Marie Candoe ou… la « lesbienne-conseil » pour toutes et tous…

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Elle est en passe de devenir la « lesbienne (médiatique) de service ». Ce qui ne la résume absolument pas. Mais après avoir publié un Osez les conseils d’une lesbienne pour faire l’amour à une femme, la meilleure vente du moment (mars-avril 2009) de la collection « Osez » de sa maison d’édition, La Musardine, Marie Candoe est devenue emblématique. Symbole de la lesbienne pur jus mais néanmoins homo-amicale, voire nouvelle « icône » de la féministe hédoniste fabriquée en France, Marie Candoe est surtout du genre, décomplexé, des… Marie Candoe ! Elle n’en reste pas moins unique, et précieuse. Et sa conversation en témoigne…


Marie – c’est son vrai prénom – s’est faite un nom, Candoe, qui a eu instantanément plus de succès que celui sous lequel, à 18 ans, elle publiait un premier recueil de poèmes. Diplômée d’une école de journalisme, elle a abordé cette carrière sans vraiment chercher à devenir une signature en vue. Pour l’anonymat, c’est raté depuis son Osez les conseils d’une lesbienne pour faire l’amour à une femme, livre qui s’écarte un peu de la veine manuéliste de la collection puisque les positions (illustrées) commentées ne forment pas l’essentiel de l’ouvrage. Marie s’adresse à toutes et tous, comme s’il s’agissait de son cercle de connaissances, composé d’amis gays et hétéros, d’amies lesbiennes ou bi, de copines aux orientations diverses. En fait, les femmes hétéros ne sachant comment expliquer certaines de leurs attentes et désirant communiquer autrement avec leurs partenaires trouveront chez elle de quoi formuler  judicieusement leurs desiderata. Et aux dires même de Marie Candoe, en réponse à une journaliste lui demandant si ses conseils ne revenaient pas à offrir aux hommes hétéros « de la confiture à des cochons », oui, les hétéros des deux sexes sont à même de les comprendre, voire de les appliquer. En tout cas, ce livre a trouvé son public, celui auquel l’auteur réservait ses confidences…

 

Jef Tombeur Comment en es-tu venue à écrire cet ouvrage et comment est-il reçu ?

Marie Candoe – C’était au départ une attente de copains : ils me demandaient des conseils. Or je m’aperçois que si les garçons apprécient beaucoup ce livre, (c’est du moins ce qu’ils me disent en venant m’en parler très librement lors de séances de signatures), les femmes l’achètent aussi volontiers. Pour elles-mêmes, qu’elles soient lesbiennes ou bi, achetant aussi pour des copains, mais aussi des hétéros qui veulent en savoir davantage ou faire mieux comprendre ce qu’elles veulent. Pour le reste, je ne suis pas dans le lit des lectrices et des lecteurs, mais je pense que ceux qui me disent qu’ils se sont servis de mon livre pour changer leurs habitudes sont sincères.

                Mon meilleur ami, un hétérosexuel, m’a confié avoir appris pas mal de choses. L’idée était de faire un guide sans prétention, pour contribuer à mieux se connaître, entre femmes, entre hommes et femmes, et pour soi-même. C’est peut-être un cliché facile, mais je considère que la femme, si elle se lâche, est sans doute plus hédoniste, plus sensuelle et jouisseuse que l’homme, en tout cas, en général.

JTCe que ce livre tente de favoriser, c’est donc surtout d’indiquer aux partenaires femmes ou hommes et femmes des pistes pour se mettre au diapason ?

MC – En tout cas, c’est ainsi qu’il est considéré par la plupart de celles et de ceux qui m’en parlent.

JTComment est né ce projet, d’un point de vue éditorial ?

MC – D’abord, j’avais la matière. Je suis entourée de beaucoup d’hommes et je ne sais comment, je me suis retrouvé dans le rôle du « meilleur copain » de beaucoup de bi ou d’hétérosexuels. Je me suis aussi retrouvée à prendre un verre avec une copine, Jane Hunt, qui a déjà fait deux livres dans cette collection de La Musardine (Ndlr. Osez… la masturbation féminine & Osez… la chasse à l’homme). J’avais envie d’écrire autre chose, hors de mes domaines habituels, et elle m’a mise en relation avec le directeur de la collection auquel j’ai soumis un synopsis. J’ai rendu six mois après la signature du contrat. J’ai voulu le faire en journaliste, prendre le temps de l’enquête, d’aller voir sur des sites, comme celui de Gay Vox (Ndlr. Gayvox.com), pour me confronter à des opinions d’autres lesbiennes, participer à d’autres forums, d’interroger des sexologues. Et puis, j’ai aussi rencontré Ovidie, autre auteur de La Musardine, la réalisatrice Maria Beatty, pour la partie sur le sadomasochisme,etc.

