Marine Le Pen : euro faible et idées courtes

Représenter un espoir de changement, de bouleversement du jeu politique et institutionnel, soit. Encore qu’on puisse douter que les appuis financiers du Front national soient tellement enclins à des changements qui pourraient les endommager (ce qui vaut pour tous les partis). Mais balancer ce qui frôle la contrevérité pour marquer un point dans les sondages, non ! En vantant la livre sterling, et surtout le forint, soit Marine Le Pen est fort peu informée, soit elle ment comme tant d’autres.

Coupe au carré et idées courtes ? Le Front national, par la voix de Marine Le Pen, vient ce vendredi de déclarer : « Le Royaume-Uni et l’ensemble des pays européens qui ont fait le choix de conserver leur monnaie nationale profitent aujourd’hui de ce choix judicieux, le choix de la raison… », soit celui de ne pas rejoindre l’Eurozone (si tant était qu’ils l’auraient pu).

Outre qu’elle aurait gagné à se demander ce qu’en pensaient l’extrême-droite grecque ou portugaise, voire encore l’Opus Dei espagnole, Marine Le Pen aurait bénéficié d’un peu de documentation préalable à ces fortes paroles.

Si tous les pays européens basculaient en portant au pouvoir des formations proches du FN, on peut parier sans risque qu’elles se concerteraient pour rétablir un mécanisme tel que le « serpent monétaire » (dispositif en vigueur de 1972 à 1978), mécanisme protecteur mais limité, qui conduisit le Royaume-Uni, en mai 1972, à y renoncer pour… dévaluer de près d’un tiers la valeur de la livre sterling en 1976.

Il était peut-être prématuré de faire entrer la Grèce dans la zone euro, mais ce n’est pas, en soi, la monnaie unique, qui a conduit à la crise actuelle.

En pleine crise actuelle, le président roumain, certes, comme je l’avais relevé, par effet d’annonce, au sortir d’une récente réunion avec Angela Merkel, a déclaré que le RON (le leu), était candidat à se fondre dans l’euro en 2015. Ce n’est pas gagné pour ce pays dont les emprunts, y compris ceux des particuliers, lourdement frappés par les décisions, non pas dictées par le FMI, mais par la droite et les possédants roumains, sont tous libellés en euros (alors que le taux du RON, avec lequel ils sont rétribués, fluctue au gré des volontés des marchés).

Le cours du forint

En Hongrie, le parti au pouvoir, le Fidesz (Union civique hongroise), est très proche des thèses du FN français. Le Fidesz en est réduit à rendre responsable le parti socialiste hongrois (MSZP) des crimes des communistes, pour « faire payer les responsables ». En fait pour tenter de renflouer l’État. La Hongrie a dû faire appel au FMI. Sans que le Carl Lang local (le chef de file du Jobbik, encore plus à droite, car si le FN était majoritaire, il trouverait toujours plus radical à droite que lui-même), ne puisse y redire grand’ chose. 100 000 euros, c’est à présent un milliard de forints, 100 HUF, c’est moins de 32 centimes d’euros…

La Magyar Nemzeti Bank (banque centrale, MNB) recycle les vieux billets en briques pour le chauffage dans des poêles à charbon ou à bois. Le forint a dévissé puis a été dévalué et les billets de 200 forints remplacés par des pièces.

Je ne sais plus quel UMP avait déclaré, histoire de discréditer Marine Le Pen, que, si la France en revenait au franc, il faudrait une charrette de billets pour aller faire un plein d’essence. Ah, si, c’était l’ineffableBruno Le Maire.

Il ne faut rien exagérer, ni dans un sens, ni dans un autre, mais Marine Le Pen serait bien avisée de consulter Le Courrier des Balkans, pour ne pas confondre les devises européennes de l’UE avec la couronne suédoise (la Suède est état membre de l’UE depuis 1995), tandis qu’effectivement, la comparaison, toutes proportions gardées, avec la livre sterling, s’impose. Autre bonne lecture, gratuite, JFB (.hu), « toute l’actualité hongroise en français », rubrique Économie.

Si la Macédoine et la Serbie veulent rejoindre l’UE, ce n’est pas non plus pour rien. Non pas pour profiter d’aubaines, mais simplement pour se protéger.

Ah, à propos, cela date de ce vendredi matin : Moody’s vient de dégrader encore la Hongrie. Ses obligations sont considérées « pourries »

La livre s’apprécie, le Footsie décline

Certes, la livre s’apprécie, très légèrement, contre l’euro. Mais le débat feutré, à l’abri des oreilles indiscrètes, en Grande-Bretagne, porte sur l’adhésion du Royaume-Uni… à la zone euro.

