Il est généralement admis que le Qatar avait (et continue sans doute) armé, financé et ravitaillé des milices et brigades islamistes en Libye sans passer par le truchement du CNT de Benghazi. Voici à présent que le Soudan revendique avoir fait de même, sans préciser quels étaient au juste les bénéficiaires de son appui militaire et financier. Le CNT est à présent obligé de donner des gages, fort contradictoires, à un peu tout le monde, sans être sûr de sa survie.

Histoire de calmer l’opinion publique occidentale, le Conseil national de transition de Benghazi en est à soutenir la fiction que Kadhafi père aurait été tué lors d’un échange de tirs entre loyalistes et rebelles. Comme il n’est absolument question d’accréditer cette même fable sur l’exécution, indéniable, de son fils Mouatassim, silence sur ce point. En fait, effectivement, on ne sait trop de quoi est mort Mouammar Kadhafi : balle dans la tempe, hémorragie sévère due à une sodomie à l’aide d’un instrument tranchant. Le Global Post, CBS, le Huffington Post et d’autres médias révèlent à présent qu’il ne fait aucun doute que Kadhafi père ait été sodomisé et (aussi) victime d’une très forte hémorragie qui aurait pu hâter son décès. Au final, une balle dans la tempe fait meilleur effet.

À Syrte, ce ne sont plus une soixante de dépouilles de prisonniers exécutés qui a été localisée, mais, selon la Croix Rouge, près de 300 cadavres, pas forcément de combattants tués lors des assauts, mais aussi de civils. Les brigades loyales au CNT se chargent d’en disperser les traces. Mais la crédibilité du CNT vis-à-vis des opinions et des gouvernements occidentaux n’est vraiment qu’une question accessoire. S’il ne faut pas s’exagérer la portée de la proclamation de la charia, de la réinstauration de la polygamie et de l’abolition du divorce, il est certain que le CNT doit donner des gages à ceux qui pourraient favoriser son élimination s’il ne marchait pas assez droit.

Double jeu du Qatar… et de la Libye ?

Hillary Clinton et d’autres dirigeants occidentaux commencent à laisser entendre que le Qatar, mais aussi des récolteurs de fonds de divers pays du Moyen-Orient, ont joué double jeu. Nicolas Sarkozy, cul et chemise avec l’émir du Qatar, qui investit fortement dans les affaires des amis du président français, n’a pas cette latitude de commentaire. Mais peut-être sera-t-il heureux d’avoir confirmation que Omar al-Bachir, le président du Soudan – recherché pas trop activement par la Cour pénale internationale, laquelle se garde bien d’accepter la reddition négociée de Seif al-Islam Kadhafi –, se targue haut et fort d’avoir précipité la chute du régime de Kadhafi.

Dans un discours prononcé à Kassala (nord-est du Soudan, autre ancienne colonie italienne), Omar al-Bachir a proclamé que « les forces qui sont entrées dans Tripoli étaient en partie armées par le Soudan. ». Quelles forces ? Al-Bachir (ou el-Béchir) est un ex-lieutenant de 67 ans qui présente pour point commun avec Kadhafi d’être arrivé au pouvoir par un coup d’État lorsqu’il avait atteint, voici 22 ans, le grade de général de brigade. Contrairement à Kadhafi, auquel il en voulait d’avoir soutenu la « révolution » au Darfour, il tolère une certaine liberté d’expression et la présence d’une opposition déclarée. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’a pas appuyé les éléments les plus laïques du CNT, et qu’il a sans doute, contrairement à l’émir du Qatar, réparti son aide entre divers groupes. Cela peut lui donner l’assurance, incertaine, que la Libye future ne favorisera pas sa déstabilisation en accordant refuge à des « rebelles » à son pouvoir.

