Il n'avait pas fallu longtemps pour que les grenouilles ne se mettent en action. A peine la libération d'I.Betancourt acquise que déjà le PS mettait en garde le président contre une possible récupération politique. B.Delanoe a ouvert la danse mais discrètement en demandant qu'il n'y ait "aucune récupération politique", "pas de spectacle mais de la joie, de la joie, de la sincérité, de la pureté, de la sobriété". Les autres réactions ont également ajouté à cette ambiance de tentation de récupération vs dénonciation de la récupération, la droite n'était pas au-dessus de la gauche dans ce bal des grenouilles.

La droite n'est pas au-dessus de la gauche dans cette histoire sauf peut-être P.De Villiers dont la réaction et l'analyse a été la plus intelligente de celles que j'ai entendu, mais en tout cas, tout le monde a été bien au-dessus de S.Royal dont la réaction a déclenché une vive polémique même dans son camp. "Tout le monde le sait, c'était une opération colombienne rondement menée qui prouve que les négociations avec les FARC étaient inutiles et n'avaient débouché sur rien", a déclaré l'ancienne candidate socialiste à la présidentielle. "Voilà : ni polémique, ni récupération politique qui serait totalement décalée parce qu'en l'occurrence, Nicolas Sarkozy n'a été absolument pour rien dans cette libération".

Il est plus que marrant de la voir soutenir de manière si forte et solidaire le président A.Uribe dont beaucoup dans son camp en avait fait le principal responsable de la situation d'I.Betancourt, de la voir soutenir la manière forte et l'armée de cette façon elle qui était prête à échanger un porte-avions contre une augmentation de salaire des enseignements pendant la campagne, de l'entendre discréditer les négociations comme si elles n'étaient qu'une vulgaire perte de temps et qu'il ne fallait pas de compromissions avec l'ennemi alors que beaucoup étaient prêts à toutes les compromissions avec le diable lui-même plutôt que de laisser A.Uribe faire le job et réduire en miettes cette narcoguerilla. Si cette position marque un véritable revirement de position de S.Royal sur ces sujets, cela serait un sacré changement, une rupture même et il faudra plus que s'en féliciter. Mais j'ai bien peur que ce soit autre chose. Que ce soit simplement un dénigrement du président qui ait mal tourné. Dans la course au congrès socialiste, S.Royal avait choisi l'option d'être celle qui tape le plus fort sur N.Sarkozy pour garder sa légitimité de meilleure opposante confiée par son statut d'ancienne candidate. Sur ce coup, la tactique a simplement mal tourné et s'est retournée contre son auteur. Dommage…mais inquiétant également de savoir que la finaliste de la dernière présidentielle considère tous les sujets (je dis bien tous les sujets car quand on est prête à faire cela à propos de la libération d'une otage qui a passé 6 ans dans la jungle, on peut le faire sur tous les autres sujets) comme des batailles politiciennes.



Mais après cette première phase des grenouilles, le temps des chacals a suivi presqu'aussi rapidement. Vendredi 4 juillet à partir de 12h, l'AFP a commencé à diffuser dans ces différents communiqués liés à la libération d'Ingrid Betancourt, le texte suivant "Selon la Radio Suisse Romande, des dirigeants des FARC auraient touché 20 millions de dollars pour cette libération et l'opération de l'armée n'aurait été qu'une mise en scène". Dans tous ses communiqués à propos de la libération d'I.Betancourt. L'occasion est trop belle de jeter le soupçon sur A.Uribe pour tous les droits-de-l'hommistes, les gauchistes et autres opposants bien pensants surtout qu'entre-temps  le Mossad et la CIA sont apparus dans le paysage et que lorsqu'une de ces deux entités apparaissent sur les radars alors toutes les théories du complot, toutes les manipulations, tous les coups fourrés sont désormais crédibales. La porte était ouverte pour tous ceux qui piaffaient d'impatience pour démolir A.Uribe, les Etats-Unis, Israël et N.Sarkozy. Et ca en fait du monde…Désormais, la libération d'I.Betancourt ne serait qu'un "coup monté", certains auraient acheté la liberté d'I.Betancourt et on imagine déjà les scénarios des agents du Mossad posant le canon sur la tempe d'Ingrid pour la forcer à suivre la version "officielle"…