Marine Le Pen ne doit certes pas détenir un compte épargne libellé en sterlings, au Royaume-Uni, hors Man ou îles anglo-normandes, elle devrait essayer (c’est légal, il suffit d’en déclarer les revenus au fisc français). Son épargne s’éroderait plus qu’ailleurs.

Certes, Cameron ne va pas plaider ouvertement pour que la livre rejoigne l’euro alors que Jacques Attali (entre autres) estime qu’il y a « une chance sur deux » pour que l’euro « ne passe pas Noël ».

Pascal Ordonneau, dans Les Échos, rappelle que « on a bien vu aussi, quand la livre sterling fût déboulonnée de son statut de monnaie de réserve, qu’il ne fût pas possible au Gouvernement anglais de mener en même temps une défense de sa parité et de mener une politique économique autonome appuyée sur la liberté de circulation des capitaux. ».

Car la livre n’empêche pas le Footsie 100 (l’indice boursier) de s’enfoncer régulièrement depuis dix jours, comme l’ensemble des bourses européennes. La Commission a plus ou moins demandé à Cameron de choisir entre l’Europe et la City (notre article d’hier, « L’Eurozone ou la Libye du nord »).

Quoi qu’en puisse penser Marine Le Pen, le Royaume-Uni n’est pas en meilleure posture grâce à sa monnaie que d’autres pays européens de la zone euro. Le choix entre plus d’Europe et moins d’Europe se pose d’une manière cruciale aux Britanniques. Comme à tous. Mais il n’est pas du tout sûr que la porte de sortie la plus adéquate soit de revenir aux monnaies nationales.

En tout cas, certains arguments simplistes, en une telle période cruciale, ne sont plus de mise… Il est grand temps d’éclairer autrement les choix des Françaises et des Français, et cesser de faire du Sarkozy ou du contre-Sarkozy à l’emporte-euro.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

9 réflexions sur « Marine Le Pen : euro faible et idées courtes »

  1. Tout le monde fait des raccourcis simplistes . Vous en faite en mettant
    dans le meme sac tous les extremes-droites ensembles , et MLP avec .
    L’euro est une construction des peres de l’europe . Ils avaient sans doutes des idees humanistes , mais etaient nuls en economie . Faire fonctionner des pays avec une monnaie unique et des economies incompatibles est une enorme connerie , que nous payons . Et , afin de ne pas se dejuger , les dirigeants actuels pensent que la fuite en avant du federalisme est la solution .
    Les commusistes disaient la meme chose devant la faillite du systeme : s’il ne fonctionne pas c’est qu’il n’y a pas assez de communisme !!!!!
    Heureusement de plus en plus d’economistes , se deintoxiquent des idées toutes faites que vous repetez sans arret (pas de vie sans euro) et commencent a reflechir d’une maniere independante .
    Rq : une solution intelligente apparait : sortie de l’Allemagne de l’euro . Devaluation de l’euro pour les 16 pays restants . Reconstruction des economies et reintroduction de l’allemagne dans qq années …

  2. Vous faites encore partie de ces gens qui se plantent sur tout depuis années et qui viennent encore ramener leur science; Marine le Pen ou pas, votre crédibilité est proche du zéro, ça c’est un fait certain!

  3. Y a deux courants de pensée en faite, le premier par les economistes made is systeme pour reprendre une expression utiliser par les le Pen et Melenchon, les memes qui n avait pas vu la crise de 2008 arriver et ce sont encore les memes qui soutiennent que l Euro c est super, au passage cité Attali c est juste magnifique relire le rapport Attali notamment ces savoureux passages sur la santé de l espagne et de la grece, juste enorme. la trompette de la decennie cet attali, et il arrive toujours a squatter chaque gouvernement incroyable, le mal qu aura fais cet homme a la France.
    Et l autre vision, celle des economistes qui avait predit avec exactitute la crise de 2008, certains d ailleurs prix nobel d economie, qui eux preconisent une sortie de l euro, et je parle pas de nazis ou je sais pas quel cliches .
    d un cote bfm bussiness et Jean marc sylvester de l autre des prix nobels d economie, qui a vu juste …