Sous le coup de deux mandats d’arrêts internationaux (dont un pour génocide) il a été le bienvenu en Éthiopie et en Chine, ainsi qu’au Qatar, en Arabie Saoudite… Il est aussi persona grata dans les États de l’Union africaine. On attend à présent de Bernard-Henri Lévy qu’il lui adresse ses chaleureux remerciements pour son aide désintéressée à la révolution libyenne…

Ventes d’armes compromises

Par ailleurs, la France, soit l’Élysée, aurait fait passer discrètement la consigne d’observer profil bas en Libye à « ses » industriels de l’armement. On se demande bien pourquoi… Craindrait-on que certains généraux retournent leurs armes contre d’autres généraux, colonels ou commandants ? Ou s’est-on enfin rendu compte que certains États proches de diverses factions libyennes n’allaient pas forcément favoriser des contrats d’armes avec la France et qu’il n’y avait pas trop de rétrocommissions à espérer ? On ne sait… Et on ignorera…

Toujours est-il qu’à présent l’opposition danoise se demande si elle avait bien fait de donner son feu vert à l’intervention de l’Otan. Et l’opposition française ? On ignorera. Il n’est pas sûr que la future Libye, elle, puisse longtemps ignorer ce quelle a reçu de la main gauche. D’ailleurs, pour la droite, hors les appuis militaires, elle devra peut-être se tendre plus longtemps que prévu… Quel intérêt, pour des États dont les industriels se verraient souffler des contrats, de dégeler trop rapidement les avoirs libyens et ceux de la famille de Kadhafi ? Attendez-vous peut-être à savoir qu’Aïcha Kadhafi pourra peut-être effectuer en toute discrétion ses emplettes à Paris, chez Vuitton, Guerlain, ou Hermès. Peut-être en obtenant de légères réductions des compagnies dont elle détient quelques actions. Allez, BHL, sourire : le client est roi. Un petit rafraîchissement au Flore ou à La Coupole en compagnie de Moussa Koussa ? Après tout, quand on a fait La Guerre sans l’aimer, on peut aussi tolérer certains voisinages sans forcément les apprécier.

Et puis, certes, la sodomie n’est pas prônée trop fort par le Coran, mais comme le disait Victoria Abril : « ah, si c’est bien fait… ». Kadhafi père ne s’y est en tout cas pas trop bien habitué…

Il y a eu, lors de l’intervention coalisée en Libye, assurément, quelques crimes perpétués. Bah, des crimes… Oui, mais, n’en déplaise à Nicolas Sarkozy, aussi, une faute.
Au fait, BHL protestera-t-il auprès de Nicolas Sarkozy quand des Libyennes, refusant de se voiler, demanderont l’asile politique en France et se le verront refuser ?
On le refuse déjà à des Afghanes qui fuient un « pays démocratique ».
Elles aussi, ce sont des « femmes libérées ». De quoi se plaignent-elles ?

Le Canard : « hypocrisie internationale »
Il n’a pas fallu trop longtemps au Canard pour obtenir des précisions sur l’exécution de Kadhafi. Ce n’était pas facile. Claude Angéli titre : « Kadhafi condamné à mort par Washington et Paris – Obama et Sarko ne voulaient pas qu’il en sorte vivant de crainte qu’il ne parle trop… ». L’état-major de l’Otan a fini par localiser Kadhafi à Syrte, bien après les services secrets allemands (voir notre précédent article sur la Libye). Et estimé, selon Le Canard, que Kadhafi était « impossible à manquer ».
Il y avait une cinquantaine de militaires français à Syrte, précise le volatile. L’élimination physique de l’ex-dirigeant libyen, comme nous l’avons écrit sur Come4News dès l’annonce de sa mort, était programmée. Un conseiller de Sarkozy a même déclaré, « il ne faut pas jouer les hypocrites. ».
Le drone américain a tiré des roquettes, un Mirage 2000-D a largué deux bombes GUB-12 de 225 kilos guidées par la laser : « 21 véhicules détruits et Kadhafi seulement blessé » (et une femme indemne, apprendra-t-on par ailleurs). Ne pas s’étonner non plus si la justice internationale ne veut pas trop que Seif al-Islam Kadhafi lui parvienne vivant.