Cependant dans la réalité, il n'est point question de rancon versée et encore moins de fausse opération. Tout au plus, il y aurait pu avoir un paiement pour retourner un guérilleros clé. Cela n'est pas confirmé par les colombiens mais cela n'aurait aucune espèce d'importance car cela fait partie des méthodes de la guerre. Quand on cherche un peu d'où vient l'information reprise par l'AFP on s'aperçoit vite qu'elle vient de "Simon Gonzalez" représentant des FARC en Suisse qui a été interviewé par Frédéric Blassel, journaliste à la Radio Suisse Romande qui se situe légèrement à gauche…de Fidel Castro. Simon Gonzalez est le bienvenu en Suisse tout simplement parce que le Département Fédéral des Affaires étrangères (DFAE) est dirigé par une Conseillère fédérale socialiste à tendance alter-mondialiste. En clair, cette information est la version officielle des FARC recueillie et diffusée par les soutiens aux FARC et reprise par les sympathisants des FARC. Ce qui est inquiétant (comme je l'avais déjà dit pour les réactions françaises à la libération et qui il fallait remercier) est que tout le monde est prêt à croire n'importe quoi sans regarder plus loin sur l'origine de l'information plutôt que d'apprécier le bonheur de retrouver Ingrid vivante et entière et de s'en remettre à la parole d'A.Uribe. Comme si la libération était secondaire devant un enjeu plus important (lutter contre tout ce qui est de droite et pro-américain), cette affaire n'était qu'un épisode de plus dans cette lutte et qu'une distraction pour l'opinion publique alors qu'il s'agit quand même d'un petit peu plus que cela (le sort d'une femme qui a été otage pendant 6 ans, le combat contre une narcoguerilla sanglante et inhumaine et nos relations diplomatiques avec la Colombie et l'Amérique du Sud plus généralement). Mais quand je vois les réactions des grenouilles, je me dis que c'est sûrement le cas. Voir l'opinion publique débattre d'une possible rançon et d'une manipulation est tout aussi affligeante. On attend plus que la demande de commission d'enquête parlementaire du PS pour savoir si c'était de l'argent français. D'ailleurs, B.Kouchner pourtant ministre des Affaires Étrangères, se mêle à ces bassesses en déclarant qu'"il y a pas eu d'argent français". Il est loin le temps où les ministres servaient à autre chose, par exemple à s'occuper de la diplomatie et de la politique étrangère pour un ministre des Affaires Étrangères…

 

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Mais en parlant de distraction de l'opinion publique, ce qui est bien c'est que des fois la réalité ramène tout le monde sur terre et que certains doivent assumer les conséquences des positions prises pour faire plaisir, se faire plaisir…Ainsi, l'Elysée a annoncé vendredi (the trash day pour les amateurs de West Wing) dernier pendant le plein boom de la polémique de la rançon et donc dans la plus grande discrétion possible que le président de la République se rendra bien en Chine pour l'ouverture des JO. Je m'en félicite sur le fond car je pense qu'il faut y aller mais sur la forme, voilà comment se termine donc la menace du boycott des JO : la queue entre les jambes et en catimini, le président de la République Française ira comme tout le monde à la cérémonie d'ouverture. Et qu'avons-nous (quand je dis nous, je parle des français en général) gagner dans cette mascarade droits-de-l'hommiste ? Rien, nous nous sommes fâchés avec les dirigeants chinois, ce qui n'est pas très grave car la France regagnera leur confiance en continuant à soutenir la fin de l'embargo sur les ventes d'armes, mais surtout nous nous sommes fâchés avec la population chinoise (1,4 milliards d'habitants quand même!), ce qui est beaucoup plus embêtant pour l'avenir surtout si cela venant à perdurer et en plus, la Chine n'a pas fait une seule concession sur le Tibet et n'en fera pas de sitôt car cela ouvrirait la porte à une situation intérieure explosive pour la survie de la dictature communiste. Au final, nous nous sommes juste ridiculisés un peu plus en exposant au monde entier notre propension légendaire à faire des leçons de morale qui ne donnent aucun effet. Et c'est la position du président Sarkozy et de la France sur la scène mondiale qui s'affaiblit encore un peu…

Cela apprendra au président à mélanger la politique intérieure et la politique extérieure, à vouloir satisfaire les bien-pensants dans leurs délires droits-de-l'hommistes, à donner plus de crédits aux défenseurs auto-proclamés de la veuve et de l'orphelin qui ne sortent pas de Paris intra-muros qu'à la diplomatie soucieuse des intérêts de la France, à vouloir s'attacher le soutien de ceux qui ne le soutiendront jamais pour ne pas apparaître sectaire. Et lui qui voulait représenter la droite décomplexée…Il a encore du chemin à faire pour se détacher de l'emprise de la prétendue supériorité idéologique de la gauche à laquelle sont soumis presque tous nos hommes politiques de droite. Dans ces deux histoires, notre président de droite décomplexée a choisi de suivre la gauche et ses valeurs dans des combats et opinions plus que douteuses. Et à chaque fois, cela n'a donné que l'affaiblissement de la France ou une occasion manquée de soutenir véritablement la liberté. Espérons que cela serve de leçon…