  4. Je veux bien tout ce qu’on veut, Max59 ou d’autres, mais je lis, dans un quotidien britannique plutôt proche du gouvernement actuel :
    « [i]George Osborne will warn Britain has no alternative but to face another six years of savage cuts to wipe out its structural debt.[/i] »
    Read more: http://www.dailymail.co.uk/news/article-2066711/Osborne-cap-rail-fares-ease-squeeze-hard-pressed-families.html#ixzz1eu6vm5L2
    Le métro de Londres est l’un des plus chers d’Europe (et au-delà), et l’abonnement n’est guère meilleur marché que l’achat individuel (sauf si, vraiment, on travaille six ou sept jours sur sept).
    Et or donc : « commuters still face an eye-watering 6.2 per cent rise because inflation was running at 5.2 per cent in August when the benchmark was set. ». Il était question de 9,2 % d’augmentation, ramenée à 5,2.
    Alors bien sûr, il se trouve un conservateur pour plaider un démantèlement de l’euro (la moins pire des solutions de sortie de crise, selon lui) :
    « [i]John Redwood calls on David Cameron to support an orderly break-up of the euro as the[/i] ‘least worst’ [i]solution to the deepening crisis[/i]. »
    Et il cite les 16 pays qui ont abandonné le rouble pour battre leur propre monnaie.
    D’accord, dont trois candidats à l’euro, notamment.
    Mais il y a évidemment des opinions fort contraires :
    « Britain should avert the risk of the euro collapsing by saying that, along with the rest of the G20, we will contribute to a European monetary fund, conditional on Germany making a hefty contribution and lifting its prohibition on the European Central Bank buying euro debt. » (soit, plus ou moins, la solution française rejetée par l’Allemagne).
    Wolfgang Schaeuble (min. des Finances, All.) a plus ou moins dit à l’adresse de Cameron qu’il faudrait soit que la G.-B. rejoigne l’euro, soit qu’elle quitte l’Union européenne.
    Ok, la France revient au franc, quitte l’Europe, et l’argent des impôts va dans les paradis fiscaux britanniques (je sais, c’est très réducteur, c’est du niveau de certains arguments de… bon, n’en rajoutons pas).
    Le risque : l’Allemagne forme une zone « markeuro », en quelque sorte.
    Bien restreinte aux économies les plus performantes sur le continent (hors France, donc, aussi désindustrialisée que l’est à présent la G.-B.).
    Je crains dans ce cas que le sort de la livre et du franc soit très précaire.
    Mais bon, tout le monde peut se tromper, moi de même…
    Mais le yaka-faukon revienne au franc, sans argumentation sérieuse, me semble franchement léger. Cocorico d’accord, mais quel est le niveau du tas de fumier sur lequel le coq FN veut chanter ?

  5. L’éditorial du [i]Telegraph[/i] (journal plutôt conservateur) :
    « [i]If even Berlin is struggling to fund itself, then it might not be long before the markets come for the UK, too[/i]. (…) [i]The fact that we have retained our own currency, eliminating the risk of default that plagues the eurozone, provides only partial protection.[/i] ».
    Ce qui veut dire en clair : pouvoir faire tourner la planche à billets ne sera qu’un bouclier peu protecteur.
    Préconisation du [i]Telegraph[/i], réduire fortement les prestations sociales (toutes) et accorder des réductions fiscales importantes aux employeurs, aux entrepreneurs.
    Déclarer la France en faillite, dévaluer fortement le franc, soit qu’un franc ne vaille plus 6,55957 « marks » (ou euromarks, comme il plaira), soit qu’il faudra dix francs pour obtenir un euro, serait censé doper les exportations. Oui, sauf que pour exporter, le peu qu’on peut exporter, il faut aussi importer (même pour produire du blé, on importe, car on ne le porte plus au moulin en charrette à chevaux). Le gaz vient aussi de Russie et les Russes ne sont pas tendres avec leurs débiteurs.
    De toute façon, le retour au franc, cela ne risque guère que ce soit Marine Le Pen qui le décide : cela risque d’être imposé avant l’élection présidentielle (sans compter que, lors des législatives, si elle était élue, elle risque fort de se retrouver en cohabitation).
    Il ne faut pas oublier que pour produire, il faut disposer d’infrastructures (déjà en partie aux mains du privé, y compris les réseaux), et de moyens de production. Relever ses manches ne suffit pas. En tout cas, pas avant fort longtemps.
    Le seul bien dispo que détient encore l’État, c’est des forêts domaniales.

  6. Pour Henrico : franchement, je n’en sais rien. Une certitude : je n’en ai pas pris connaissance et de ce fait, ce n’est pas moi qui les aurait supprimés.
    Hormis les refaire, je n’ai pas de solution à proposer.

  7. Patrick Devedjian planifie la relance avec une banquière de Goldman Sachs !
    [url]http://zebuzzeo.blogspot.com/2011/12/ump-patrick-devedjian-planifie-la.html[/url]

    alors marine Le Pen ça sert à faire peur aux grands enfants des « années tonton » (les années fric TAPIE ETC…).

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