Manifestement, le philosophe et fin stratège Bernard Henri Lévy semblait fort indigné sur les ondes de France inter en ce jeudi matin de 17 mars, face à la frilosité de la communauté internationale par rapport à la conduite à tenir vis à vis de la Libye ! Tellement bouleversé par le sort des Libyens qu’il s’exprimait avec fougue, avec colère tout en martelant ses mots pour mieux nous éclairer et nous mettre en garde contre les dangers potentiels qui nous menacent en cas de victoire de Mouammar al Kadhafi. Meurtri à l’idée de décevoir les insurgés non "islamistes" qui, après la prompte reconnaissance par Nicolas Sarkozy du Conseil national de transition, instance dirigeante mise en place par les insurgés, avaient hissé le drapeau français en guise de remerciement, Bernard Henri Levy si zélé s’est presque pris pour l’instigateur de la révolution libyenne ! "Allez-y les gars, a-t-on dit aux insurgés, et aujourd’hui, on baisse les bras!! ".

 Aussi a-t-il déploré avec la même virulence les tergiversations concernant le secours international et surtout l’inutilité de résolutions onusiennes pour agir en cas de péril imminent assurant que l’échec de la révolution libyenne équivaudrait à la mort du printemps arabe. Et, débordant d’emotions pour les Libyens, le philosophe n’a pu s’empêcher de surenchérir dans sa description du macabre scénario éventuel à venir, nous brandissant sa menace fêtiche, suprême, à savoir la nucléarisation de l’Iran…Par conséquent, selon lui, pour ne pas voir la ville d’un million d’habitants "ensanglantée sous des drapeaux français"( comble de l’horreur !), BHL, le visionnaire averti, préconise sans ménagement une intervention  destinée à couper net la progression des forces du guide  vers Benghazi .

Et ce soir la tension monte car les propos assénés par BHL semblent sur le point de se concrétiser du fait de l’agitation dans  les hautes sphères disposées à frapper le colonel avant qu’il ne soit trop tard. Une chose est sûre, pas de veto de la part des Etats-Unis lors du vote qui aura lieu sous peu et je viens d’apprendre à l’instant que le droit du recours à la force est obtenu !

Bizarrement, cette option guerrière à caractère "humanitaire" pour porter secours à des Libyens mis en danger par leur propre dirigeant ne prête pas vraiment à l’euphorie tant les antécédants de ces défenseurs sont redoutables et tant la ferveur matinale du stratège partial m’a semblé suspecte. Comme des relents de l’invasion de l’Irak, comme une préparation du terrain…

 BHL n’a exprimé aucune empathie à l’endroit de ces Bahreïnis campant sur la Place de la perle à Manama. Des hommes épris de liberté qui trinquent sous une dynastie vieille de 200 ans laquelle dynastie abrite les Bases aériennes et navales des forces armées américaines et que l’on réprime dans le sang en faisant appel en renforts à des soldats saoudiens, des policiers émiratis. Et pourtant  la situation y est non moins dangereuse qu’ailleurs et facilement inflammable par les partisans des tensions sunnito-chiites !  

 La question qui se pose est de savoir si l’on peut véritablement faire confiance à une intervention menée par ceux-là même qui n’ont  jamais parlé de zones d’exclusion aérienne en d’autres lieux, d’autres temps, d’autres circonstances comme au LIban, à Ghaza ou ailleurs. Ceux-là mêmes qui demeurent indifférents en l’absence d’or noir, en l’absence d’intérêts personnels. Ceux-là même qui ont semé le pire des chaos en Irak, en Afghanistan, leur ingérence serait-elle salvatrice, n’aggraverait-elle pas davantage la situation actuelle tout en la laissant s’enliser dans le chaos ?  Une telle ingérence ne serait-elle pas une confiscation de cette révolution et pourquoi est-elle si tardive ? Ne serait-ce pas là une stratégie mûrement réfléchie que de laisser trainer jusqu’à laisser ces révolutionnaires farouchement opposés à une intervention étrangère toucher le fond afin de les faire infléchir ?