En octobre 2005, Nanard demande par écrit à Guéant que « Nicolas parle à son collègue de Bercy » (celui du Budget). Inutile de faire ici état des multiples autres courriers, dont dix sont adressés à des proches de Nicolas Sarkozy : Patrick Ouart, Brice Hortefeux, Claude Guéant. On imagine sans peine qu’Éric Woerth et Christine Lagarde ont reçu ensuite les instructions et modes opératoires.
Histoire peut-être de prendre des gants, Le Monde consacre son éditorial à la crise tunisienne.
Mediapart enfonce un autre clou : comment croire que Claude Bartolone, président de l’Assemblée, ait pu lui intimer de cesser de s’en prendre à un homme auquel il n’y a « rien à lui reprocher », le 11 février dernier, sans que cette déclaration ait été concertée ?
On se souvient que la réponse de Mediapart a été d’interpeller la magistrature. Ce « signalement explicite auprès du procureur » sera effectivement déterminant. Cela étant, soutenir que François Hollande et Jean-Marc Ayrault aient demandé à Pierre Moscovici de faire une démarche parallèle à l’action de la justice auprès de la Suisse, n’ait sans doute pas exagéré. En déduire qu’ils auraient intimé au ministre des Finances de se débrouiller pour sauver la tête de Jérôme Cahuzac relève du procès d’intention. Edwy Plenel, sans doute relu collectivement, s’en préserve.
Mais il suppute que l’Élysée et Matignon veulent épargner à Cahuzac de se voir poursuivi pour faux témoignage sous serment. Admettons en tout cas que la chancellerie – qui n’intervient plus auprès des parquets sur des affaires particulières – ne semble pas vouloir se mobiliser sur ce point. On ne saurait le lui reprocher.
Oui, peut-être, comme le soutient Plenel et Mediapart, il y a-t-il eu une faute politique en se refusant « à trancher dans le vif » dès les premières révélations, en décembre. Mais comment prévoir les réactions d’un Cahuzac prié de démissionner ? D’ailleurs, comment prévoir les réactions d’un Woerth sommé de faire de même dès qu’il a fuité qu’il avait fait embaucher sa femme auprès de Liliane Bettencourt, évadée fiscale de premier choix ? D’ailleurs, Copé fait-il démissionner les Tabarot à Paris et dans les Alpes-Maritimes ? Dans cette dernière affaire, qui pourrait gêner très fort l’UMP, un élu PS de la région confie à Mediapart : « Si on insiste trop sur l’affaire, ce sera contre-productif. Michèle Tabarot joue les victimes et les gens adorent les victimes. ».
On se demande d’ailleurs quelles auraient été les réactions à droite si le très populaire copain de Woerth avait été débarqué sans ménagement et précipitamment… Il faut quand même se remémorer les propos d’un Debré – et de bien d’autres à droite – sur l’affaire Cahuzac et sur Mediapart.
Mediapart ne s’intéresse pas à cette question. Pourquoi ? Edwy Plenel en dit trop ou pas assez. A-t-il, comme cela se murmure, évoqué avec François Hollande (ou un très proche du président), le fameux Marc D., incidemment mentionné dans ses colonnes comme étant un employé de la filiale d’UBS à Singapour ? On ne sait toujours pas la teneur de ses informations communiquées à Mediapart. On comprend fort bien que l’identité de cette source doive être préservée, moins que les possibles recoupements que son témoigne pouvait apporter n’aient jamais été portés à la connaissance des lecteurs. S’il y a bien eu témoignage. François Bonnet signalait : « Nous avons même identifié le gestionnaire à Singapour de ce transfert, Marc D., également employé d’UBS. ».
Ce fut longtemps, dans l’attente de l’authentification de la bande-son, et en dépit des fortes présomptions qui pesaient sur Cahuzac du fait d’autres éléments, le seul fait tangible, irréfutable, patent. Mais identifier un intermédiaire n’est pas détenir des informations, comme par exemple un montant à la virgule près, un numéro de compte, une date d’effet de transfert, &c.
Edwy Plenel ne dit pas s’il avait été en mesure de faire savoir à la présidence ou à Matignon que l’enquête était tellement béton que la faute politique deviendrait flagrante.
Pour Mediapart, il y a aussi du grain à moudre en s’attelant à toutes les interventions de Cahuzac en faveur de tel ou tel, particulier ou secteur, depuis sa nomination à la tête de la commission des finances de l’Assemblée. Certes, ce n’est pas facile, ni aisé à expliciter, beaucoup moins spectaculaire qu’une mise en cause directe de l’Élysée ou de Matignon. Mais il y aurait de quoi éclairer le public sur le fonctionnement réel du, des pouvoirs.
Et puis, au fait, qu’est-il advenu des sommes rapatriées par Cahuzac de Singapour ? Les biens de Tapie sont gelés, qu’en est-il de ceux des époux Cahuzac (saisis, paraît-il, à titre conservatoire, le 16 mai dernier) ?
Dans l’affaire Tapie, l’intéressé rétorque qu’aucun des courriers mentionnés par Le Monde n’ont été retrouvés chez leurs destinataires. C’est donc qu’ils n’auraient jamais été expédiés, qu’il ne s’agissait que de projets. Cela fera un beau titre pour La Provence. Laquelle s’intéresse davantage au conseiller général PS d’Aix, Alexandre Medvedowsky, dans le cadre des affaires des Marseillais Guérini. Une nouvelle procédure le vise en raison des marchés dont a bénéficié sa société de sécurité privée, moins disante et pourtant attributaire du gardiennage de l’Europôle de l’Arbois.
Bizarrement, mais en cette saison, tout est bon à prendre, La Provence donne l’occasion à une avocate fiscaliste, Marion Sieraczek-Laporte, épouse de l’ex-rugbyman devenu sélectionneur, de faire la promotion de son livre Exilés fiscaux : tabous, fantasmes et vérités. Elle a « voulu donner la parole aux exilés ». Il semble que les cas de Bernard Tapie et de son fils n’aient pas retenu son attention…
C’est un peu dommage. Le barreau de Paris n’intègre plus quasi-automatiquement les anciens ministres en son sein, comme le fut Rachida Dati. On aurait adoré voir Bernard Tapie prendre pour avocat Jérôme Cahuzac. Bah, en tant que conseil, peut-être…
Mais dans l’affaire Cahuzac et ses ramifications en affaire d’Etat, la justice et la presse, surtout Médiapart qui a lancé l’affaire Cahuzac et qui devrait enfoncer le clou…, sont trop silencieuses sur les listes fournies par un banquier suisse concernant nombre d’actuels ministres possédant des comptes en banque en Suisse et particulièrement à la banque UBC…
Il ne faut pas faire d’éclaboussures et gommer tout ce qui peut être gênant ?