Le papier du Tripoli Post, reprenant une dépêche Reuters sur la grève frappant la première compagnie pétrolière libyenne, Waha Oil Company, débute bien : « Sous Kadhafi, pas question de droits des salariés ; les grèves et les syndicats étaient illégaux… ». La suite est plus cocasse, car c’est la grève… Pendant ce temps, un fonds placé dans une banque islamique qatarie, destiné à aider les populations dans la détresse, gèle ses versements aux réfugiés, blessés, affamés. Il a mieux à faire : investir sur le long terme. Bienvenue dans la Libye libérée.
« Pour la première fois depuis 42 ans, les salariés réussissent à tester leurs forces dans l’unité, » se réjouit le Tripoli Post.
Dans quelques temps, le Tripoli Post se réjouira qu’un Maurice Thorez local condamne toute grève et toute revendication salariale, comme pour les mineurs du Nord et du Nord-Est de la France, au sortir de la Deuxième Guerre, car la priorité sera de reconstruire le pays. S’il n’émerge pas, il faudra bien finir par l’inventer…
Pour le moment, l’affaire de la grève de la Waha Oil Company m’évoque la mésaventure survenue à un mien cousin, qui avait ouvert un bar près d’El Oued, base arrière des pétroliers d’Hassi Messouad, peu avant l’indépendance de l’Algérie.
L’OAS passait pour dire : « tu es un ancien militaire et un Français, donne. ».
Puis c’était le FLN : « tu es né au Maghreb, tu parles l’arabe, tu es proche de nous, donne, verse l’impôt révolutionnaire. ».
Il a fini par plier bagages.
La Waha Oil était filiale commune de National Oil Corporation, la compagnie nationale libyenne, et de trois compagnies américaines, ConocoPhillips, Marathon et Amerada Hess. Elle entendait continuer à fournir pour Wintershall, Total S.A. and Zuietina. Oui, mais voilà. D’abord ses installations ont servi de refuge à des troupes loyalistes, ce qui a incité la coalition à les détruire en partie, et les insurgés ont parfois fini le travail, soit pour déloger les loyalistes, soit en représailles. Mais il était question de faire repartir à fond la machine, soit l’extraction et l’acheminement du brut.
Oui, mais, les employés ne l’entendent pas de cette oreille. Puisque les cadres ont collaboré avec les loyalistes, ils doivent être démis, et les salaires doivent être mieux répartis. Notez qu’il n’est pas question de s’en prendre au grand patron, juste aux directeurs et aux ingénieurs. Lesquels peuvent rétorquer qu’ils ont bien été obligés de collaborer. Mais l’ancien Pdg, Bashir Alashhab, a été cependant remplacé par Nouri Berouin. Ce dernier, faute de cadres nouveaux disponibles, a plaidé pour que le NTC traite les anciens collaborateurs avec équité. Pour le moment, les salariés ont obtenu gain de cause.
Les réfugiés… plus tard
De leur côté, Jessica Donati et Joseph Logan, de Reuters, rapportent qu’un fonds qatari d’aide à la Libye, dirigé par Mazin Ramadan, a récolté plus d’un millard de dollars. Mais n’en a pas redistribué beaucoup. Et n’a pas l’intention de faire au profit des réfugiés. C’est aux ONG internationales de s’en occuper, a déclaré Mazin Ramadan. Lui a mieux à faire. Préparer le long terme. Et financer de toutes nouvelles ONG libyennes. Le Qatar, qui armait les milices islamistes, sans passer par le CNT, a confié les fonds libyens voici peu gelés à un certain Temporary Financing Mechanism. Lequel, avec les fonds placés dans les banques islamiques locales, prendra tout le temps nécessaire pour bien faire les choses, a indiqué le ministre adjoint qatari aux Finances, Emraja Gaith.
Mustafa Abdel Jalil tend donc la sébile aux Canadiens, aux Français, à qui veut bien l’écouter. L’émir du Qatar préfère entretenir ses propres factions. Le Temporary Financing Mechanism disposerait d’environ 900 millions de dollars, ayant aussi bénéficié d’un prêt de l’Allemagne. Autant à faire fructifier avant de choisir où investir. Charia bien ordonnée commence par soi-même.
