Le clan Kadhafi le dit : Nicolas Sarkozy (avec pour chantre Bernard-Henri Lévy) aurait créé l’autoproclamé Conseil transitoire « national » de Benghazi « de toutes pièces », et se féliciterait de l’avoir armé, financé, &c. Nicolas Sarkozy s’en targuerait dans « ses » négociations avec Tripoli. Bref, révolutionnaires, il faut rentrer dans le rang… Nicolas Sarkozy vous l’intime. Le récent entretien d’Adrien Jaulmes, envoyé spécial du Figaro à Tripoli, avec Baghadi al-Mahmoudi, Premier ministre libyen loyaliste, ne doit sans doute rien au hasard. Reste à faire avaler la couleuvre aux pays européens ou de l’Otan priés de s’exécuter. 

Faute d’avoir « sa » victoire qu’il réclamait à l’état-major français et au chef des armées britanniques pour le 14 juillet, histoire de faire une allocution triomphale en guise de garden-party de l’Élysée, Nicolas Sarkozy serait-il en passe d’obtenir « son » compromis ?
Tant de centaines de morts, de milliers de blessés, et de près d’un million de réfugiés : tout cela pour ça, pour que le petit Nicolas et le petit Bernard-Henri puissent parader, se hausser de la talonnette et col ?

Nicolas Sarkozy a fait donner Gérard Longuet et Alain Juppé dans les médias, pour préparer les esprits et transformer le coûteux fiasco militaire en trompe l’œil : Kadhafi ferait semblant de passer la main à son Premier ministre, Baghdadi al-Mahmoudi, et lui, le chef des armées françaises, pourrait parader.

Où était Andrien Jaulmes, du Figaro, ces jours derniers ? Au pied et en réserve, à Massada (Israël) pour un concert lyrique, au « desk » étranger, à traiter de la « flottille pour Gaza », à Paris auprès de Dan Meridor, vice-Premier ministre israélien, à servir la soupe tel un stipendié de Rupert Murdoch du Times. Et puis, tout à coup, le voici « envoyé spécial à Tripoli ». Non pas pour poser les questions qui fâchent au Premier ministre de la Libye loyaliste, mais pour susciter les réponses qui plaisent à Nicolas Sarkozy.

Cela donne un petit florilège propre à caresser l’opinion française et l’Élysée dans le sens du poil.
« La France elle-même ayant environ 40 milliards de dollars de contrats à elle seule avec la Libye (…) Cette ouverture de Gérard Longuet est positive (…) Tout est envisageable (…) J’appelle à la raison nos amis en Europe, et en particulier notre ami Nicolas Sarkozy (…) Nous voulons croire que la France reste l’amie de la Libye… ».

Pas question de rappeler que le Barheïn éprouve quelques problèmes financiers depuis que l’agence de notation Moody’s a baissé la note de l’Arab Banking Corp. du fait des participations libyennes dans son capital. Cela pourrait tout aussi expliquer ceci que l’usure des matériels français, le désormais faible résultat des frappes et l’incapacité des rebelles à foncer sur Tripoli ou d’y susciter une insurrection. « Amusant », c’est un responsable au patronyme grec, George Chrysaphinis, qui explique que la notation est passée de Baa3/Prime 3 à Ba1/Not-Prime.

Pas question non plus d’évoquer ce que Le Temps (Algérie) rapporte des propos de Seil El Islam Kadhafi, soit que la Libye fait face « à une guerre libyo-française dont les origines sont les avions Rafale et la centrale nucléaire » (qu’Areva devait fourguer au régime de Tripoli, quitte à ce qu’il l’emploie à l’iranienne).

Selon le fils Kadhafi, Nicolas Sarkozy aurait même admis que « c’est l’argent de la France qui a créé le CNT ». On s’en doutait, un peu, soit partiellement. Mauvais retour sur investissement de Total et consorts, donc de l’avocat d’affaires Nicolas Sarkozy, qui doit bien tenir compte des réalités, de ce que lui avaient annoncé certains militaires de haut rang, divers diplomates. Conclusion de Mounir Abi, du Temps,  « une fois le conflit armé et les forces de l’Otan rentrées chez elles, les pays de la région affronteront, eux, l’organisation terroriste d’Abdelmalek Droukdel, alias Aoub Mossab Abdelouadoud, mieux armée, loin des soucis électoralistes de Nicolas Sarkozy. ».
Lequel Sarkozy s’est fait discrètement taper sur les doigts par Barrack Obama et Hillary Clinton pour ses livraisons d’armes (parachutées et autres) qui sont en partie déjà passées, négociées, du côté d’Aqmi (ou Groupe salafiste pour la prédication et le combat).

Selon d’autres observateurs à Bruxelles, le Royaume-Uni pousserait la France à l’enlisement pour retirer ensuite ses troupes et s’imposer en tant que médiateur. Qui dit Royaume-Uni dit États-Unis. Lesquels considéreraient que la Chine ne doit pas tirer son épingle du jeu africain bouleversé par la donne libyenne. De plus, l’amirauté britannique veut un porte-avions avant 2020 et les opérations actuelles grèvent son budget. On peut s’interroger sur l’efficacité des porte-avions à la lumière des opérations libyennes, mais cela représente aussi des postes, des promotions…

Voilà que le porte-parole des Affaires étrangères, Bernard Valero, assure qu’il n’y a pas de négociation directe entre la France et Tripoli. Bien sûr que non. Juste un envoyé spécial du Figaro. Mais « les choses avancent ». Aussi sûr que le recul des forces des commandants du djebel Nefoussa et le piétinement des diverses forces (elles ne sont pas vraiment unifiées) de Benghazi n’influe pas sur ces « avancées ».

Barack Obama a laissé sa « chance » (et notre déficit budgétaire) à Nicolas Sarkozy. Il doit constater que son Congrès n’a pas trop confiance dans les capacités de Nicolas Sarkozy de parvenir à l’issue qu’il envisageait initialement. Donc Obama téléphone à Dimitri Medvedev pour lui signifier que la voie des négociations est ouverte sous réserve que Mouammar Kadhafi joue profil bas. Lequel n’est peut-être pas derrière l’attentat ayant visé en Égypte un relais du gazéoduc qui alimente Israël et la Jordanie, mais dont la capacité de représailles n’est pas autant prise à la légère qui le paraîtrait…

Tout autre chose : les forces de Benghazi et du djebel Nefoussa sont-elles prêtes à poursuivre les combats pendant le ramadan ? Les commandants des diverses unités décident de fait par eux-mêmes, selon le bon vouloir de leurs troupes hétéroclites. La presse française veut voir en elles des médecins, des ingénieurs, des avocats ayant pris les armes. Elle voit surtout les interlocuteurs capables de parler d’autres langues que l’arabe. La réalité du « rang » est sans doute fort différente.
Nicolas Sarkozy ne devait sans doute pas imaginer ces triviales réalités : Tripoli devait tomber tel un fruit mûr. Pour le moment, c’est raté, et il lui faudra bien draper d’habits neufs le rapiéçage de ses ambitions.