Bonne initiative du Guardian qui actualise chaque jour des cartes indiquant les rapports de force sur le terrain. Mais c’est The Independent qui révèle que Tony Blair aurait exhorté, en vain, Kadhafi pour qu’il mette fin aux massacres. Enfin, la presse suisse italophone suggère que l’une des brus de Kadhafi aurait été évacuée discrètement à bord du Falcon personnel du Guide de la Révolution verte…

Énigmatique carte du Guardian publiée ce jour : même si l’accès à l’aéroport militaire de Mitiga est contrôlé par les forces fidèles à Kadhafi depuis Tripoli, on ne voit pas vraiment s’il reste ou non sous contrôle de ses milices. En tout cas, vendredi, selon Swiss.com et Tio.ch, le Falcon Dassaut personnel de Kadhafi aurait décollé de cet aéroport pour survoler Malte en direction de Minsk (Biélorussie). Supputation de la presse italophone suisse, l’une des brus de Kadhafi aurait pris place à bord. Cela peut être un indice de la volonté du Guide de la Révolution verte et de ses fils de combattre jusqu’au bout, mais sans être trop assurés de la victoire. Il l’a en tout cas redit à la télévision serbe Pink.
En effet, si Tripoli reste contrôlé par Kadhafi, la carte publiée samedi par The Guardian laisse penser que l’étau se resserre. Les insurgés auraient décliné toute intervention de troupes étrangères : la Libye doit vaincre Kadhafi sans aide extérieure, et elle le peut, estiment-ils.
Des forces spéciales britanniques seraient pourtant intervenues, sans subir de pertes, pour évacuer des ressortissants du Royaume-Uni retenus sur des sites pétroliers. Cette évacuation a-t-elle été facilitée par l’intervention de Tony Blair, qui aurait, selon The Independent, communiqué hier deux fois avec Kadhafi ? C’est possible, mais celui qui avait, avec Sarkozy, assuré au dictateur libyen qu’il pouvait lui redonner une virginité internationale, ou en tout cas une certaine respectabilité, n’a visiblement pas été totalement entendu.
Sarah Palin a critiqué Barrack Obama, pas assez interventionniste, selon elle. La retenue du président américain pourrait s’expliquer par la dispersion des Étasuniens sur le sol libyen. Les forces spéciales britanniques, les SAS, évacuent aussi sans doute, au cas par cas, des ressortissants étasuniens et canadiens. 235 Canadiens ont été évacués de la Libye depuis l’aéroport de Tripoli, mais d’autres sont sans doute dispersés à travers le pays. Les forces spéciales allemandes ont aussi évacué des ressortissants allemands vendredi ou ce samedi.

Le relatif attentisme européen se trouve en tout cas justifié par le nouveau Conseil national libyen. Mais, si comme l’indique le mouvement des Jeunes libyens, Misrata et d’autres localités subiraient des bombardements, l’instauration d’une zone de non-survol dans l’espace aérien libyen pourrait se poser avec une nouvelle acuité.
La question libyenne suscite des réactions de politique intérieure en France peu avant l’intervention télévisée de Nicolas Sarkozy. Si le remplacement de Michèle Alliot-Marie semble « acté », quid de l’ambassadeur de France en Tunisie ? Mediapart, se fondant sur des câbles diplomatiques dévoilés par Wikileaks, conclut que « Boris Boillon, plus jeune ambassadeur de France, portait pourtant bien avec sa parfaite connaissance de la langue arabe et sa réputation d’ouverture. ». Ses propos à l’encontre des journalistes tunisiens ont fait tache, et les divers groupes de diplomates (Marly, Camus…) du Quai d’Orsay ont laissé entendre qu’une bonne formation à Langues O’ (l’Inalco) ne dispensait d’une connaissance plus approndie. La démission de Michèle Alliot-Marie, qui a préféré cette solution à un limogeage, ne règle pas tout.

Ghannouchi, le président tunisien par intérim, vient de passer la main. Boris Boillon devra-t-il prendre langue avec son successeur ou rentrer à Paris ?

En tout état de cause, la donne a totalement changé pour la politique arabe de la France et même l’attitude européenne vis-à-vis du monde arabe.