Mano Solo est mort, fini les chansons, je suis triste pour moi.

Parce que je ne m’ennuyais jamais quand je t’écoutais, je découvrais toujours quelque chose. Je n’ai écouté que les trois premiers albums. Après j’étais fâché, je n’ai pas trouvé la suite moins bien, mais j’étais gêné de l’écouter. 

Pourquoi ? parce que tu disais que tu en avais marre d’être le chanteur du Sida, tu avais même fait un show dans lequel tu te plaquais un splatch représentant le sida. Tu disais que les gens t’aimais parce que tu mourrais à leur place. Tu disais aussi que tu ne voulais plus être triste …

J’ai respecté ta volonté et je n’ai donc écouté que le mano triste. J’ai aussi trouvé que tu crachais un peu dans la soupe parce que ton génie créatif, il venait aussi du Sida. C’est un fait (horrible certes) mais un fait quand même !

Contrairement à ce que tu crois (croyais, il va falloir s’y faire !), je ne t’aimais pas pour que tu meures à ma place (je n’ai pas le sida) mais pour la peinture de tes états d’âmes. Tu naviguais toujours entre mélancolie, fatigue, suicide et rage de vivre… et c’était à la fois puissant, débordant d’images et beau : Quand tu parles de la mort : "Alors elle te ramène chez toi titubant et elle te borde dans ton lit froid et elle gèlera tes rêves pour que tu ne t’y noie pas, pas encore et tu sens ton corps flétrir et racornir sous le gel a mesure qu’à l’intérieur gonfle ton coeur. et encore une nuit a attendre, de savoir si tu tiendras les pressions à te demander pourquoi pas laisser béton …"

Ca c’est "les poissons" sûrement ma chanson préférée et tellement à l’image de ton mariage avec la mort. Celle qui jouait avec toi comme un pêcheur joue avec un poisson. Le combat était perdu d’avance, tu le savais bien, autant que celui des rameurs dans "la barre est dure" et dans "joseph sous la pluie" mais comme tu dis ailleurs : "rien que la beauté du geste te donne raison sur ce que tu détestes". Les journaux disent que tu as lutté avant de partir, c’était écrit dans tes chansons, tu as toujours lutté contre la marée et le courant qui t’entraînaient.

J’aurais voulu t’interroger sur tes chansons, dans "je reviens", la nouvelle terre, c’est "post mortem" ou "post orgasm". Dans le dessin de "c’est pas du gâteau" est ce que le mort exhale bien ce que je crois … c’est à dire le mot sida ? je me demande si tout ce que tu as écris et dessiné, tu l’as pensé ou si c’est de l’écriture automatique.

Je ne le saurai jamais, je ne crois pas que je te verrai au paradis (tu sais celui qui n’existe pas). Jouons quand même … S’il y en avait un, je te verrais bien avec Brel, Rimbaud et Apollinaire et Chateaubriand (même si il était de droite et que j’aime pas la droite). Je ne vois pas brassens avec vous (Il manquait de puissance !). Tu vas rester dans l’histoire, en tout cas dans la mienne.