J’avais 21 ans, et c’était mon premier Poste d’Enseignante ! 

Nommée dans un Lycée technique à Douai, (NORD) depuis la rentrée de septembre 67,  j’étais  heureuse, puisque je pouvais « enfin » exercer  le métier que j’avais choisi, depuis que j’étais toute « petite » .  

Pas impressionnée du tout, par l’âge de mes élèves, parfois aussi « vieux » que moi !

Bref, la vie professionnelle s’annonçait sous de beaux hospices !

C’était le temps du plein emploi et juste sortie de mes études, je pouvais enseigner, sans avoir à chercher un poste, bien loin de mon domicile, en temps qu’auxiliaire, bien sûr, puisque je prenais encore des cours en faculté, à Lille, pour devenir titulaire de mon Poste. 

 

« C’était un temps que les moins de 20 ans, ne peuvent pas connaître », nous chantait Aznavour à cette époque 

 

 Les vacances de Pâques passées, ce dernier trimestre, prélude aux examens de juin, s’annonçait studieux, pour « tout le monde ».  

En juin, le « BAC » pour mes élèves, et pour….moi ! Puisque c’était la première fois que l’on me confiait une « mission » aussi importante : conduire 35 élèves vers ce passage obligé pour entamer des Etudes Supérieures ! 

 

Début Mai le Journal télévisé, nous disait bien qu’il y avait des manifestations d’étudiants, à Paris, mouvements de grogne, typiquement parisien, nous sommes nous dits, puis ce fut au tour des Facultés de Lille, et là, on commençait à s’inquiéter, mais en Lycée, jamais on n’avait vu de grèves parmi  les élèves…. Alors !!!!!   

Vers le 8 ou 9 mai, les choses se sont gâtées, nos élèves ne voulaient plus entrer dans le lycée, remontés par des étudiants de l’Ecole des Mines, toute proche.

 Mes collègues, et moi continuions, à nous rendre dans l’Etablissement Scolaire.  Nous rentrions dans nos salles de classes, sans élèves, et en profitions pour corriger des copies, préparer les cours, ou papoter entre collègues, en nous disant, bof, demain, tout sera rentré dans l’ordre !

Que Nenni ! 

Au bout d’une semaine sans élèves, nous vîmes les ouvriers des usines avoisinantes, se mettre en grève également.

Je les vois encore assis au pied de l’entrée de leur usine, regroupés autour de leurs représentants syndicaux, qui les exhortaient a continuer la grève, aux cris de « les patrons au placard », des sous, des sous » . 

Devant les grilles du Lycée, le Proviseur, gardien de son Etablissement, regardait sans un mot, la foule de plus en plus dense des élèves, encadrés d’étudiants, excités, arrangants ces groupements de jeunes, au son de « l’Internationale. »  

Elèves qui ne pensaient qu’à une chose : « chouette, pas d’école, pas de leçons, ni de devoirs à rendre ! Sans jamais penser à l’examen qui les attendaient fin Juin : le fameux BAC, qui à cette époque, avait encore valeur de Passeport vers des Etudes Supérieures. 

Puis les choses se sont précipitées : Paris en « révolution », les barricades, les jets de Pierre, les CRS, chargent les étudiants…..

Le mouvement en province s’intensifie, et un matin, entre mon domicile, et le Lycée, je reçois des pierres sur ma 2 CV, dont la capote en toile, se déchire, il pleut dans ma voiture !! 

 Devant les grilles du Lycée, juste une banderole «  Lycée FERME » 

Je rentre chez moi, sans avoir travaillé : serai-je payée ? Mais là n’est pas le plus grave, « et mes élèves, et le bac, en juin ??, mon programme n’est pas terminé ! 

Au retour, toujours les mêmes caillasses sur mon véhicule, et des insultes !!!!, une vitre de ma première « auto » (une occasion de 90 000 km) vient de voler en éclats. 

Le lendemain, tous les moyens de transport sont en grève également, vite, il faut faire le plein : l’essence va manquer, prend quelques jerricans, me crie mon père !  .

Puis je vois mes parents, mes voisins, qui ont connu la guerre, faire provision de sucre, de farine, de pates, d’huile ETC… ; 

Je sens la panique, tout autour de moi ! La peur me gagne, également, que faire de ces journées d’oisiveté, où la radio diffuse en continu des nouvelles alarmantes !! 

Paris, brule, le Général de Gaulle, part en Irlande, réfléchir au devenir de cette situation de crise jamais connue en France depuis la guerre 39 45. 

 

Fin juin, la vie a repris son cours « normal », les examens ont lieu, avec pour nous Professeurs, la consigne, d’être  «  particulièrement indulgents »  dans la notation. Cette année là il y eu, 98% de reçus au baccalauréat !!,

Pour une première expérience, 1968, m’a laissé  un goût amer ! 

J’ai passé moi aussi mon concours de titularisation en octobre 1968 !!!!!

Beaucoup plus tard  quand on me demandais : « en quelle année avez-vous été titularisée, et qu’il me fallait répondre, en 1968 , j’étais mal à l’aise, c’était l’année, ou « Tout le Monde » avait obtenu un diplôme 

Depuis, les années ont passé, je me suis épanouie, au contact des Milliers d’élèves qui m’ont enrichis de leur jeunesse, et m’ont souvent récompensée en réussissant leurs  examens !

 

 Alors, mai 68,  n’est plus qu’un souvenir lointain, ou le slogan «  Il est interdit d’interdire » résonne encore à mes oreilles, comme le début d’une permissivité,  qui lentement a détruit bien des règles de « bienséances » dans notre vie quotidienne !!! 

Sources : « mes souvenirs »,!  "un peu de musique", pour adoucir ces tristes souvenirs !!

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