Au sein des écoles générales proposant des filières différentes comme la filière Littéraire et Scientifique, on peut entendre des discours bien différents. Il est étonnant de voir comment, dans un même établissement, les mentalités et les façons de penser peuvent autant diverger.

 

En effet, avez-vous le souvenir d’avoir parlé de concepts abstraits avec des étudiants des deux filières ou des professionnels de chacun des domaines ? Nous ne sommes pas ignorants de leur perpétuelle guerre : Littéraires contre scientifiques. L’une prône l’importance de la Philosophie, de la Littérature, de la Réflexion et de la Pensée alors que l’autre met en pratique toutes ses théories, se base sur des Expériences concrètes et aurait tendance à rejeter l’abstrait. Détrompez-vous !

 

De nombreux grands philosophes rejettent catégoriquement de grands concepts abstraits comme l’Imagination. Je veux, bien sûr, faire allusion à Blaise Pascal, philosophe et mathématicien du 17ème siècle, il est le plus célèbre et radical d’entre tous. S’il clame la nécessité de faire le pari sur l’existence de Dieu, d’y croire quoiqu’il en soit car ceci ne peut être que bénéfique même si c’est croire en vain, ce philosophe condamne sévèrement l’Imagination. Pourquoi ? A quelles fins ? L’Imagination est-elle réellement une chose condamnable ?

 

Dans ses Pensées, Pascal démontre le fait que l’imagination est un divertissement bien extravagant et frôle le ridicule. Pourquoi ne pas se résoudre à accepter la réalité de notre condition ? Pourquoi se sentir obliger d’inventer un autre monde ? C’est fuir. C’est lâche. La plupart des humains seraient tout simplement lâches de fuir dans un monde intemporel qui n’existait pas. N’est-ce pas une pathologie que de vivre de divagations ? Mais pourquoi se voiler la face, pourquoi se cacher derrière une image irréelle. Est-ce une pauvreté d’esprit ? Est-ce tout ce que les hommes ont pu inventer pour se rendre heureux ? Ce grand homme qu’était Pascal expliquait : « S’il (en parlant de l’Homme) est sans divertissement, et qu’on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu’il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point : il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent des révoltes qui peuvent arriver et enfin de la mort et des maladies qui sont inévitables, de sorte que s’il est sans ce qu’on appelle divertissement, le voilà malheureux ». Selon lui, l’Imagination est un concept inventé par l’homme, seulement pour oublier que sa condition est misérable et qu’il est malheureux. Voyons… Sommes-nous si misérable ?

 

Lewis Carroll, écrivain et mathématicien britannique, et sa petite Alice aux pays des merveilles ne sont pas de ce point de vue. Tandis que l’un les condamne, l’autre veut un « monde uniquement fait de divagations ». Et est-ce vraiment une faiblesse de vouloir créer et voir un monde comme cela nous chante ? Devons-nous réellement considérer l’Imagination comme une chose à éradiquer ou comme une fuite ?

 

La réponse la plus probable est « Non ! ». D’après de nombreuses personnes, l’Imagination n’est pas (qu’)une fuite. En effet, elle se révèlerait même d’une importance capitale. Réfléchissez, lorsque l’on tente de vous expliquer quelque chose, n’est-ce pas plus facile si l’on a recours à notre imagination pour l’expliquer ? De cette recherche née un dessin explicatif, naissent les métaphores et les comparaisons, et tout s’éclaire. « L’imagination crée le savoir, mais le savoir tout seul n’apporte rien. Avec l’imagination, on peut inventer de nouveaux concepts de sorte que même si on ne connaît pas quelque chose on peut très bien l’appréhender » disait un certain Said. « Le savoir est une chose acquise, qu’on peut mesurer, dont on connaît les limites. L’imagination, elle, est une porte grande ouverte sur l’infini » disait une certaine Annie. L’imagination est un ascenseur vers une lumière certaine. Une lumière inaccessible qui ne nous est pas donné directement dans le quotidien. Elle permet de porter un regard nouveau, neuf, différent de celui conditionné par la Société et permet, par là-même, d’avoir accès à d’autres éléments. S’évader en rêve est sans doute la plus belle des fuites, qui permet de mieux appréhender un fait, une action. L’imagination est une porte sur notre intériorité, qu’on en soit conscient ou non, mais aussi une porte sur l’extérieur et donc, une porte vers l’infini. Un monde riche par ses couleurs, ses formes, ses infinies possibilités. L’imagination est un moyen pour exploiter et explorer notre esprit et le monde. De plus, si elle est aussi présente et ce, universellement c’est sans doute qu’elle est fondamentale : pourquoi serait-elle un simple divertissement quand on ne peut nier qu’elle participe amplement à notre formation ? Un enfant développe et exploite plus son imagination qu’un adulte. Il se crée un monde et évolue corps et âme dedans pendant des années. Dans son monde et dans ses jeux il se crée des situations, des dangers desquels il apprend à se sortir et en tirer des enseignements. L’imagination est partout, dans chacune de nos réflexions, de nos idées. Elle accompagne la théorie avant toutes expériences. Elle est dans chacun de nos pas et pour ceux qui y parvienne, dans tous nos regards. Elle est cette fine couche que vous touchez avant de toucher l’objet directement. Elle donne au monde ses couleurs et, généreuse, vous donne à en voir d’autres. Elle est cette lueur qui fait briller notre pupille noire, cette brise qui nous pousse vers l’avant, cette poussière qui s’envole derrière chacun de nos pas.

 

Pouvez-vous encore penser que l’Imagination est une chose condamnable quand c’est elle qui nous a construits et que nous avons sans cesse recours à elle ?

 

Cessat Aurélie

 

 

 

Blaise Pascal, Les Pensées

Lewis Carroll, Alice aux pays des merveilles

Site internet L’internaute, Encyclopédie : Said de Montpellier le 17 décembre 2009, Annie de Vincennes le 08 août 2008