Mouammar Kadhafi a été tué, affirme un commandant rebelle de Syrte, mais initialement, l’information n’était pas confirmée par le Conseil transitoire (CNT) et une chaîne pro-Kadhafi démentait. Mais ce qui retient l’attention, ce sont les déclarations qu’un convoi fuyant Syrte aurait été frappé par un chasseur de l’Otan. Selon la première version qui émerge, Kadhafi aurait été attaqué par l’Otan, aurait pu se réfugier dans un conduit d’eaux usées, et il aurait été blessé (initialement ou de nouveau) par des combattants des brigades de Misrata. Au fur et à mesure que s’écoulait l’après-midi, la confirmation de sa mort devenait certaine, mais ses circonstances en restaient confuses… Le fil des événements à partir de 15:00, heure de Paris…

 

Situation encore confuse en Lybie, à 15:00 heure de Paris. Associated Press rapporte que le Conseil militaire de Misrata affirme que ses hommes se seraient emparés de Kadhafi, blessé, à l’ouest de Syrte tandis qu’un autre commandant, Abdel-Basit Haroun, donne l’ancien chef d’État libyen tué par une frappe aérienne, parmi d’autres tués ayant formé un convoi qui fuyait le seul quartier de Syrte résistant encore à l’offensive.
Voici peu, le contrôle aérien de l’espace au-dessus de Benghazi a été rendu au CNT et l’Otan évoquait la fin de sa mission de frappes « pour protéger les civils » au profit de simples vols de reconnaissance. Aucune confirmation officielle n’est déjà donnée, les comptes rendus partiels sont contradictoires, mais Abdel-Basit Haroun est un autre commandant, non rattaché au Conseil militaire de Misrata.
Avoir capturé ou tué Kadhafi ferait bénéficier symboliquement la brigade l’ayant fait d’un renom très particulier. Le déclarer mort à la suite d’une frappe aérienne permettrait de se préserver d’éventuelles représailles de membres de la tribu des Kadhafi.

Al-Jazeera a donné Kadhafi tué ce jeudi alors que, dans un premier temps, une télévision libyenne le donnait blessé et capturé. Le commandant Mohamed Leith affirmait qu’il respirait encore. Il était donné capturé en même temps que son fils Mouatassim (donné plusieurs fois pour mort, ainsi que d’autres fils de Kadhafi), Mansour Daou et Abdallah Senoussi, deux chefs des forces de sécurité du régime déchu.
De son côté, Reuters cite un autre commandant confirmant que Kadhafi aurait été tué par un avion de l’Otan ayant frappé un convoi fuyant Syrte.
Le général Abou Bakr Younous Jabr aurait aussi fait partie de ce convoi. Hier encore, d’autres sources donnaient Kadhafi dans le sud de la Libye, en train de rallier des partisans.

Selon Al-Jazeera,  Abdul Hakim Al-Jalil, commandant la 11e brigade, aurait montré une photo de Younous Jabr et affirmé que Kadhafi était entre les mains de ses troupes.

Depuis, Al-Jazeera a cité Mahmoud Shammam, ministre de l’information, qui aurait déclaré à Reuters que des forces du CNT auraient tué Kadhafi.

Pour sa part, l’Otan a confirmé avoir bombardé deux véhicules militaires à proximité de Syrte « à approximativement 08:30, heure locale », ces véhicules faisant partie d’un convoi plus important. Un autre officiel de Benghazi a indiqué à Al-Jazeera que le corps de l’ex-colonel « aurait été transporté dans un lieu secret. ».

Cela fait beaucoup de confirmations, mêmes contradictoires, contre un seul démenti, dont la crédibilité n’est guère certaine. Vers 15:15, heure de Paris, Al-Jazeera employait « reportedly killed » (conditionnel) mais commençait à diffuser une rétrospective de la vie du colonel qui, âgé de 27 ans, s’était emparé du pouvoir en Libye. La photo AP de Kadhafi présumé blessé et, semblait-il, encore vivant, commençait à être reprise par divers médias et relayée par l’AFP. Ce qui est sûr, c’est que Syrte serait totalement tombée, les assaillants ne rencontrant plus, disaient-ils, la moindre résistance.

Depuis Benghazi, Abdel Hafez Ghoga confirmait la nouvelle tandis que des Libyennes et des Libyens  manifestaient leur liesse, tant dans la ville que dans la capitale, Tripoli. Selon Al-Jazeera, le convoi bombardé par l’Otan aurait compté une centaine de véhicules. Il serait fort étonnant que Kadhafi ait pris place dans un véhicule visiblement armé, ce qui faisait de lui une cible de choix. L’autre hypothèse est qu’il aurait choisi de mourir ainsi, du fait d’une frappe aérienne. On l’apprendra par la suite, ce ne fut pas tout à fait le cas.

