Madagascar en panne d’E-gouvernance ?

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Madagascar est-elle en panne d'E-gouvernance ou de gouvernance tout court ? Est-ce le retour de la Françafrique à Antananarivo ? Même si la Grande Île est très spécifique et bien peu africaine, on peut se poser la question du rôle que la France des amis de Nicolas Sarközy joue encore  dans ce pays qui semble en panne, en attente d'une sortie de crise institutionnelle qui tarde, tarde, tarde. Pendant ce temps, les affaires continuent-elles ? Au profit de qui ?

La vie s'est-elle arrêtée à Madagascar depuis que le maire de sa capitale a chassé Marc Ravalomanana, président en exercice, des centres de décision ? Certes pas. Le président gouverne-t-il à distance ? À voir le site de la « dématérialisation » administrative, l'Agence de réalisation de l'E-gouvernance, les travaux semblent s'être arrêtés au 26 mars… 2008, dans un État en panne.
Réconciliation ou grignotage de terrain ?
Pour RFI, chaîne de plus en plus, comme TF1, sous contrôle (comme la plupart des médias français bientôt soumis à un Code de déontologie voulu par la présidence de la République), tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. «  Anciens ministres de Marc Ravalomanana ou actuels ministres de la Haute autorité de transition, figures connues ou théoriciens de l’ombre, médiateurs et observateurs, tout le monde avait répondu à l’invitation de l’Union européenne. ». C'était dimanche 10 mai, à la résidence de l'Union Européenne de la capitale malgache, et le représentant européen, Jean-Claude Boidin, se félicitait de la bonne ambiance devant les micros de RFI et d'autres.
Toutefois,  le chroniqueur de RFI concluait qu'au rythme actuel, « la transition ne sera toujours pas achevée lors de la prochaine journée de l'Europe, dans un an. ».
Pour le site Sobika, qui fait le lien entre les générations Malagasy de la diaspora et celles restées au pays, il est bien difficile de dire aux amis de France ou d'ailleurs, voire même de Madagascar, ce qui se produit réellement. Marc Ravalomanana avait été invité à la cérémonie de prise de pouvoir du président sud-africain, Zuma, mais on ne savait trop à quel titre. Et Sobika considérait que l'ancien président était « bloqué » hors du pays, l'autre « président » en détiendrait les pouvoirs mais non le titre.
En revanche, Sobika fait état d'une désorganisation qui profiterait à celles et ceux qui, dans l'ombre, s'en prendraient aux bénéficiaires supposés de l'ancien régime qui ne pourraient se défendre en s'appuyant sur des relations, des groupes plus ou moins armés. Pour l'anecdote, il était signalé que deux parents d'un Malgache sans couleur politique définie avaient été enlevées au prétexte qu'ils auraient été en contact avec l'ancienne présidence. Aucune nouvelle de l'une des victimes depuis deux semaines et l'autre aurait été libéré par des militaires « contre une très forte somme d'argent ».
Conclusion de l'éditorialiste de Sobika : l'urgence est « d'arrêter cette chasse aux sorcières ». Pour le reste, qui vivra, verra
Avant et après Sétif
Mai avait été marqué, en 1945 (le 8, à l'occasion d'un défilé d'anciens combattants kabyles et arabes), par les massacres de Sétif, en Algérie,  et en 1981, le 10, par l'accession au pouvoir de François Mitterand. Avant Sétif, il y avait eu des répressions sanglantes à Madagascar (expédition du cdt Gérard à Ambiky, par exemple), mais après, en 1947-1948, ce fut encore plus sanguinaire. Entre 12 000 et près de cent mille victimes malgaches et si l'Algérie a connu son général de Bollardière, il se trouva un commandant français pour protester contre ce qu'un haut-fonctionnaire qualifiera d'Ouradour à répétition. Après l'élection de Mitterrand, il y eut Papa-m'a-dit, Frédéric, et le retour aux méthodes de la Françafrique.
Il subsite à Madagascar un fort sentiment anti-français du fait des massacres mais aussi une amitié avec celles et ceux des Françaises et des Français qui pensent, comme l'a fait Albert Camus, qu'ils ne sont pas supérieurs aux peuples de Madagascar et que les moyens employés autrefois pour assurer une prétendue supériorité importent encore.
En revanche, l'amitié n'empêche pas la méfiance envers la France.
Pour le comprendre, on peut se reporter, pour l'histoire récente, à  la thèse de Hiarivelo « Mahatsangy » Randrianantoandro, Le Mouvement des Forces vives à Antananarivo – sociologie de la protestation collective à Madagascar (sociologie du pouvoir et de la mobilisation, déc. 2003, Paris-VII-Denis-Diderot). Tout au long des événements de 1991 qui porteront  Ravalomanana au pouvoir, les Malagaches se demandent quelle est la réelle attitude de la France, qui a soutenu son prédécesseur, Ratsikara, qui lui aussi fit tirer sur la foule. Devenu circonspect quant au devenir de son pays, l'auteur ne se prononce pas, à présent, ou sans vraiment prendre parti, sur les événements en cours. Toutefois, il m'avait signalé, sans le moindre commentaire, un article signé  JPD dans Le Petit Blanquiste .
 Les militaires pour Andry Rajoelina ?
Andry Rajeolina est souvent présenté comme un dirigeant pro-français puisqu'il s'était un temps réfugié à l'ambassade de France. Est-il vraiment « l'homme de la France » ? Les militaires le soutiennent-ils pour cette raison (ou simplement, pour profiter de la situation autant que possible, quitte à profiter de nouveau d'un retour au pouvoir de Ravalomanana ou de profiter des faveurs d'un troisième homme) ? Le Canard enchaîné fait valoir que le groupe Bolloré aurait été évincé de la gestion du port de Toamasina et que l'Europe a fortement, sous l'impulsion du président français, pesé pour que Total obtienne 60 % d'un gisement de pétrole lourd, celui de Bemolanga.
Le fait est que la situation n'est pas claire et que, parfois, on aurait tendance à s'en remettre à l'Agence Xinhua (Chine nouvelle) pour obtenir des informations fraîches.
Ce qui semble sûr, c'est que l'autorité de transition ne ménage pas ses critiques à l'égard des États-Unis. Ravalomanana avait retoqué le précédent ambassadeur de France, Monja Roindefo, proche de Rajeolina, dit de celui des États-Unis « il disait que les Américains vont partir (…). Trois mois plus tard, il est encore là. Personne ne l'oblige à rester. »
Pendant ce temps, Orange, l'opérateur de téléphonie, s'apprête à fortement marquer de sa présence la prochaine Foire internationale de Madagascar. Pendant les tractations en coulisses, les affaires continuent, ou reprennent, mais pour certains, ce ne serait plus business autant qu'usual. L'Union européenne, elle, est revenue en force et Imar, un groupe italien, s'intéresse à la production d'énergie à partir de la biomasse. 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

2 réflexions sur « Madagascar en panne d’E-gouvernance ? »

  1. Un journaliste traité « à la Coupat » à Mada…
    Le point de cette journée de lundi à Antananarivo par un site proche de l’ancien pouvoir…
    [url]http://www.topmada.com/2009/05/flash-infos-du-lundi-11-mai/[/url]

  2. This is great that people can get the loan moreover, this opens completely new possibilities.

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