Pas gêné, Tony Blair. Dans le Washington Post, il vient de s’offrir une tribune libre : « Pourquoi le monde a besoin de foi ». De veaux aussi ?
De croyances, plutôt. Le xxe siècle sera spirituel ou ne sera pas, disait en substance Malraux. Tony Blair, qui multiplie les conférences grassement rétribuées, en est bien d’accord. Bientôt, il imposera les mains et vendra des médailles miraculeuses…
Son truc, c’est les religions d’Abraham. Pas vraiment le druidisme ou la wicca, moins porteurs. Mais pas sectaire non plus, le Tony Blair : les Baha’is, les chrétiens non-orthodoxes de Moldavie, les coptes d’Égypte, et même les chiites, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.
C’est la foi qui va nous sauver de la « financial crisis ». Après les écrouelles, le pouvoir de la prière lumineuse pour sortir de la crise de l’Eurozone. « Nous avons besoin d’une démocratie sympathisant avec la religion et d’une religion sympathisant avec la démocratie, » résume-t-il. Pour que l’école libre, démocratique et spirituelle, vive, amis, donnez.
Prions avec les Kadhafi
Or donc, Seif al-Islam Kadhafi et Abdullah al-Senussi, ont été capturés, vivants. L’un avec des doigts coupés lors d’un bombardement de l’Otan, l’autre, apparemment, indemne. Bien sûr, les thawars (on ne dit plus insurgés ou révolutionnaires, glissement sémantique) de Libye veulent les juger et ne pas les remettre à la Cour pénale internationale, qui fait mine de les réclamer.
Tiens, pourquoi ne pas les juger avant de former un nouveau gouvernement ? Cela laisserait du temps au temps. Le Canada est tellement sûr des assurances données par Bernard-Henri Lévy qu’il maintiendra une frégate en Méditerranée, la Vancouver, jusqu’au printemps 2012 (histoire, aussi, de croiser au large de la Syrie). Pour le moment, l’annonce d’un gouvernement a été repoussée de seulement 48 heures. On verra. En tout cas, le prince Andrew et Tony Blair étaient des hôtes de choix pour les Kadhafi, et même réciproquement (Seif était reçu à Buckingham et Windsor), Nat Rothschild était aussi ravi d’avoir Seif pour hôte à New-York ou Corfou.
Mais alors que Berlusconi baisait carrément la main de Kadhafi père, Blair lui claquait la bise. C’était un hôte récurrent des Kadhafi depuis 2004, et le Takieddine de British Petroleum (BP) en 2007. Pas si vieux. Comme d’ailleurs ne sont pas si vieilles les déclarations de Seif al-Islam selon lesquelles les Kadhafi avaient financé la campagne électorale de Sarkozy.
« En tant que juif »
Dans la foulée, voici Bernard-Henri Lévy qui déclare au Crif que c’est « en tant que juif », et portant « en étendard ma fidélité à mon nom et ma fidélité au sionisme et à Israël » qu’il a participé à « l’aventure politique » libyenne. C’est sans doute en tant que chrétien que Tony Blair tendait la joue aux Kadhafi, puis, ensuite, préconisait qu’on leur perce les yeux et éclate les dents.
Comme l’indique Adam Thiam dans Le Républicain (Mali), on va rejouer « les animaux malades de la peste (…) parce que, dans cette histoire, il y a tellement d’intox, de non-dits et de dissimulation. ».
L’intox et le non-dit, c’est peut-être que le Qatar livre encore de nouvelles armes, selon l’un des porte-paroles du CNT, aux islamistes libyens. Ce qui peut arranger la droite israélienne : mieux vaut de bons ennemis diaboliques à ses portes que des interlocuteurs « sérieux ».
Là-dessus, ajoutez un Tony Blair prêchi-prêchant qu’avec la foi et la bonne volonté, tout peut s’arranger, et les affaires peuvent continuer.
De l’AFP :
« « Au moment où nous quittions Bani Walid, nous avons été la cible d’un raid de l’alliance croisée (Otan). Vingt-six de nos jeunes sont tombés en martyrs et les autres ont été gravement blessés », [i]explique Seif al-Islam, arrêté dans la nuit de vendredi à samedi dans le Sud libyen.[/i] ».
Eh, c’était pour protéger les civils que l’Otan bombardait les fuyards.