L’omnibuleuse nébulante de Julien Coupat

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A-t-on fait le décompte ? Des interpellé·e·s interrogé·e·s pendant 24, 48, 72 et 92 heures de gardes à vues dans l'affaire de Julien Coupat ? Alors qu'on s'apprête à faire des analyses d'ADN sur des cadres de vélos d'écoliers comme autrefois sur le scooter d'un fils Sarközy, la formidable enquête sur les réseaux de Julien Coupat se poursuit avec une lenteur inquiétante. Comme si la nébuleuse devait être sans cesse fouillée, sondée, perforée, comme si c'en était devenu l'obsession de la déraison d'État (ou d'un seul…).

Alors, combien ? À quels coûts pour ces citoyens, citoyennes et les contribuables ? Va-t-on sans cesse passer aux suivant·e·s comme si nous étions toutes et tous un formidable amoncellement de melons et qu'il fallait trouver le bon – enfin ! –, non pour l'instruction mais pour l'accusation. Et voici que les magistrats, ou plutôt ces procureurs que Rachida Dati voulait à ses escarpins, invoquent sans cesse un dossier qui finira forcément par se remplir, à coups de commissions rogatoires, d'interpellations. À qui le tour ?

Maître Éolas démonte les prétextes techniques.

Pour l'Express, « Me Eolas », un blogueur se disant avocat, mais s'il ne l'était ayant prouvé qu'il est fin juriste, expose les prétextes techniques invoqués pour maintenir en détention. Par exemple, la destruction de preuves. Il est vrai qu'à Chambéry, dans une autre affaire qui finira forcément liée à L'Affaire (comme pour l'« Affaire Dreyfus », la majuscule finit par s'imposer), il a été considéré que la destruction de tracts appelant à la dernière manifestation du premier mai constituait une destruction de preuves. On peut l'admettre : généralement, on les agrafe, les tracts périmés, et on utilise le verso non imprimé pour en faire des feuilles de brouillons.
Là, forcément, c'est suspect, forcément suspect !
Et tout fait preuve, comme la « photo potache », ainsi que l'a qualifiée Rue89, qui a fait retenir en garde à vue son auteur, venu chercher des nouvelles de Johannah et François Bouchardeau, et de Héléna et Samuel Autexier, qu'il connait parce qu'il habite Digne et eux Forcalquier, parce qu'il sont éditeurs et lui élu des Verts.
Tout fait bois, tout fait feu, tout fait présomption
Tout, dans l'Affaire Coupat, fait présomption de culpabilité. Si on n'a pas encore prouvé, on prouvera, en prenant le temps qu'il faudra. On a donc eu, outre l'entourage de Coupat à Tarnac, la « femme de 36 ans », les « Trois de Rouen », les « Quatre de Forcalquier », le « Photographe de Digne », et bientôt vous et moi sans doute. Et attention, ce n'est pas tout. Combien de confidences recueillies, peut-être y compris sur l'oreiller par des policièr·e·s infiltré·e·s dans les squatts, combien de convocations de témoins n'ayant pas besoin d'être assistés, combien de communications avec des services de l'étranger, combien de planques, combien de filatures, combien d'heures supplémentaires, combien de frais engagés ?
La déraison d'un seul ?
La déraison d'État n'existe sans doute pas dans l'Affaire. Il ne peut plus s'agir que de la déraison d'un seul. « Ah, si le roi savait cela ! ». L'aurait-on trompé, le trublion hystérique, le ludion malfaisant, le turlupin malsain ?  L'aurait-on gavé de ce qu'il veut absolument entendre ? Serait-ce le fait d'un quarteron de cheffaillons de divers services et officines omnibulés par l'ennemi intérieur abreuvé par l'argent de l'étranger ?
J'avais comparé, ici et ailleurs, Julien Coupat au masque de fer. D'autres ont évoqué le marquis de Sade, les lettres de cachet, l'arbitraire et l'absolutisme.
C'est de moins en moins outrancier et Coupat devient l'otage de la déraison d'un prince ! C'est maître Ubu et son valet Coupat qui est joué, mais ce n'est pas farce. 
En revanche, les fourberies des autres valets commencent un peu trop à se voir : complaisance de certains journalistes qui s'étaient mobilisés pour d'autres otages et se taisent, complaisance de trop nombreux fonctionnaires qui font du zèle pour flatter le pouvoir !
Nous ne voulons pas payer la rançon de la déraison d'un seul !
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Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !