Le 20 avril 2009, le chroniqueur judiciaire du Figaro signait un article totalement hors actualité qui fleurait bon la complaisance. Intulé « Les tourments d’un expert agréé par la Cour de cassation », il était consacré essentiellement au différent opposant l’expert psychiatre et essayiste mondain Michel Dubec à une certaine Brigitte B. Laquelle avait été condamnée, pour l’avoir « harcelé » à de la prison ferme… Nous publions ci-dessous le droit de réponse qu’elle vient d’adresser à la rédaction du Figaro.


Bien étrange article que celui de Stéphane Durand-Souffland, le principal chroniqueur judiciaire du Figaro. Tout d’abord, en corps de texte comme en légende de la photo, il mentionne une condamnation à « dix-huit mois de prison, dont huit ferme ». La prison « ferme », qui est un vocable jargonnant de journaliste (c’est plus simple à exprimer ainsi), n’est évidemment pas mentionnée dans le jugement (rendu par Martine, Isabelle Pulver, Aïda Traore, magistrates du siège, à l’issue de l’audience du 12 mars 2008, le ministère public étant représenté par Corinne Moreau). Il suffisait à notre estimé confrère du Figaro de se rendre au greffe (et de demander en particulier, si cela était possible, à Aurore Davy, présente à l’audience) pour vérifier les dires de Michel Dubec. Il aurait constaté que Brigitte Brami, car c’est d’elle qu’il s’agit, n’avait été condamnée qu’à quinze mois « d’emprisonnement » (il y a d’autres qualifications pour définir la détention) et 3 000 euros de dommages et intérêts. Dans sa grande mansuétude, le tribunal n’infligeait pas d’amende, se contentant des habituels 90 euros de « droit fixe de procédure ».

                    

Une peine insolite au regard des faits

Quinze mois, c’est seulement trois à huit de moins que ce qui est souvent infligé à des hommes violents se livrant à des voies de fait ou infligeant des coups et blessures à d’anciennes compagnes qu’ils harcèlent avec une formidable insistance, crevant les pneus de leur véhicule, se livrant à des scènes sur les lieux de travail ou de vie, &c. Il suffit de voir Michel Dubec (en photo sur Le Figaro) et de voir Brigitte Brami pour comprendre que les allégations relayées par Me Georges Kiejman (un ténor ami de Michel Dubec), faisant état d’agression physique de la part de la cliente du cabinet de Me Julie Noyal étaient fantaisistes au pire, assurément disproportionnées pour le moins… Brigitte Brami est une petite femme de très faible corpulence, qu’on ne peut cependant qualifier de malingre en français ou de « midget » en anglais, bien peu sportive, et qui, à la jeune quarantaine, n’est certes plus portée à faire le coup de poing si tant était qu’elle se soit jamais livrée à de vraies violences. Cependant, le tribunal a fait état de « violence aggravée par deux circonstances suivie d’une incapacité excédant pas huit jours. ». Ce qui est aussi allégué, c’est que Brigitte Brami aurait dénoncé son ancien psychiatre traitant au fisc, à la Sécurité sociale, au conseil de l’Ordre des médecins et à celui des experts. Pour les deux dernières instances, les faits sont patents, avérés, constants (non contestés par les parties), pour la CPAM, on accordera au tribunal le bénéfice du doute, mais pour le fisc… Plus d’un contribuable serait curieux de voir la ou les pièces fondant cette… opinion. Le fisc, tout comme les Douanes, est peu enclin à produire des lettres de dénonciation. Mais il ne s’agit pas, ici, de traiter de choses jugées, surtout si le délai d’appel est dépassé, ni de contester que Brigitte Brami ait pu avoir, à l’égard de Michel Dubec, une attitude qu’un autre psychiatre a pu qualifier de « délirante ». Il s’agit de relever que Brigitte Brami a bénéficié d’une levée d’écrou au bout de huit mois, que la présentation du Figaro est erronée, et on peut suggérer quelques possibilités d’explication.

 

Brigitte Brami n’est pas seule.