Selon Reuters, le corps de Kadhafi aurait été évacué en direction de Misrata (ce qui sera confirmé). Al-Arabya affirme que sa dépouille sera exposée et filmée. Des informations contradictoires continuaient d’être diffusées. Un combattant a affirmé à AP que Kadhafi (déjà blessé ?) aurait été blessé par une balle de 9 mm. D’autres informations font état d’un pistolet en or qui aurait pris sur le corps du blessé. L’AFP en diffuse une photo, le pistolet étant brandi par un jeune homme porté en triomphe.

Par ailleurs, Sky News annonce que Seif al-Islam Khadafi aurait pu fuir Bani Walid et serait en fuite dans le désert libyen. Mais d’autres médias, comme Al-Arabiya, font état d’information en provenance du CNT selon lesquelles il aurait été lui aussi capturé. Mutassim Kadhafi aurait été capturé dans Syrte, rapporte Al-Hurra TV tandis que d’autres médias le donnent pour mort.

Le Premier ministre des Pays-Bas, Mark Rutte, a pour sa part estimé que Kadhafi était vraiment mort. Ben Farmer, du Daily Telegraph, a été conduit à l’endroit où le convoi fuyant Syrte aurait été attaqué par un chasseur de l’Otan. Selon ce qu’il lui a été montré, Kadhafi et des gardes du corps auraient trouvé refuge dans une tranchée d’évacuation d’eaux usées. L’attaque se serait produite à environ 3,5 km à l’ouest de Syrte. Ben Farmer n’indique pas si Kadhafi était déjà gravement blessé.

Tea break & round up

16:00, heure de Paris. Al-Jazeera diffuse une photo de celui qui semble être Kadhafi, torse nu, vraisemblablement déjà mort, emporté vers un véhicule pour être évacué. Abdul Hafiz Gogha confirme que Kadhafi a été tué « par les révolutionnaires ». Soit son véhicule a d’abord été frappé par l’Otan, soit le convoi a été immobilisé, puis Kadhafi a pu le quitter, blessé ou indemne, et il aurait été ensuite achevé, possiblement d’une balle dans l’abdomen, par un ou des combattants. Bizarrement, Al-Jazeera diffuse à la presse étrangère la photo d’un Kadhafi évacué, mais ne la reproduit pas sur son site (tout en faisant état : « Confirmed photograph of ousted Libyan leader Muammar Gaddafi after he was captured and killed by rebel fighters. ».), du moins pour l’instant.
The Daily Telegraph produit une autre photo de la dépouille de Kadhafi, ensanglantée mais non dépouillée déjà de ses vêtements, évacuée par ce qui semble être des infirmiers ou des médecins.
Les combattants ont déjà tracé des graffitis comme « voici l’endroit où ce rat de Kadhafi se planquait… », rapporte Reuters.

On ne peut encore préciser si Kadhafi a été d’abord blessé par une frappe aérienne ou exécuté, alors qu’il était sauf, par les combattants l’ayant découvert.

Cependant, version contradictoire recueillie par la BBC : Gabriel Gatehouse rapporte qu’il s’est entendu déclarer par un combattant que Kadhafi se cachait « dans un trou au centre de Syrte » et qu’il se serait écrié « ne tire pas ! ». Ian Black, du Guardian, commente sobrement qu’un procès aurait pu être gênant et que le nouveau gouvernement « sera plus à l’aise avec un Kadhafi tué au combat par rapport à un Kadhafi qui aurait tenu tête devant n’importe quel tribunal. ».

Une vidéo très confuse d’Al-Jazeera montre la dépouille de Kadhafi traînée au sol et possiblement frappée à coups de pieds. The Guardian met en ligne sur son site avec cet avertissement « Graphic images ». Pour sa part, The Telegraph reproduit une photo du cadavre d’Abou Bakar Yunis, toujours de source Al-Jazeera. Et diffuse à présent la vidéo en légendant « the body of Colonel Gaddafi being kicked through the streets. » (la dépouille frappée à coups de pieds).

Vers 16:30 (Paris) des combattants de Misrata affirmaient que le corps de Kadhafi se trouvait à présent dans une mosquée de leur ville. La mort de Seif al-Islam était de nouveau annoncée : il aurait trouvé la mort près de Bani Walid. Mais la nouvelle était aussitôt contredite par Channel 4.
Pour Kadhafi, la comparaison avec Nicolae Ceaucescu, le président roumain exécuté après un simulacre de procès, commence à être fréquemment évoquée. La différence évidente est que Kadhafi a sans doute été achevé par un « sans grade ».

