Non, il ne sera pas question ici du coût de la guerre pour les Libyennes et les Libyens (sans doute plus de 60 000 morts, un nombre épouvantable de blessés et de mutilés, des infrastructures détruites par les frappes de l’Otan et les autres). Mais simplement du retour sur investissement allégué par Alain Juppé. Petite comparaison avec les coûts estimés outre-Manche.

Pipeau, total pipeau, le coût de l’opération Ellamy (pendant français, opération Harmattan), estime Francis Tusa, le rédacteur en chef de Defence Analysis.
On s’en doutait.
Mais comme le pointe Martyn McLaughlin, du New Scotman, le rapport entre les coûts divulgués et les coûts réels de l’expédition libyenne serait de un à… sept.
Au bas mot.

Soit jusqu’à 1,7 milliard de livres. Contre 260 millions annoncés par le ministre britannique de la Défense. Seulement 260 millions de livres sterling ? À d’autres. Avec seulement 140 millions de livres pour les munitions ? Les estimations de Francis Tusa sont fondées sur des chiffres officiels. Selon la méthode de calcul, on arrive à plus de 1,4 milliard de livres ou jusqu’à 1,7 milliard.

Et voilà que les députés britanniques veulent alourdir encore la note pour trois mois. On peut le comprendre : les « révolutionnaires » libyens avancent ou reculent, en fonction des frappes de l’Otan, attendent que la faim et surtout la soif (toutes les infrastructures d’approvisionnement en eau des villes assiégées ont été détruites par les frappes de l’Otan), fassent leurs effets.
Le bilan du ministère de la Défense britannique est de plus de 1 600 missions de combat, soit un cinquième du total. Considérez que les forces aériennes françaises ont fait largement davantage.

Le Charles-de-Gaulle est rentré à Toulon. Certains Tornado effectuent leurs missions depuis des bases britanniques. Et cela alourdit la note. Bien sûr, en France comme au Royaume-Uni, le déploiement de forces spéciales n’apparait pas en clair dans les lignes budgétaires.

« La seule différence entre cela et [les opérations] en Afghanistan, c’est que nous n’avons pas déployé une force terrestre importante, mais toutes choses égales par ailleurs, c’est tout aussi, si ce n’est davantage, coûteux… », estime Clive Fairweather, ancien chef adjoint des forces spéciales britanniques.

Les socialistes et communistes français sont étonnamment cois. Pas le Labour britannique. En fait, la France en a certainement plus fait avec l’opération Harmattan qu’avec l’opération Ellamy. La différence, c’est que les chiffres ont été davantage encore minorés par le ministère de la Défense, celui du Budget, celui des Finances, en France. Gérard Longuet estime les coûts à 320 millions d’euros. Vaste blague. Ce serait « mutualisé dans le budget global ». Entendez : noyé.
Bien sûr, 400 patrons français se précipitent en Libye. Mais le marché de la reconstruction n’est évalué qu’à 200 milliards de dollars, et la concurrence sera très, très rude.

En fait, la facture sera pour la France, en 2011, pour l’ensemble des opérations extérieures, de l’ordre de 1,2 milliard d’euros, estimation très basse au vu des estimations britanniques pour la seule Libye. La loi de finances prévoyait 630 millions pour l’ensemble des opérations extérieures. Multipliez par… bien plus que deux.

Les Libyens, croit-on, vont devoir payer. Le litre d’essence était à moins de dix centimes d’euros, la demi-baguette à guère plus de dix centimes d’euro. Pas d’impôts, pas de TVA. Ah, là, ils vont, comme nous, déguster. Mais ils seront loin d’être les seuls. Ils paieront qui ? Les entreprises françaises (et surtout autres) qui espèrent le retour sur investissement de sommes que nous, et non elles, règleront.

Mais qui sera vraiment tenu responsable des dégâts ? Les seules entreprises françaises ou l’ensemble des Françaises et des Français ? Car l’opinion libyenne peut évoluer. Le retour sur investissement ne visera pas forcément le seul Alain Juppé. Comme le titrait Marianne, « Sarkozy a réalisé son caprice à Benghazi ». Mais la note, qui va la payer ? Tripoli n’est pas « libérée », mais occupée par des affairistes. Et les occupations étrangères durent ce qu’elles durent. Sarkozy n’y a pas vraiment songé, nous aurons le temps d’y penser… Car il n’est pas du tout sûr que le futur gouvernement issu des prochaines législatives présente la facture aux Sarkozy et aux Juppé.