Gustave Flaubert avait eu ce mot célèbre : « Madame Bovary, c'est moi ! ». Il est vrai qu'il avait passé presque cinq ans avec son personnage, le temps d'écrire ce chef-d'œuvre – qui allait lui valoir quelques ennuis avec la justice puisqu'il fut amené devant le tribunal, avec le gérant de La Revue de Paris et son imprimeur, pour répondre d'outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs. 1857, année de moralisation de la littérature : Baudelaire condamné pour Les Fleurs du mal, Flaubert acquitté, heureusement…
Madame Bovary nous accompagne donc depuis 152 ans. Les manuscrits successifs du roman, conservés à la Bibliothèque de Rouen, montrent l'immense travail entrepris par un écrivain perfectionniste qui, comme le disait quelqu'un d'autre, cent fois sur le métier remettait son ouvrage, jusqu'à approcher, voire atteindre, un idéal rêvé.
De ces versions successives, seuls les chercheurs pouvaient auparavant s'approcher. Rien de plus fragile qu'un manuscrit, témoignage unique de la fabrication d'une œuvre.
Puis vint Internet, qui a modifié en profondeur les conditions d'accès à un certain nombre de documents. Dont les manuscrits de Madame Bovary, aujourd'hui disponibles pour tous ceux qui désirent pénétrer dans l'atelier de Flaubert. Toutes les versions successives, du premier brouillon au texte final, sont désormais en ligne ici. Et il n'est pas besoin d'être un chercheur spécialisé dans la littérature du 19e siècle pour être ému devant les phrases écrites par Flaubert, raturées, réécrites, reprises et reprisées…
Tous les états du texte ont été transcrits dans une mise en page aussi proche que possible de l'original. (Mais il faut voir celui-ci pour apprécier les lignes qui montent de gauche à droite.) C'est, évidemment, beaucoup plus lisible que le manuscrit.
C'est aussi un fameux exemple. A une époque, la nôtre, où chacun croit pouvoir s'improviser écrivain, quitte à ne pas comprendre pourquoi le succès n'est pas ensuite au rendez-vous de la sortie d'un livre, il n'est pas inutile de prendre des leçons chez un maître de la littérature. De passer du temps sur les ajouts en marge. De mesurer l'écart immense entre un premier jet et une version définitive…
Oui, écrire, c'est du travail. Flaubert nous aide à le comprendre. Et, scrutant pendant des heures ses élans et ses remords, il sera possible de dire, pour avoir pénétré l'essence même de sa création : « Madame Bovary, c'est nous ! »
Bonsoir,
Ah, cette Emma! j’ai parcouru ces terres, mais pas lu son histoire (Oui, quelle honte!)
Promis, je m’y colle!
Merci pour cet article… et tous les autres. un régal de vous lire.
Bien cordialement.
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