Le NTC indique que le général Yunis aurait été tué « lors d’une attaque d’un convoi », mais n’indique pas par qui. On ne sait donc pas si des ordres ont été donnés ou si des combattants de Misrata ont pris l’initiative d’attaquer ce convoi qui aurait frappé par l’Otan. Al-Jazeera met en ligne la vidéo de la dépouille de Kadhafi (déjà diffusée sur YouTube) sur son site. Abdul Hafiz Ghoga réitère ses déclarations, en précisant que Kadhafi a été tué « près de Syrte » (et non dans Syrte). Le Premier ministre par intérim, Jibril, fait à présent état d’un convoi fuyant Syrte et de la présence de Seif al-Islam Kadhafi. On ne comprend pas : s’agit-il des restes du convoi attaqué ou d’un autre ?

G. Longuet, ministre français de la Défense, estime : « c’est une bonne issue ». La version Kadhafi des relations avec la France sera le fait de… sans doute des vainqueurs. Le ministre polonais des Affaires étrangères regrette « que le colonel Kadhafi n’ait pas été jugé par un tribunal en Libye ou à La Haye. ». Cela aurait sans doute été plus simple en Libye, pour nombre de dirigeants (dont Tony Blair, Nicolas Sarkozy). François Hollande commente : « sa disparition empêche le procès qui aurait dû avoir lieu ». La chute de Kadhafi aura pris 243 jours…

Solidarité
« Les gouvernements professant actuellement leur solidarité avec la population de ces pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont les mêmes que ceux qui, jusqu’à récemment, fournissaient les armes, les munitions et autres équipements militaires et de police utilisés pour tuer, blesser et soumettre à des arrestations arbitraires des milliers de manifestants pacifiques dans des États tels que la Tunisie et l’Égypte », a sobrement rappelé Helen Hugues, d’Amnesty International. Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, États-Unis, France, Italie, République tchèque, Royaume-Uni et Russie ont été les principaux pays fournisseurs, indique le rapport d’Amnesty. Pour la Libye, l’Espagne n’était pas en reste, livrant des bombes à sous-munitions et des obus de mortier MAT-120.
Alain Juppé salue « la fin de 42 ans de tyrannie. ». Une nouvelle ère de livraisons commence. Celle des membres de la famille de Kadhafi par l’Algérie à la nouvelle Libye : Jibril vient d’en faire une nouvelle fois la demande au gouvernement algérien, réclamant Aicha, Mohammed et Hannibal Kadhafi et l’épouse du défunt. Dans le concert des congratulations, seules des infirmières bulgares se détachent : « ce qui nous importe, c’est que notre innocence soit à présent établie » (ce qui sous-entend : par les mêmes qui nous avaient condamnées, du moins, les survivants).

Mutassim Kadhafi, qui avait été photographié vivant, blessé à Syrte, est annoncé mort à présent. Ban Ki-Moon a déclaré : « le temps n’est plus à la revanche ».

Seule note discordante, la déclaration de Kathleen Brooks, de Gain Capital, pour La Presse (Canada) : « la mort de Kadhafi ne veut pas dire que les combats vont cesser. La Nina doit nous amener un hiver très froid sur la côte est américaine et en Europe. Il y a donc plusieurs facteurs qui vont influencer le prix du pétrole. La Libye n’est qu’un facteur. ». À défaut de messe, les laudes sont dites…

Actualisation

De Libération, diffusant une vidéo d’une chaîne arabe :

« 18 heures. Kadhafi vivant au moment de son arrestation? Selon cette vidéo, cela semblait bien être le cas. ». Eh oui, peu avant sa mort, il était toujours vivant. Mais aux mains, multiples, de gens ne lui voulant pas vraiment du bien. Il est en fait d’abord traîné sur le capot d’une voiture, puis saisi par les cheveux, contraint de marcher et frappé, avant, peut-être d’être achevé. À présent, les récits les plus contradictoires s’entremêlent. Kadhafi aurait tiré avant d’être pris ou, au contraire, il aurait demandé à ce qu’on ne lui tire pas dessus.
The Telegraph n’y va pas par quatre chemins : il a été exécuté (« in what is thought to have been an execution-style killing »). Le CNT indique qu’il serait décédé « dans une ambulance ».
Selon toutes les apparences, il serait donc mort deux fois.
Selon Al-Arabiya, son fils Seif al-Islam serait aussi mort que son frère Mutassim. Mais pour Al-Jazeera, il ne serait que blessé. Au point de trépasser dans une ambulance ?

L’Otan décline toute responsabilité par avance : ce ne seraient pas les cahots dus aux trous dans les chaussées provoqués par les bombardements qui seraient la cause de ces malencontreux décès, mais la fatalité. Selon un médecin, interrogé par AP, Kadhafi serait mort d’une balle dans la poitrine et d’une autre dans la tête. Mais la cause réelle ne serait-elle pas une subite crise d’appendicite ? Amnesty International vient de demander l’ouverture d’une enquête indépendante sur les causes de son décès. Selon The Telegraph, il serait mort d’une balle ajustée dans la tempe. « C’est la fin d’un long calvaire… », a commenté Bernard-Henri Levy. De profundis.