Si Brigitte Brami est éventuellement la seule patiente à avoir été brutalement, de son fait, privée de suivi par son psychiatre traitant, Michel Dubec, et à s’être livrée à des demandes insistantes et outrancières pour obtenir de lui des explications, elle est loin d’être la seule à avoir tenté d’obtenir du Conseil de l’Ordre des médecins qu’il se prononce. Elle est surtout loin d’être la seule ou le seul à s’interroger sur la nature exacte des expertises de Michel Dubec. Lequel, expert fort médiatique, ne voit pas toujours ses conclusions suivies par les tribunaux, loin de là. Michèle Loup, conseillère régionale de l’Île-de-France, s’était adressée à la Garde des Sceaux, Rachida Dati, pour protester contre les prises de position publiques de Michel Dubec. Notre confrère ne pouvait non plus ignorer que, du 2 au 4 mars derniers, Michel Dubec avait préféré laisser Jean-Claude Bossard soutenir les arguments qu’il avait développés dans l’affaire Pascau. Stéphane Pascau, partie civile dans l’affaire du meurtre (possiblement prémédité) de sa mère, avait eu à connaître des expertises de Michel Dubec disculpant l’assassin. « Le jury n’a été dupe de rien. L’accusé a été reconnu coupable et responsable, et condamné à cinq ans avec sursis et dix ans d’interdiction de séjour dans le département. Ceci peut paraître peu cher pour un assassinat, mais l’homme que l’on jugeait n’avait raisonnablement plus rien à faire en prison à 82 ans, ralenti et désormais handicapé, alors qu’il ne l’était pas au moment du crime. Nous avons nous-mêmes demandé à ce qu’on lui évite l’enfermement. » Ainsi s’exprime Stéphane Pascau. Un autre « expertisé » par Michel Dubec tente aussi, vainement, de faire valoir sa contradiction. Il fait état, en privé, de sa véritable « peur » qu’inspirerait Michel Dubec à qui se dresse sur sa route. C’est peut-être exagéré : Michel Dubec, physiquement, en dépit de sa prestance, ne fait peur à personne. Mais surtout, le fond de l’affaire est que Brigitte Brami a été soutenue dans sa critique du livre de Michel Dubec, Le Plaisir de tuer, co-rédigé avec la journaliste Chantal de Rudder (Seuil éditeur). Elle a été soutenue par des associations féministes, des médecins, des psychiatres, et par une pétition. On retrouvera facilement tous les éléments en ligne, sur l’Internet.

 

Étrange plaisir de susciter des cris

Que Michel Dubec éprouve, lors de rapports sexuels, du plaisir à obtenir « la défaveur de sa partenaire (…) à faire crier la femme, peu importe la nature de ses cris », est une chose. Il peut fort bien le penser. Il ne lui est cependant pas permis d’obtenir des cris d’une nature qui n’importerait pas hors d’une relation sadomasochiste entre adultes consentants. Il est surtout proche de l’insulte et de la diffamation, à l’égard des hommes n’ayant nullement le besoin ou l’envie de susciter des cris de douleur ou d’autre nature que ceux dus à un plaisir de leur partenaire, de s’exprimer de la sorte en s’autorisant de son autorité d’expert devant les tribunaux français. Mais ce n’est pas, ici, l’essentiel. Ce qui importe, c’est de comprendre la nature de l’article consacré à Michel Dubec par le chroniqueur judiciaire du Figaro. Il suffit de le consulter pour estimer, au plus proche de la mise en œuvre de moyens tendant à la meilleure objectivité possible, que cet article est laudateur, et totalement, des mois après les faits, hors d’actualité perceptible par le lectorat du Figaro. Pourquoi ?

 

Un échange de bons procédés ?

Parmi les chroniqueuses et chroniqueurs judiciaires ayant prudemment fait état de l’affaire Michel Dubec-Maurice Joffo, celles et ceux à n’avoir pas trouvé quelques moyens d’en minorer la portée défavorable à Michel Dubec sont rares. De mémoire, seul l’article d’Isabelle Horlans, de France Soir, sans doute l’un des quotidiens français désormais les moins lus (et c’est dommage) avec L’Humanité et La Croix (et c’est tout autant dommage), parait quelque peu susceptible de ne pas ménager Michel Dubec. Oh, la critique sous-jacente est bien faible, et il est possible qu’à trop vouloir lire entre les lignes, on se trompe.