Dans ces conditions, on peut comprendre que les travailleurs libyens du pétrole se mettent en grève. Ils ont des familles à nourrir, comptant parfois des blessés. Bah, n’ont-ils pas recouvré la liberté : les hommes et les femmes ne se nourrissent pas que de pain, n’est-il pas ?
Attendez-vous cependant à savoir que MSF, MDM, voire la FAO et la Croix-Rouge vont vous sensibiliser au sort des Libyennes et des Libyens restant réfugiés en Tunisie, à Malte ou en Égypte.
Se payer sur la bête
Si la pseudo-manifestation de quelques présumés loyalistes, vendredi dernier, brandissant un drapeau vert dans le quartier d’Abu Salim, à Tripoli, n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer. Les milices passent à présent tout le quartier au peigne fin, se servant à l’occasion sur la bête, et veulent étendre les opérations à tout Tripoli. Il faut venger les 30 blessés de l’incident, lesquels seraient dus à des « tirs amis » (il y aurait eu trois morts, dont deux « loyalistes »). On en serait presque à se demander si ce ne sont pas des affrontements « internes » qui auraient justifié, après coup, cette histoire de manifestation loyaliste.
Syrte est déserte, et tant qu’à faire, autant évacuer de leurs contenus les habitations à moitié démolies aux armes lourdes. À Bani Walid, les loyalistes cèdent aussi du terrain. Faute d’obtenir assez des richissimes hommes d’affaires de Benghazi ou Tripoli ayant choisi à temps le bon camp, les « révolutionnaires » se rabattent sur les possessions des autres. C’est assez compréhensible : quand on a rien, ou très peu, il faut bien faire avec ce qu’on trouve.
Il n’y aura pas d’assaut final à Syrte : le CNT veut prendre vivants des responsables, possiblement un fils de Kadhafi et l’ancien ministre de la Défense. C’est du moins la raison invoquée. On ne sait plus combien de civils se trouvent dans les deux zones assiégées : au cours des dernières semaines, les chiffres divulgués pour l’ensemble de la ville ont varié considérablement, dans des proportions de un à cinquante. Mais est-ce bien là encore l’essentiel ?
Oil Libya vient de se voir interdire toute importation de pétrole et toute activité au Kenya. C’est Total Kenya et Shell Kenya qui se réjouissent.
De l’envoyée spéciale du [i]Monde[/i] à Syrte, Cécile Hénnion :
« [i]Le docteur Farraj, un psychiatre de Benghazi, qui organise sur le front le ravitaillement en médicaments et en nourriture pour les rebelles et les civils, pense qu’à Syrte [/i] »Kadhafi a gagné la bataille médiatique ». « Il a fait passer les rebelles pour des terroristes et des islamistes. Les femmes hurlent et pleurent à nos check-points comme si elles arrivaient en enfer, alors qu’on voulait leur offrir la Libye libre », [i]lâche-t-il avec dépit[/i]. »
Tiens, on se demande bien pourquoi. Pour qui, on sait.
On ne se lasse pas des propos kadhafiste de Jeff !
Ah le bon temps de Kadhafou ! La fierté du monde musulman, le cauchemar des occidentaux (à moins que ce ne soit l’inverse ?). On en redemande !
Qu’il se rassure, s’il y en a qui tombe, d’autres se lèveront. Patiente, les impies occidentaux passeront eux aussi au fil du sabre de la soumission !
Allah O Akbar !
Les tractations des membres du CNT n’exonèrent pas du tout le clan Kadhafi de ses exactions et responsabilités, Nordi. Si on reprend tous mes nombreux articles sur la Libye, aucun ne loue Kadhafi (et encore moins sa clique familiale).
En revanche, oui, je déplore l’assassinat des petit-enfants de Kadhafi par une ou des frappes aériennes ciblées.
En tout cas, Sarkozy, fierté du monde occidental, à d’autres…
C’est le raisonnement typique des « bobo » Français : c’est celui qui a provoqué qui est la victime et on mord main à celui qui la tendue !
Laissez les Libyens faire leur révolution comme ils l’entendent ! Vous avez eu votre révolution, fichez-nous la paix ! Si vous êtes en mal de révolution, venez vous battre à nos côtés ou alors taisez-vous.
Allah O Akbar !