"Le gouvernement annonce un projet de loi qui sanctionnerait de radiation les chômeurs refusant une deuxième offre d'emploi au bout de six mois de chômage avec un salaire inférieur de 20% à leur ancien salaire, et au bout d'un an, avec un salaire inférieur de 40%. Cette offensive qui participe à la stigmatisation des chômeurs, comme s'ils étaient responsables de leur absence d'emploi, a deux buts : faire diminuer artificiellement le chiffre du chômage (déjà bien inférieur à la réalité), et peser à la baisse sur tous les salaires", écrivent dans un communiqué commun trois associations de chômeurs, AC!, APEIS et MNCP, qui appellent aujourd'hui à des manifestations nationales.
En stigmatisant la justification gouvernementale de son projet de loi, les fameuses 300 à 500 000 offres d'emploi non pourvues, comme une "manipulation grossière" : "Ce chiffre n'a aucune base statistique sérieuse. Il traduit simplement le fait qu'il faut un délai (environ un mois) pour qu'une offre soit satisfaite. Aussi, sur la base de 3,7 millions d'offres gérées par l'ANPE en 2007, il y a en permanence un volume d'offres de l'ordre de 300 000. Les présenter comme des emplois non pourvus, c'est tromper l'opinion publique."
L'économiste François Eymard-Duvernay, professeur à l'Université Paris X Nanterre, livre une analyse lumineuse de la situation dans un article publié par l'excellente revue Alternatives économiques, sous le titre de Sanctionner les chômeurs ou élargir leur espace de choix ? Extraits.
"La logique de l'assurance est bien loin. Celle-ci est dénoncée comme une logique «protectrice», alors qu'elle est de nature contractuelle : les salariés organisés collectivement s'assurent contre les risques du chômage, paient des cotisations et reçoivent en contrepartie une allocation lorsqu'ils n'ont plus d'emploi. En quoi cela est-il illégitime ? On pourrait d'ailleurs suspecter les mesures actuellement envisagées de rompre des contrats anciens : après tout, les chômeurs susceptibles d'être «sanctionnés» ont versé normalement leurs cotisations, dans un cadre juridique qui prévoyait des prestations en contrepartie. Dans une situation où l'on veut forcer la main des chômeurs pour leur faire accepter des emplois dont personne ne veut, il ne serait pas inutile de rappeler que la relation de travail est contractuelle, c'est-à-dire, suivant les plus élémentaires principes libéraux, conditionnée par l'accord des volontés des parties et en particulier celle du salarié. (…) Les syndicats et plusieurs observateurs ont critiqué fermement la pression exercée sur la personne en recherche d'emploi pour qu'elle accepte un salaire de plus en plus bas. Le gouvernement souhaiterait ainsi que, au bout de trois mois de chômage, elle ne puisse pas refuser deux offres correspondant à 95% de son salaire antérieur, à 80% de ce salaire au bout de six mois et équivalant à ses allocations chômage (soit 57% du salaire antérieur !) au bout d'un an. Plutôt qu'à résorber la frange des emplois mal payés, aux conditions de travail souvent dégradées, cette politique conduirait à les pérenniser en contraignant des personnes à les occuper. On renouerait ainsi avec les phases les plus sombres du capitalisme (…) La multiplication des travailleurs pauvres, nouvelle plaie des sociétés riches, est ainsi explicitement visée. La garantie d'un salaire minimum instaurée par le Smic n'arrête pas d'être détricotée. Après la «prime pour l'emploi» qui permet de proposer des durées hebdomadaires de travail et des rémunérations mensuelles faibles, le montant des allocations chômage deviendrait une sorte de norme salariale : tout employeur versant un salaire à ce niveau serait assuré d'avoir une main d'œuvre disponible, grâce à la pression exercée sur les chômeurs de longue durée. (…) Le salarié engage sa personne dans le travail. Cela suppose que le travail ait un sens pour lui, qu'il en ait une représentation positive : c'est un enseignement constant de l'anthropologie et de la