Comme me le confiait un confrère spécialisé des affaires judiciaires tant au plan national qu’international, « tu comprends, Dubec se montre très sympa avec les journalistes, et il est généralement apprécié. ». Il est certain qu’un expert capable de fournir « la » ou « les » citation(s) qui feront mouche, structureront un article, voire fournissant un gros titre est pain béni pour le chroniqueur judiciaire. Lequel travaille dans l’urgence, est un familier des experts, des membres du barreau, de la magistrature : on s’ennuie beaucoup à attendre un jugement, on déjeune, voire dîne avec les experts, les avocats de la défense et de la partie civile, on copine avec l’escorte… Et parfois, si l’un ou l’autre est susceptible d’être un informateur privilégié, de vous livrer en douce une exclusivité, eh bien, on le « soigne », et c’est bien normal. Une fois l’exclusivité obtenue, une consœur, un confrère se chargera d’égratigner l’informateur s’il doit l’être, soit s’il le mérite. De même, pour les affaires de dopage dans le sport, la rédaction sportive sait à l’occasion se défausser sur les faits-diversiers. C’est le b-a-ba du métier qui, pour l’investigation, s’apparente (de loin, avec bien moins de moyens) à celui de détective privé. Mais il est tout simplement possible que Michel Dubec, qui jouit d’une forte notoriété, ait pu influencer naturellement, par sa faconde, Stéphane Durand-Soufflant, qui n’avait aucune raison de travestir la vérité. Faisant preuve d’une délicatesse certaine, Brigitte Brami s’abstient de relever l’inexactitude relative à sa condamnation. Des approximations de ce genre ne constituent certes pas une faute professionnelle, même vénielle, mais il est cependant bon que la lectrice ou le lecteur n’ait pas à rectifier « de soi-même », et qu’ils soient informés, ainsi que Stéphane Durant-Soufflant, de la nature exacte de la condamnation purgée par Brigitte Brami, libérée par anticipation pour conduite irréprochable en détention.

 

À vous de voir… voire d’agir !

L’actualité de cet article, ce serait, si j’étais mauvaise langue, d’anticiper sur les possibles réactions d’une chambre disciplinaire. Ce serait faire injure à ses membres, comme ce serait faire injure aux membres du tribunal ayant jugé Brigitte Brami, de dire qu’il suffirait d’un tel article pour les placer sous influence. Stéphane Durand-Soufflant le sait sans doute fort bien : son article n’a sans doute pas déplu à Michel Dubec, mais il ne lui sera d’aucune utilité devant une chambre disciplinaire. Cet élément ne sera sans doute ni cité, ni pris en compte d’aucune manière. De même, le droit de réponse de Brigitte Brami n’influencera pas une chambre disciplinaire. Mais une telle chambre peut-elle être influençable ? D’aucuns, dans l’affaire de la remontrance adressée au juge d’instruction de l’affaire d’Outreau ont pu le supputer. Ce ne sera pas, à l’égard de cette chambre disciplinaire, ici, ou ailleurs, de ma part, le cas. Chacun peut se fonder son opinion, conforter la pétition lancée par Brigitte Brami si, selon son intime conviction, cela semble s’imposer, ou à l’inverse soutenir Michel Dubec en lui apportant un témoignage de sympathie. Là n’est pas vraiment l’objet. Mais comme l’article de Michel Dubec a été parfois photocopié, transmis, et que le droit de réponse pourrait l’être bien moins, autant, ici, le reproduire…

 

« Dans un article intitulé "Les tourments d’un expert agrée par la Cour de cassation" publié dans votre édition du 20 avril 2009 dans la rubrique Société et signé par Monsieur Stéphane Durand-Souffland, Madame Brigitte B. est mise en cause. Étant aisément identifiable en raison des précisions fournies par l’article, je vous prie  de  bien  vouloir,  en  application  de  l’article  13 de  la loi du 29 juillet 1881, publier le texte suivant sans le modifier :

"Personnellement mise en cause dans un article intitulé "Les tourments d’un expert agréé par la Cour de cassation" signé de Monsieur Stéphane Durand-SOUFFLAND et publié le 20 avril dernier, je souhaite y répondre en précisant plusieurs points :

S’il est vrai que j’ai été condamnée pour des appels téléphoniques malveillants qui  concernent le docteur Michel DUBEC dont j’étais la patiente, faits qui ont donné lieu à une audience dont votre journal s’est abstenu de rendre compte alors qu’elle était de nature à expliquer mon comportement, la décision à laquelle vous avez fait allusion n’a rien à voir avec ma critique de l’ouvrage du docteur Michel DUBEC, laquelle n’a donné lieu à aucune poursuite.

Contrairement à ce qui a été dit, je me suis contentée de reproduire sans les modifier des extraits d’un ouvrage public et d’attirer l’attention des personnes concernées par la lutte contre le viol sur le caractère surprenant de certaines expressions de la part d’un expert-psychiatre, lequel parlant de Guy Georges a écrit: "Si un homme est troprespectueux d’une femme, il ne ‘bande pas." ; "Oui, c’était possible de s’identifier à ce violeur qui baise des filles superbes contre leur gré." ; "Jusque-là on peut le comprendre, et même il nous fait presque rêver". Chacun peut d’ailleurs se reporter au contexte dont ces phrases sont extraites pour en apprécier la portée.

Je ne peux être tenue pour responsable des poursuites engagées à l’encontre du docteur Michel Dubec à raison de ces propos pour deux raisons. Je n’ai pas personnellement porté plainte et les propos incriminés ont un caractère public.

Je ne suis pas non plus responsable de la condamnation définitive du docteur Michel DUBEC pour injures à caractère racial."

Croyez, Monsieur, » &c.

 

Une affaire qui divise certaines militantes

Que ce soit par souci d’efficacité tactique ou par conviction, certaines associations féministes ou des sites ou des individualités se sont solidarisés avec Brigitte Brami. D’autres se sont abstenues, d’autres encore ont pris leurs distances mais aucune association féministe n’a pris ouvertement fait et cause pour Michel Dubec. S’en prendre à la liberté d’expression dans le cas d’un auteur du Seuil, d’une notabilité du monde de l’édition mais aussi d’autres cercles, c’est plus délicat que de s’opposer à une quelconque agence de publicité soupçonnée de sexisme. On peut le comprendre, l’admettre. De plus, les associations ont parfois d’autres urgences, d’autres priorités. Il faut le comprendre et admettre. Il en est sans doute autrement des associations de victimes. Soit les 12 plaintes diligentées à l’encontre de Michel Dubec sont des dénonciations « fantaisistes » comme il qualifie celles des associations féministes et des femmes et des hommes qui ont dénoncé la teneur de son livre, Le Plaisir de tuer, soit pas. Il appartient à chacun de s’informer et, au besoin, de se prononcer sereinement. Ou de ne rien faire, selon son bon plaisir, qui ne saurait être assimilé à celui de faire crier ou de tuer, ou de faire condamner hâtivement…

Épilogue… provisoire

Depuis cet épisode, le droit de reponse de Brigitte Brami a été publié par Le Figaro. Michel Dubec a comparu devant la chambre disciplinaire de premiere instance de l’Ordre des médecins, Stéphane Durand-Soufflant venant, de meme que le juge Thiel, déposer en tant que témoins de moralité pour Michel Dubec (mais aucun pigiste du Figaro n’était la pour faire état des dix plaintes visant Michel Dubec et estimées recevables). Brigitte Brami, sur nouvelle plainte pour harcelement de la part de Michel Dubec, pour des faits concomittants a ceux lui ayant valu la prmiere condamnation, s’est vue de nouveau, le 15 octobre 2009, condamnee a 15 mois de détention, et un mandat d’arret a été délivré.