J’ai rédigé sans penser à réaliser d’abord un vrai manuel de savoir-faire. Il se trouve qu’on en a parfois fait un livre de chevet, mais pour moi la technique est secondaire. J’ai des copains beaucoup plus féminins que certaines de mes copines et je n’ai jamais ressenti les rapports entre hommes et femmes de manière aussi codée, tranchée, que la presse féminine, par exemple, les décrit en majorité. J’ai aussi pu faire ce livre parce que je vis depuis sept ans avec Sandrine et qu’on voit les choses de la même façon. Elle m’a encouragée, et c’est important.

JTParfois, la frontière est ténue entre bisexuelles et lesbiennes ; Beauvoir estimait qu’on ne nait pas femme, qu’on le devient, mais est-ce aussi réversible ?

MC – J’ai beaucoup d’amis hommes, j’ai eu des liaisons avec des hommes, mais je ne vivrais pas avec un homme, par exemple. Ce que je constate, c’est que le désir d’enfant fait occulter leur homosexualité ou leur bisexualité à beaucoup de femmes. Et que certaines deviennent lesbiennes après avoir eu des enfants. Mais la femme qui en quitte une autre pour revivre avec un homme, c’est très, très rare. De vraies bi, j’en connais, beaucoup plus chez les femmes que chez les hommes, d’ailleurs. Elles peuvent aussi bien envisager d’être avec des femmes que des hommes. Ce qui n’est pas le cas des lesbiennes, sauf exception. Je veux bien à la limite admettre que, chez les lesbiennes, il y aurait un phénomène militant qui occulterait le désir d’hommes. Pour certaines, je ferais désormais figure de « traitresse ». Ainsi, et c’était faux, car mon livre y est aussi en rayons, il m’avait été rapporté que la librairie Violette & Co (Ndlr. Violetteandco.com) ne proposait pas mon livre à la vente.

JTSans parler de « ghetto », peut-on parler, au moins à Paris, de « parcours lesbien », soit d’endroits et de carrefours de passage obligé, comme par exemple, autrefois, la discothèque Le Pulp pour les jeunes homo ou bisexuelles ?

MC – Il y a bien sûr des lieux militants, mais aussi, et de plus en plus, des lieux qui rassemblent des types de nanas désormais très différentes. Les lieux se sont spécialisés. Il y a aussi des phénomènes de girls bands, de groupes musicaux de filles, par exemple au Troisième Lieu, rue Quincampoix (Ndlr. letroisiemelieu.blog.anous.fr). Il y a des soirées pour des femmes plus jeunes, plus âgées, plus ou moins chic et friquées. C’est un milieu qui évolue. Par exemple, on rencontre moins de camionneuses, de femmes à l’aspect très masculin, genre loubarde, de la même manière que, chez les garçons, les folles se font plus rares. Peut-être parce que la revendication militante, voyante, spectaculaire, est moins ressentie comme nécessaire. Question soirées entre filles, il y a toujours le bar de Corinne, L’Unity. La boîte de nuit Chez Moune, à Pigalle, qui existe depuis 1936, a été reprise par une nouvelle direction, et ce n’est plus un lieu aussi exclusif. Il y avait des soirées filles dans un club échangiste, le Sultana, qui a fermé. On m’a aussi parlé de Chez Carmen, un bar de nuit gay et lesbien, proche des Grands Boulevards.

JTUne pratique qui m’a été décrite, celle, pour des bi ou des lesbiennes, d’avoir recours à un « homme-objet », passif, ou sommé d’exécuter ce qu’on lui demande, voire d’accepter de « dérouiller », d’être humilié, est absente du livre. C’est par autocensure ou parce que trop marginal ?

