L’OTAN a été initialement mise en place pour faire face à l’ampleur croissante de l’Union Soviétique et de sa sphère d’influence. Au fil des années, l’histoire a fait son chemin et le bloc de l’est s’est effondré, laissant de nombreuses nouvelles républiques qui ont été intégrées au fur et à mesure à la structure militaire occidentale. Ukraine, Géorgie, Russie, pays du Moyen-Orient, qui sont les futurs alliés potentiels et où s’arrêtent les frontières de l’OTAN ?

La question des limites frontalières de l’OTAN peut faire penser au débat qui secoue l’Union Européenne. Si l’un est une alliance stratégique militaire et l’autre une union économique et monétaire, les deux se demandent quel doit être le lien entre intérêts géopolitiques et culture. Si la Turquie a largement trouvé sa place en 1952 grâce à sa situation géographique idéale entre Europe, Caucase et Moyen-Orient, la question se pose à présent de la judicité de rallier la Géorgie et l’Ukraine. 

L’OTAN a ainsi été initialement créé pour faire face à l’Union Soviétique. Suite au démantélement de l’empire russe, les anciens pays du pacte de Varsovie ont été petit à petit intégrés à l’OTAN entre 1991 et 2008. Ces jeunes républiques à la diplomatie et à l’armée encore peu imposantes ont ainsi trouvé un moyen de s’assurer une indépendance parfaite vis-à-vis du voisin russe. La Russie considère pourtant qu’un grand nombre des pays anciennement membres de l’Union restent dans sa sphère d’influence. Ainsi les présidents Eltsine, Poutine puis Medvedev ont fait en sorte de maintenir la pression sur les voisins proches à l’ouest, sur le Caucase et sur l’Asie centrale. L’avancée de l’influence américaine vers les frontières russes a inquiété le Kremlin. La crise des boucliers antimissiles mis en place part la présidence Bush a déclenché la colère des Russes. Il reste difficile pour Barack Obama de désamorcer ce dossier et même si le dialogue est relancé, Dmitri Medvedev a déclaré le 17 mars qu’il comptait relancer l’industrie d’armement en masse pour rééquiper la marine et l’armée, envisageant de devoir se défendre contre l’OTAN. 

L’Ukraine souhaiterait pouvoir rejoindre l’Alliance. Ce serait un moyen pour Kiev de gagner en autorité sur les questions énergétiques et d’avoir une réelle protection en cas de conflit trop important sur cette question avec Moscou. La Géorgie voit également dans l’OTAN un moyen de se protéger diplomatiquement et d’obtenir une couverture, au sens militaire du terme. Si Moscou a rappelé en aout 2008 que la Russie resterait maître de la région, l’intégration de Tbilissi à l’Alliance atlantique créerait une véritable complication stratégique. Pour éviter de déclencher une crise diplomatique irréparable avec la Russie, l’OTAN a pour l’instant refusé de prendre en compte les candidatures de ces deux pays. Le débat fait rage entre les différents pays qui souhaitent plus ou moins ménager le Kremlin. 

 

L’allié russe 

La Russie n’est pourtant plus le danger primordial menaçant les Occidentaux depuis les années 90. Moscou devient petit à petit un partenaire stratégique sur le plan militaire. Une ambassade russe existe à l’OTAN, même si elle est fermée depuis le conflit russo-georgien, un ambassadeur, Dmitri Rogozine, continue d’assurer le lien entre les deux autorités. 

La Russie est directement concernée par le conflit en Afghanistan. Une déroute de l’Alliance Atlantique exposerait la frontière des Russes qui restent opposés aux Talibans. Moscou a proposé d’apporter un appui logistique aux armées otaniennes et de les approvisionner. Les groupuscules extrémistes représentent une menace de taille pour la Russie. 

Le gouvernement russe est également conscient de la puissance croissante des pays qui l’entourent. L’Iran et le Pakistan sont capables de lancer des missiles intercontinentaux et hébergent des régimes instables avec lesquels les relations diplomatiques sont loin d’être assurées sur le long terme. Moscou devient hésitante quand à l’attitude à adopter vis-à-vis de Pyongyang. Dmitri Medvedev et son influent premier ministre constatent l’isolement croissant de leur pays dans un monde où l’influence américaine reste forte et où les seuls opposants viables, le monde musulman et la Chine, ne proposent pas de solution envisageable. 

 

L’Alliance atlantique veut s’exporter 

L’OTAN est consciente plus que jamais du besoin d’évoluer. La Russie souhaite collaborer avec une Alliance qui aurait révisé ses objectifs politiques et militaires. C’est ce qui est en train de se faire. Les missions de l’Alliance sont de moins en moins orientées vers la protection territoriale mais de plus en plus vers les opérations de maintien de la paix, dans les Balkans, au Moyen Orient et parfois jusqu’en Afrique. 

Les menaces visant les pays occidentaux ne sont plus les mêmes que pendant la Guerre Froide. Les moyens mis en œuvre ne sont donc plus les mêmes. Aujourd’hui, les Américains souhaitent étendre leur alliance militaire à tous les alliés fidèles et verraient bien le Brésil, l’Argentine, l’Australie, la Nouvelle Zélande, la Corée du Sud et le Japon intégrer l’OTAN. Le duo France-Allemagne reste le seul verrou bloquant cette évolution qui transformerait radicalement le rôle de cette alliance militaire dans le monde. 

Une telle évolution pourrait mettre la Russie dos au mur et accélérer d’autres intégrations, recréant une notion de bloc américain qui devrait se trouver un ennemi uni et fort à affronter. Les Nations Unies perdraient énormément de pouvoir et le dialogue pourrait être rompu définitivement entre l’Amérique, ses alliés et ses opposants, notamment de la Ligue arabe.   

 

Illustration : Françoise Bessières.