La polygynie de fait en Libye sera donc restreinte à la polygamie, ce qui permettra peut-être à l’épouse (ou aux épouses) d’avoir – peut-être – davantage leur mot à dire sur les amours ancillaires de leurs époux. Tout dépendra de l’interprétation que les tribunaux libyens feront de la charia. Petites considérations médialogiques sauvages…
En Indonésie, les femmes réclament l’abolition pure et simple de la polygamie.
Elle est pourtant réglementée puisque la première épouse doit signifier son consentement devant un tribunal local.
La pratique est interdite aux fonctionnaires mais les partis religieux, en 2006, ont protesté lorsqu’il a été proposé d’étendre cet interdit à tous les agents de la fonction publique.
En Indonésie, des avancées ont aussi été marquées pour garantir des salaires minima et des jours de congés aux travailleuses migrantes.
Au Maroc, en juin 2001, une convention a été passée pour fixer les règles d’un travail décent « pour les travailleuses et travailleurs domestiques », marocains ou non.
Principes et pratiques
Il n’y aura donc plus, dans les pays à majorités musulmanes, que la Tunisie, la Bosnie, l’Azerbaïdjan et la Turquie à interdire la polygamie. Jusqu’à nouvel ordre. Bien sûr, d’un point de vue « occidental », un État autorisant la polygamie devrait aussi, pour le moins, légaliser la polyandrie (donc accorder la réciproque aux femmes).
Ce qui serait une décision pragmatique si les nationales venaient à être plus que décimées par une endémie propre aux femmes.
Rappelons que la polygamie, qui était pratiquée par les Normands, n’a pas que des visées morales. Elles sont aussi pragmatiques : le Coran visait surtout à donner un statut aux orphelins, après une période de conflits armés meurtriers. Dans un pays comme la Libye, la restauration de la polygamie a bien sûr une portée symbolique, l’essentiel des combats ayant été menés par des milices islamistes ou par les musulmans de Misrata ou du Djebel Nefoussa. Par ailleurs, les imams, prêcheurs et prédicateurs qui s’étaient tus pour éviter la répression menée par, notamment, Moussa Koussa en personne (devenu le protégé des pays coalisés), fouet ou tenailles en main, ont multiplié les incitations à renverser le régime déchu. Il faut bien se les concilier.
L’autre aspect est que nombre d’hommes mûrs et de jeunes gens d’âge nubile sont morts ou estropiés. Le statut de femme célibataire en Libye pouvant exposer à divers inconvénients, les futures autorités doivent en tenir compte. Les vainqueurs, qui prenaient parfois leurs aises avec les domestiques, pourraient trouver les relations hors mariage, sans obligations, un peu trop à leur seule convenance. On peut d’ailleurs tout aussi bien considérer que l’abolition du divorce ne donnera pas licence à répudiation sans contraintes : entre le principe et son application, il y a, à travers la diversité des pratiques dans les pays fondant leur jurisprudence sur la charia, de nombreux subtils accommodements qui ne visent pas tous à renforcer la domination de l’homme sur la femme…
La Libye racontée aux enfants
On nous a dépeint la Libye révolutionnaire sur le mode de la Bibliothèque rose. De la même manière, le régime déchu en donnait une description à la manière de la Bibliothèque verte. La réalité est sans doute beaucoup plus contrastée et complexe qu’un singulier revirement le laisserait présager. Selon une consultation en ligne sur le site du Figaro, très, très vite retirée de la page d’accueil, plus de 80 % des répondants estimaient que la Libye nouvelle ne s’orientait pas vers un régime démocratique. Allons bon. On nous aurait dupés et nous ouvririons soudain tout grand les yeux ?
L’anti-démocratique Yougoslavie titiste l’était peut-être sans doute moins que le portrait qui en était faite. De même n’y a-t-il pas qu’un seul et unique modèle démocratique universel. D’ailleurs, celui de Corbeil-Essonnes, fief de Serge Dassault, n’est peut-être si identique à celui de Sant-Kouled (Saint-Coulitz, ville dont l’ancien maire était Kofi Yamgnane) ou de Sant-Briag (Saint-Briac-sur-Mer).
Le Figaro nous rapporte : « on se presse devant la carcasse du Toyota blindé de Kadhafi ». Comment se fait-il donc qu’un tel véhicule ne soit plus qu’une carcasse ? N’aurait-il pas été atteint par le souffle et les éclats de l’une des bombes de 250 kg larguées par deux chasseurs français ? Bizarrement, les « révolutionnaires » préféraient s’emparer des véhicules encore en état de marche et les évacuer que de les détruire. Mais la question ne sera pas posée. De même, les bonnes questions sur le devenir de la Libye seront-elles vraiment posées ?
On avait pris pour argent comptant les déclarations de la famille Kadhafi qui proclamaient vouloir faire de multiples bains de sang à Benghazi (ville inexpugnable si sa population avait résisté autant que Misrata, beaucoup plus proche de Tripoli, beaucoup moins défendue). Doit-on prendre pour paroles d’or l’affirmation du Figaro selon laquelle la Lybie « n’a pas de culture démocratique » ? Kadhafi n’a certainement pas duré 42 ans sans avoir, au moins un temps, suscité une adhésion démocratique. Ce n’était pas tout à fait le « président éternel » Kim-Il sung.
Droit de regard et vigilance ?
On ne voit pas pourquoi le contribuable français, qui encaissera la note (officielle, 300 millions d’euros, officieuse, sans doute 500) de l’intervention en Libye bénéficierait d’un droit de regard particulier sur les institutions de ce pays. Plus gênant, apparemment : le système bancaire obéirait à la charia. Rappelons que l’occidental cohabitait avec le modèle musulman en Libye, Kadhafi ayant autorisé tant des succursales de banques occidentales que de musulmanes. Et qu’on a rarement vu un directeur ou président de banque musulmane vivre très modestement. De ce point de vue, l’essentiel sera certainement sauf. D’ailleurs, les banques musulmanes du Qatar et du Moyen-Orient qui ont récolté des fonds, des dons, pour la Libye, ont décidé de ne pas s’empresser à secourir les blessés, les veuves et les orphelins, mais d’investir « à plus long terme… ».
Peut-être sera-t-il plus facile à l’époux de plusieurs femmes d’obtenir un prêt pour reconstruire sa maison ? On peut y croire… Pudiquement sans doute, pour ne pas heurter les mentalités, la presse éludera la question. Il sera en tout cas intéressant de se livrer à l’analyse des médias et de comparer leur teneur pré et post-Kadhafi. Gageons que le sujet de la polygamie sera estimé beaucoup plus « porteur » que d’autres…
[i]« … nombre d’hommes mûrs et de jeunes gens d’âge nubile sont morts ou estropiés. »[/i] à ma connaissance ce n’est pas avec le pied que ça se passe… à moins que…