MC – Cela m’étonne. Je n’ai pas rencontré de nanas se « faisant » un mec de la sorte. Sinon, j’aurais évoqué le cas, ou cherché des renseignements, des témoignages. Ce qui est beaucoup plus fréquent, c’est les gens qui vous abordent pour vous proposer un plan à trois. Beaucoup d’hommes restent persuadés que, si nous sommes lesbiennes, ce serait parce qu’on n’aurait pas rencontré le bon. Ils n’ont vraiment rien compris. Se faire draguer de la sorte, c’est assez fréquent, et c’est fatigant. Un certain nombre d’homosexuels peuvent coucher avec n’importe qui. Deux vraies lesbiennes ne vont pas vraiment être attirées par un corps masculin, enfin, du moins, ce n’est plus du tout, si cela l’a jamais été, envisageable pour mes copines. En revanche, j’ai des copines lesbiennes qui adorent regarder certains types de vidéos de porno gay et qui ne regardent pas de pornos hétéros…

JTLe triolisme durable entre deux hommes et une femme, cohabitant parfois, est un cas de figure répertorié. Mais on n’a pas d’équivalent du mode Jules et Jim (le film de Truffaut avec Jeanne Moreau, Oskar Werner et Henri Serre) en Jeanne et Julie. Cela existe peut-être en version pluri-amoureuse, mais peu fusionnel. Pourquoi est-ce ainsi ?

MC – Le modèle de vie à trois entre deux femmes et un homme m’est effectivement inconnu. Cela tient peut-être au fait que les femmes sont en général très possessives, voire parfois jalouses au possible.

JTLes féministes que je labellise – faute de mieux – « hédonistes », par rapport notamment aux féministes traditionnelles ou, comme les étiquette un peu vite Peggy Sastre, auteure de Ex Utero, pour en finir avec le féminisme, les « officielles », et en particulier les abolitionnistes qui exigent l’éradication de la prostitution, semblent fortement s’opposer. Où vous situez-vous ?

MC – J’ai à me situer ? J’ai interviewé Virginie Despentes, qui avec Baise Moi ou King Kong Théorie semble symboliser ce courant du féminisme hédoniste. Je suis assez d’accord avec elle. Mais j’ai appris que j’appartenais, en entrant dans la quarantaine, à la première génération de Françaises pouvant seules décider d’ouvrir un compte en banque ou de pouvoir travailler sans avoir à demander la permission à un mari si j’en avais eu un. Le féminisme militant des années 1970 n’est certes pas à jeter aux orties. Il fallait en passer par là. L’histoire n’est pas finie, on verra…

 

Osez… les conseils d’une lesbienne pour faire l’amour à une femme, Candoe, Marie, La Musardine, Paris, fév. 2009, ISBN 9782842713041, 154 p., 8 euros.

Sommaire :

  • Où et comment rencontrer une femme
  • L'approche
  • Les préliminaires
  • Clitoris, masturbation et cunnilingus
  • La pénétration
  • Anulingus et sodomie
  • Les sextoys
  • Jeux et plaisirs plus extrêmes

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

2 réflexions sur « Marie Candoe ou… la « lesbienne-conseil » pour toutes et tous… »

  1. Mieux vaut lire « le meilleur des mondes » de Huxley décrivant la manipulation du peuple par une élite minoritaire à travers l’obsession entretenue du sexe.
    A travers cette seule représentation psychique, le peuple ne s’occupait évidemment plus de problème politique et laissait l’élite faire ce qu’elle voulait (guerre, trafic, crises bancaire et sanitaire…)

    Le rapport au sexe est dans la REALITE inversement proportionnel à l’abondance de la littérature ou de la presse en la matière (« comment être une chienne », « comment lui faire l’amour »…).

    TOUT LE MONDE EST APPELE, mais pas ELU, car le système a fait du sexe une relation cachée à l’argent et à la classe sociale.

    Le sexe, bien que tout le monde s’en défend, est dur d’accès pour la plupart des hommes qui sont les premières cibles de cette « excitation-frustration » organisée pour raisons de business.

    Quand aux femmes, elles sont les cibles privilégiées de la medecine-business de l’avortement, du cancer du sein et de l’utérus… Mais elles se crétinisent encore plus avec ce recul de la culture dans les couches populaires et la manipulation à travers les clichés.

    Car le VRAI SEXE est une question de fric, donc d’échelle sociale, pas de désir ni de séduction.
    Tout le monde a du désir en la matière. Or tout le monde rencontre des limites…
    Beaucoup peuvent espérer trouver chaussure à son pied.
    Or la norme est le retour de la misère sexuelle comme affective et financière (ouvriers sous l’angleterre victorienne).

    La frustration est la règle, car la maladie rapporte encore plus d’argent au système que la santé…

    Pour les frustrés, il reste l’éros center au coin de la rue… et la grande bouche pour se vanter d’avoir tout fait évidemment.

    Ce sont ceux qui en parle le moins qui le font le plus…

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