Maintes fois évoqué par les occidentaux, le soutien des pays arabes en Libye est toujours très largement théorique. A cela une raison : comme toujours les arabes se divisent sur la question. Pour les occidentaux il est dès lors inutile d’espérer n’avoir beaucoup plus que quelques ralliements à leur point de vue.

A l’origine appelé par la ligue arabe l’interventionnisme international en Lybie n’en finit pas de chercher des soutiens arabes fiables, et surtout nombreux. Alors qu’à l’origine on annonçait des chiffres pouvant aller jusqu’à cinq pays arabes étant prêts à participer, on se rend compte, aujourd’hui qu’il y a une gêne de ces pays vis-à-vis de l’intervention en cours.

La ligue arabe joue sur les mots, en parlant d’une intervention qui devait en rester aux seuls actes permettant l’effectivité de la zone d’interdiction aérienne pour l’armée de Kadhafi.

Le président de la Ligue Arable, Amr Moussa, candidat probable à la prochaine présidentielle égyptienne manie le double discours. Entre d’un coté l’impératif moral de l’aide à apporter à des populations arabes en danger. Et de l’autre la carte de l’anti-occidentalisme face à des opinions arabes choquées devant cette nouvelle guerre déclenchée à l’initiative d’européens et d’américains.

La peur de la contagion démocratique

Mais à coté de cette explication une autre crainte obsède les pays autoritaires de la région : la peur de la contagion démocratique.

Cette question des réticences en réponse à une peur de la démocratie est pourtant à double tranchant, car elle peut expliquer pourquoi certains pays arabes soutiennent l’intervention, sans pour autant y participer.

C’est le cas, par exemple des pétromonarchies, qui ayant toujours détesté Kadhafi n’ont aucune réticence à le lâcher. Avec en retour l’espoir, pour elles, de chercher à s’attirer les bonnes grâces de l’Occident dans la répression de leurs propres contestations internes.

Une politique de soutien se basant sur des calculs de politique interne

Il est donc incontestable que le soutient arabe à cette intervention est à géométrie variable, et consécutif à des calculs de politique interne.

D’autres types de réactions venant des pays arabes sont à noter, à coté de celle des pétromonarchies. Car c’est presque au cas par cas qu’il faut étudier les arguments avancés par chacun des pays pour s’impliquer ou non dans cette intervention.

Assurément cette complexité  explique pourquoi tout ralliement massif des pays arabes ne s’est pas réalisé, comme l’espérait les occidentaux.

Le cas le plus typique de cette suite de posture particulière est celui du Liban. Favorable, entre autre, à une intervention au nom d’un vieux contentieux l’opposant au leader libyen. C’est, en effet, en Libye que l’Imam Shiite, Moussa Sadr a disparu en 1978.

Autre cas particulier, celui du Qatar. S’il est de toutes les pétromonarchies le plus prompt à intervenir c’est aussi en réponse à ses liens très particuliers l’unissant à la France.

De même si le Maroc a soutenu l’intervention c’est, dit-on, à Rabat en signe de cohérence avec le discours réformateur du roi prononcé le 9 mars 2011. Le message à l’attention de la jeunesse marocaine voulant voir dans son souverain un despote est aussi implicite. Le Maroc n’est pas un régime autoritaire, car les vrais régimes autoritaires, il les combat, par exemple en, Lybie. Là est aussi l’intention politique du soutient marocain.

Mais problème pour Rabat : son intransigeance vis-à-vis de Kadhafi doit tenir compte du fait que 100000 marocains sont toujours coincés en Lybie. Le problème existe aussi pour la Tunisie et l’Egypte, pour qui se pose, également, le problème de leurs frontières communes avec la Libye.

Mais bien que réticente, à l’origine, l’Egypte commence pourtant à bouger. Le Wall Street Journal rapporte qu’elle commence à fournir, en toute discrétion, des armes aux insurgés.

Notons également le silence, assourdissant, de la Jordanie sur la question. Là encore les peurs suscitées par son instabilité interne peuvent servir d’esquisse de réponse.

Enfin il y a la posture ambivalente de l’Algérie et de la Syrie. Toutes les deux soumises à des troubles internes, elles sont, assurément, les diplomaties s’étant le plus ouvertement montrées inquiètes face au risque de contagion démocratique.  Leurs régimes, parmi les plus verrouillés, se sont convaincus que pour tenir face aux contestataires il fallait ne rien appeler de nouveau.

Les bonnes relations qu’algériens et syriens entretiennent, depuis longtemps, avec Kadhafi, servant, aussi à expliquer leurs réticences. Aux « sentiments d’antipathie » contre Kadhafi en ce qui concerne les pétromonarchies, répondent, donc, ceux ; contraires, s’exprimant dans les postures syrienne et algérienne.

On le voit donc prétendre recevoir l’appui des pays arabes dans ce conflit est très largement improbable. Les occidentaux auront beau l’exiger et le plaider, ils devront, certainement, se contenter d’un ou deux soutiens, pas beaucoup plus. Tout ralliement massif semblant presque irréalisable.

http://www.suite101.fr/content/intervention-en-libye-pourquoi-les-pays-arabes-sont-reticents-a26616

http://www.marianne2.fr/Libye-Le-double-jeu-de-la-Ligue-arabe_a204187.html

Grégory VUIBOUT