Ne dites plus « Luc Ferry », mais dites « Lou Ravi », du surnom d’un santon provençal un peu fada. Luc Ferry se dit ravi de sauter les pieds joints dans le plat de couscous et sans doute d’avoir indirectement mis en cause la personne de Sa Majesté le Roi du Maroc, Commandeur des Croyants, fils du Prophète, ce qui confine au blasphème. Il cherchait à le faire condamner in absentia par contumace devant un tribunal français ? En compagnie d’une large brochette de policiers marocains, diplomates, membres du Palais royal venant déposer aux côtés des membres de tout un conseil des ministres, une partie du personnel du Quai d’Orsay, divers membres des services, &c. ? Il pensait peut-être rouler pour la Marine, mais depuis, il tangue…

C’est sans doute motivé par l’Élysée, et non par le Garde des Sceaux, qui s’en défend, que le procureur général de Paris a estimé bon de faire entendre Luc Ferry en tant que témoin. Ce dernier a sans doute reçu une sorte de feuille de route, des éléments de langage, pour se préparer à son audition. Car l’affaire, qu’il convient de dégonfler au plus vite (à mon sens, d’ailleurs, ce ne serait pas plus mal pour diverses raisons, dont celle de ramener une rumeur amplifiée à de plus justes proportions), a de quoi déclencher un séisme.

Pour le moment, seuls des opposants marocains, dans des forums, s’emparent de l’affaire pour dénoncer le tourisme qui profite au makhzen (l’entourage affairiste du roi du Maroc), à la personne même du roi, à sa famille, &c. De leur côté, les officines proches du Front national se délectent et amplifient l’affaire pour dénoncer la religion islamique dans son ensemble, qui est à leurs yeux une incitation à la pédophilie (via le mariage avec des fillettes). Rappelons qu’au Maroc, la loi a changé, qu’il faut désormais avoir 18 ans pour s’y marier…

Il y a plusieurs façons de prendre la bourde de Luc Ferry. Pour ce qu’elle est, soit la reprise sur un plateau d’un article de presse du Figaro, en l’amplifiant, sans trop savoir dans quelles lises on a mis le pied. Pour ce qu’elle peut générer, soit le placement en tant que témoin assisté de tout un corps constitué, à savoir le conseil des ministres, et d’une foule de hauts-fonctionnaires, de petits fonctionnaires, de part et d’autre de Gibraltar. Pour ce qu’elle pourrait impliquer : tout ancien ministre ayant fréquenté Marrakech avant 2000, selon les dernières vagues déclarations de Luc Ferry, peut faire l’objet d’une rumeur (sans doute disproportionnée).

Le Monde, dans ses rapports avec qui demande un droit de réponse, un rectificatif, ou avec ses lecteurs, est quelque peu « faux-cul » de très, très longue date.
Là, son modérateur précise : « La diffamation est un sujet sérieux. Aucun journaliste du Monde ou du Monde.fr n’a donc cité les noms qui ont circulé, sans éléments de preuve, lorsque Luc Ferry a mentionné un ex-ministre qui se serait fait "poisser” (attraper) à Marrakech dans une partouze avec des petits garçons". Ce qui laisse libre cours à des rumeurs diffuses, visant tel ou tel ancien ministre, contribuant ainsi à laisser des « noms qui ont circulé » se charger de lourdes supputations.

La diffamation, ce n’est pas en l’évitant par le silence le plus précautionneux qu’on y échappe honorablement. La diffamation, en matière de presse, doit être envisagée en prenant le risque d’encourir des poursuites abusives tout en s’entourant de toutes les précautions utiles pour qu’elles n’aboutissent pas. Ce n’est pas en distillant des rumeurs au conditionnel et avec les précautions d’usage qu’il convient de procéder (ce qui doit rester le dernier recours). C’est au contraire, dans le cas de la rumeur, en prenant les risques à bras-le-corps, qu’il faut se situer.

Lou Ravi, ainsi que restera peut-être surnommé Luc Ferry, est un semi-professionnel de la communication. Il a mis en cause, non seulement tout un gouvernement, une partie du corps diplomatique français, &c., mais aussi partie de l’appareil d’État d’un royaume. Sans compter divers collatéraux. Les responsables de l’hôtel La Mamounia l’ont bien compris. Ils ont opposé un démenti formel : oui, il y a bien eu un incident motivant l’intervention de la police, non, un ou des mineurs n’étaient pas, à leur connaissance, en cause, et non encore, la chambre n’a pas été saccagée puisqu’elle a pu être relouée immédiatement après une banale intervention de nettoyage. 

Cela étant, Luc Ferry se serait contenté de reprendre un écho du Figaro. Dans ce cas, pourquoi le parquet n’entendrait-il pas aussi son rédacteur ou sa rédactrice ? Peut-être parce que, justement, ce titre de presse qualifie une rumeur de rumeur. Qui remonte exactement à quand, et à qui ? Le Figaro écrit à présent : « le patron de la Direction centrale des renseignements généraux à l’époque des faits allégués était Yves Bertrand qui pourrait à son tour être auditionné. Lui, mais aussi tout ancien policier des RG qui pourrait avoir eu vent de telles pratiques. ».
Yves Bertrand déclare à présent au journal : « Je n’ai rien à voir avec cette histoire. Je ne connais pas Luc Ferry. Qu’il prenne ses responsabilités au lieu de se défausser. ». Circulez, il n’y a plus rien à voir.

Selon un témoignage policier anonyme recueilli par France-Soir, « c’est un dossier hypersensible compte tenu de la gravité des faits. Sur un dossier comme ça ou une personnalité et un pays étranger sont impliqués, pour un responsable policier, on ne fait confiance à personne et on ne laisse pas un collaborateur seul dans l’arène. Soit cette affaire est une vaste connerie, soit ça ne l’est pas et l’enquête va mouliner tout le week-end. ».
D’où la présence du directeur de la PJ parisienne, Christian Flaesch, lors de l’audition de Luc Ferry.
Brendan Kemmet, de France-Soir, précise : « Luc Ferry a été ministre de la Jeunesse et de l’Education nationale de mai 2002 au 31 mars 2004, sous Jean-Pierre Raffarin. Et le ministre de l’Intérieur s’appelait Nicolas Sarkozy. ».

L’affaire prend un tour particulier, après Clearstream II et la mise en cause de Dominique de Villepin. Autant alors que Lou Ravi reste un fada. Car la suspicion qu’il ait en fait « roulé » pour on ne sait qui afin de discréditer Nicolas Sarkozy peut le mener loin. Aurait-on voulu salir la réputation d’un honorable père de famille en attente présumée d’élargir sa descendance ? « Ravi » d’avoir joué un bon tour, ou simple nigaud, Luc Ferry ? Ayant agi de sa propre initiative ou non ?
Comme me le disait un ancien de la Royale : « en mer, c’est de la camaraderie, à terre, c’est du vice ! ».
L’ancien camarade de Nicolas Sarkozy à bord du gouvernement Raffarin redevenu, à terre, simple quidam, aurait-il la nostalgie de la Marine ? Dans ce cas, la manière de se placer paraît pour ce qu’elle est : fortement déplacée.