sociologie du travail. Nier cette dimension conduit à un retour à une conception servile du travail. Le contrat de travail, forme juridique de la relation salariale dans toute société libre, doit impérativement recueillir la volonté du salarié. Le menacer de sanctions au cas où il refuserait une «offre valable d'emploi» ainsi définie est une atteinte grave à cette liberté fondamentale. (…) De nombreux travaux montrent que les conditions de travail deviennent de plus en plus problématiques, sous la pression de la concurrence. Ce critère semble absent de la définition des «offres valables». Quid des personnes, le plus souvent des femmes, qui doivent s'occuper seules d'un enfant et donc avoir des horaires compatibles ? Quid de tous les salariés qui refusent de se démolir physiquement et/ou psychologiquement au travail ? Quid des seniors, dont on se préoccupe actuellement, qui considèrent qu'après une longue vie de travail, ils ont le droit de refuser certains emplois ? (…) Une offre d'emploi n'est «valable» que si elle est aussi considérée comme telle par le co-contractant. Toute autre solution revient à le soumettre à une tutelle. (…) Est-il exagérément « libéral » de rappeler, dans la continuité de nombreux auteurs (dont Amartya Sen), que l'évaluation des situations doit prendre en compte la liberté laissée aux personnes, et pas seulement leurs revenus ?"
En cette matière comme en toute autre, ce gouvernement de classe fait la politique du patronat : "C’est manifestement le marronnier de la classe politique et du MEDEF, rappelle une autre auteure d'Alternatives Économiques, Carole Tuchszirer, docteur en économie des ressources humaines, dans un article titré L'offre valable d'emploi, l'éternel retour. A chaque renégociation de la convention d’assurance chômage, la question de l’offre valable d’emploi (OVE) refait surface avant même que l’on débatte du fond, c’est-à-dire de la façon dont on entend faire de l’assurance chômage un outil de gestion des transitions professionnelles. Rappelons que «l’offre valable d’emploi» avait déjà fait parler d’elle en 2000, à l’occasion de l’adoption du PARE (plan d’aide au retour à l’emploi). Le MEDEF avait dû rapidement reculer devant la ténacité du gouvernement de l’époque (Elisabeth Guigou en tête) qui, avec le soutien de la plupart des organisations syndicales, avait brandi la menace d’un refus d’agrément de la convention d’assurance-chômage." La différence avec aujourd'hui, c'est que le MEDEF règne en Sarkozie.
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Moi je ne suis pas choqué par le fait que l’on presse certaines personnes de se remettre au travail.
Après c’est vrai qu’il faut juger des situations.
Une personne de 50 ans dans une région sinistrée n’est pas dans la même situation qu’une personne plus jeune dans une région où il y a du travail.
Il ne faut pas oublier que toutes les personnes qui sont assistées privent les autres d’une partie de leurs ressources.
Il ne faut pas confondre chômage et vacances.
Il y a 25 ans lorsque j’ai commencé à travailler, j’ai fait la connaissance d’un gars très sympathique. A l’époque, il ne travaillait que de façon saisonnière, un mois à Noël et deux mois pendant les grandes vacances. Le restant du temps il était au chômage et ne faisait rien.
Je trouvais cela très bien et j’avais envie de faire la même chose. Ce n’était pourtant les valeurs que mes parents m’avaient transmis.
Heureusement je n’ai pas adopté ce mode de vie que je qualifierais maintenant de parasite.
forcer les chomeurs de tous ages à prendre les « bad jobs », comme disent les Anglais, les emplois précaires, mal payés, avec des conditions de travail difficiles. Dans la mesure où le projet isole la sanction de toute mesure positive d’aide au retour à l’emploi, il ne reste que la menace. on exerce une pression financière sur les chômeurs et ils seront obligés d’accepter ces emplois . Il s’agit bel et bien du but du gouvernement, qui ne peut être affiché comme tel.