La basilique Saint-Georges, située dans la médina de Tripoli, avait été entièrement pillée en juin dernier. Il semble qu’une église homonyme anglicane l’ait aussi été tout dernièrement . Le siège du métropolite grec orthodoxe, Mgr Theophylaktos, actuellement réfugié en Grèce avait été envahi et tous les nombreux objets de valeur ou anciens embarqués par des individus armés. Une demande de rançon a été exigée du président de la communauté grecque de Tripoli, Dimitris Anastassiou, qui l’a récusée, mais n’attendait plus de la police la moindre aide.

Le « Grand Martyr » était sans doute un catholique arménien, un soldat qui tuait les prêtres des cultes décrétés impies par le catholicisme, mais se serait illustré en terrassant un dragon à Silcha, « près de Silène, ville de Libye [et le] blessa de sa lance ».

Il aurait converti l’impératrice byzantine Alexandra et, après de nombreux supplices dont il sortit aussi indemne que les frères Lu de la légende chinoise, il finit décapité.

Ce saint guerrier (il était cavalier de l’empire) fut inhumé à Lydda (Lod) et son culte fut vénéré tant par les chrétiens catholiques que les autres.

Les Libyens musulmans le connaissent au travers de l’expression « l’argent de Saint-Georges » (soit les sommes que le maréchal anglais Montgomery dispensait à ses informateurs libyens au cours des batailles contre le maréchal allemand Rommel).

La basilique Saint-Georges des Slaves, comme elle reste dénommée à Tripoli (ou simplement Mar Gerios), est en fait une ancienne prison ottomane, érigée en 1647, transformée en lieu de culte en 1664.

Les orthodoxes grecs sont estimés à environ un demi-millier à Tripoli, au double à Benghazi. Il s’agit soit de descendants d’anciens colonisateurs crétois (présents en Libye depuis avant 700 AD), soit d’anciens janissaires ottomans reconvertis au christianisme, soit surtout d’immigrants plus récents.

Le métropolite de Libye, présent à Tripoli de 1991 à juin dernier, nommé métropolite en 2004, avait répercuté la nouvelle : « les voleurs se sont emparés du reliquaire de notre saint patron que j’avais ramené du mont Athos. Les anciens évangiles, les calices, les chérubins, les encensoirs, ont été enlevés. ». L’église orthodoxe, l’école annexe, avaient été aussi endommagées par des bombardements de l’Otan début juin dernier.

Il existe aussi une église anglicane homonyme à Tripoli qui selon le chapelain du Caire, qui en a été informé par le révérend Hamdy Sedky, a aussi été pillée au cours des dernières 48 ou 72 heures. Dédiée autrefois à Marie, en tant que lieu de culte catholique romain, elle fut confiée aux anglicans par Kadhafi en 2008. Lequel avait restitué aux différentes églises des lieux de culte autrefois confisqués.

Ces deux faits n’ont pas une portée significative très étendue mais montrent qu’à Tripoli, au cours des dernières semaines, un climat d’insécurité s’était déjà instauré. Des Libyens, même si la majorité tolère les autres religions (quoique Kadhafi se soit emparé des biens de la communauté israélite, provoquant un exode des Juifs libyens), n’auraient sans doute jamais osé s’en prendre à des lieux de culte si le régime n’avait pas déjà vacillé ces dernières semaines, y compris dans la capitale. Par ailleurs, les insurgés n’ont pas pu rétablir un semblant d’ordre dans la capitale ces dernières heures.

Radio Vatican estime que les autorités de Benghazi assureront la liberté des divers cultes. Mais quelques voix inquiètes se sont élevées, dont celle de l’éditorialiste de La Vie (ex-« catholique »), Jean-Pierre Denis : « d’expérience, les chrétiens du monde arabe savent assez que la chute des dictateurs ne signifie pas forcément l’avènement d’un monde meilleur. La guerre détruit mais ne sème rien. De son ventre affreux peut sortir, par exemple, une nouvelle vague de fanatisme. ».

Il concluait, après avoir évoqué le « cynisme » de Nicolas Sarkozy : « de ce point de vue, le pari n’est pas gagné, loin s’en faut. ».

La Libye est de fait entrée dans une totale effervescence et si les laïques se posent la question des droits des femmes (que Benghazi assure vouloir approfondir), les questions religieuses ne doivent pas non plus les laisser indifférents.